Vel d’Hiv, F. Hollande n'a-t-il pas été trop schématique?
En qualifiant l'arrestation, l'internement et la déportation de 13 152 juifs de nationalité étrangère réfugiés en France, dont plus de 4 000 enfants, de "crime commis en France par la France", F.Hollande n’a-t-il pas forcé un peu le trait.
Les réactions diverses du monde politique laissent penser qu’un malaise certain a succédé à cette déclaration, même si nombre d’entre elles ne sont pas dénuées d’arrières pensées.
Oui cette rafle est une abomination, oui elle doit être condamnée au tribunal de l’histoire. Oui nous devons en garder la mémoire et rester vigilants pour que plus jamais telle ignominie ne puisse se reproduire.
Là où j’éprouve une certaine gêne, c’est que le président ait fait un raccourci certes saisissant mais bien trop schématique à mon goût. Il aurait été opportun de rappeler que les crimes commis par les policiers et les gendarmes français lors de la rafle du Vel d'Hiv, l'ont été sur l'ordre de l'Etat français de Vichy collaborant avec l'Allemagne nazie. C'est passer sous silence les accords passés avec la gestapo par René Bousquet, alors secrétaire général de la police agissant pour le gouvernement de Vichy. C’est « oublier » que ces fonctionnaires « zélés » n’étaient pas toute la France, c’est faire peu de cas de tous les français qui eux n’ont pas été complices. Cette page d’histoire déshonore ceux qui en ont été les acteurs, elle ne déshonore pas la France. Pas toute la France. Il aurait du dire : « ce crime commis en France par des français ! »
Un président ne parlant que rarement sans objectif précis, on peut se demander la ou les raisons qui ont poussé F. Hollande à oser ce raccourci. Peut-être a-t-il voulu gommer définitivement les années Mitterrand, son attitude « troublante » au début du conflit, son amitié jamais démentie avec Bousquet, son refus de reconnaître quelque responsabilité de qui que ce soit. Peut-être a-t-il voulu rassurer la communauté juive inquiète des positions d’une aile gauche du PS plutôt favorable à la Palestine. Quelles que soient les raisons, aucune ne justifie que l’on « simplifie » l’histoire, que l’on préfère une bonne formule à un discours de vérité. L’Etat français quel qu’il soit n’est pas la France, il est la représentation de la France à un moment donné. Il serait plus « pédagogique » et « productif » tout en rappelant les faits et leur insupportable réalité, de mettre en garde contre cette possibilité de voir un jour des autorités, des politiques, une administration, une armée, une police, des gens ordinaires se rendre complices d’un nouveau « faux pas ». Dépassionner le débat et se demander comment des hommes ont pu à ce point abandonner toute mesure et servir avec zèle un pouvoir totalitaire et sans pitié.
Je dirais avec un peu de provocation que peu importe qui a commis l’irréparable, et qui a été victime de ces exactions. Ce qu’il m’importe est de savoir comment faire pour que plus jamais des humains investis d’une autorité ne bafouent les droits les plus élémentaires de l’humanité en servant les desseins obscurs d’un oppresseur, et que la majorité silencieuse des citoyens se taise et laisse faire.
Les temps présents avec toutes leurs menaces font craindre que nous ne soyons confrontés à nouveau un jour à de tels agissements.
J’aurais donc aimé que notre président nous dise comment il comptait nous protéger contre un retour possible et prévisible d’idéologies destructrices ! Mais ce n’est pas avec des formules lapidaires qu’on éveille les consciences.