Histoire de voile ou l’imposture du libre arbitre.
Cette « malheureuse » affaire de foulard islamique dans le foot féminin imposé à la FIFA par le Qatar et la Jordanie a ravivé un souvenir personnel.
Je vais vous conter cette petite histoire bien édifiante.
Le lieu : L’école de Zep dont j’ai la charge dans une ville moyenne.
Les protagonistes : Votre serviteur alors directeur. Une maman d’élèves d’origine algérienne.
Histoire en quatre épisodes.
Episode 1 : Cette dame se présente un jour dans mon bureau pour inscrire sa fille au CP. Elle est souriante, vêtue d’un jean et d’un pull, cheveux longs, noirs, peignés en queue de cheval, maquillage léger, elle me serre la main très franchement, regarde droit dans les yeux. Une dame visant selon ses dires à s’intégrer le mieux possible dans la société française. Prenant soin de ses enfants, elle vient souvent à l’école ce qui permet d’instaurer un dialogue franc et confiant.
Episode 2 : Deux ans plus tard, elle vient inscrire son fils. Le pull et le jean ont laissé la place à une abaya très stricte, la queue de cheval a disparu sous un hijab blanc. Le regard sans maquillage est fuyant, elle reste à distance, ne me tend pas la main. Compte tenu des rapports de confiance que je crois toujours vivants, j’ose aborder avec elle les raisons de ce changement. Elle m’explique alors, avec conviction, qu’elle a décidé d’être plus « religieuse », plus respectueuse des préceptes de l’islam et de son dieu. Elle me précise bien que ce changement est dû à sa seule décision, à sa seule volonté, et qu’elle est plus heureuse ainsi qu’avant.
Episode 3 : Il me faut attendre un an encore pour qu’elle frappe à nouveau à la porte de mon bureau. Toujours les mêmes vêtements, mais le foulard ne parvient pas à cacher le gros bleu qu’elle a au visage. Je ne sais pourquoi, j’ai le sentiment qu’elle vient précisément pour que je le remarque. Je lui pose donc la question sans ambages. Elle commence bien par me parler de chute, mais très vite elle m’avoue être frappée par son mari, me dit « en avoir marre ». Je lui propose donc de l’aider si elle le désire. La réponse étant affirmative, je l’oriente vers un travailleur social et une avocate. Je lui dis qu’elle ne doit plus tolérer pareilles violences.
Episodes 4 : Dernière entrevue. Elle réapparaît à nouveau vêtue à l’occidentale, maquillage et cheveux libres ont refait leur apparition. Elle arbore un large sourire, s’avance vers moi et me tend la main. Elle est rayonnante. Je lui demande ce qui a provoqué cette métamorphose. Elle me dit simplement : « J’ai divorcé, je suis partie, je suis libre ! »
Nous parlons un long moment, elle m’explique qu’elle avait été contrainte au changement, contrainte par la belle famille, le mari, les autres femmes du quartier. Mille pressions quotidiennes qui ne lui avaient pas laissé le choix. Elle me précise que nombre de femmes étaient dans son cas. Qu’elle étaient bien obligées de dire que c’était leur propre décision, de se persuader, juste pour survivre, ne pas sombrer. Je n’oublierai jamais ces instants. Ce mode d’oppression cruelle, toutes ces femmes enfermées dans leurs maisons, leurs habits et leur silence.
Elle est partie, non sans m’avoir embrassé et m’avoir dit : « merci pour tout ». Ma plus belle récompense.
C’est par respect pour cette dame et son combat que je vous ai conté rapidement son histoire. Que l’on ne vienne pas me dire aujourd’hui que le port de ce satané foulard peut être regardé comme l’expression d’une liberté vertueuse. Je n’accepte pas que dans mon pays, les femmes soient à ce point niées, enfermées, masquées.
Quand à celles, et il y en a, c’est vrai, qui pensent que le port de cette prison de tissu est l’expression de leur liberté, qu’elles aillent donc la vivre dans un des pays qui l’imposent.
Dans mon pays, les femmes sont libres, belles, vivantes. Elles ont encore des combats à mener, ne laissons personne nous imposer, leur imposer un retour en arrière.