Gaz non conventionnel
Les gaz non conventionnels sont en train de révolutionner l’approche du monde de ses ressources en énergie fossile. Sélectra vous dit tout sur les gaz non conventionnels et leur impact sur le monde.
Définition
- Que sont les gaz non conventionnels ?
- Quels sont les grands types de gaz non conventionnels ?
- Comment extrait-on du gaz non conventionnel ?
- Où trouve-t-on des gaz non conventionnels dans le monde ?
- Quelles sont les ressources mondiales en matière de gaz non conventionnels ?
Exploitation
Impact
Que sont les gaz non conventionnels ?
Les gaz non conventionnels sont des ressources de gaz piégées dans des roches argileuses profondes et peu perméables ou dans des gisements de charbon. Ces gaz non conventionnels sont à distinguer des gaz conventionnels, qui sont eux piégés en forte densité dans des réservoirs naturels classiques. Les plus grandes quantités de gaz naturel sont aujourd’hui produites à partir de gaz conventionnels dont l’exploitation est facile et peu coûteuse, en particulier dans les grands gisements du Golfe Persique. Les gaz non conventionnels connaissent toutefois un très fort développement de nature à bouleverser la donne sur le marché mondial de l’énergie.
Quels sont les grands types de gaz non conventionnel?
Le gaz de charbon, appelé en anglais coalbed methane et plus communément désigné en français sous le nom de grisou, représente la moitié de la production de gaz non conventionnels aux Etats-Unis. Le gaz de charbon correspond à des vapeurs de méthane piégées dans le minerai de charbon et est donc présent dans les mines de charbon.
Le gaz de schistes, appelé en anglais shale gas, représente l’autre moitié de la production américaine de gaz non conventionnels. Le gaz de schistes provient de roches à grain fin (argile) où il est piégé en faible densité. Les gaz de schistes présentent le plus grand potentiel de croissance des gaz non conventionnels : leur production a déjà triplé aux Etats-Unis entre 2004 et 2008, passant de 19 à 57 milliards de mètres cubes par an.
Le gaz de sables colmatés, appelé en anglais tight gas sands, est présent ans des structures rocheuses peu perméables qu’il faut désagréger pour pouvoir exploiter. L’extraction de ce type de gaz non conventionnel est donc aujourd’hui trop coûteuse pour qu’il soit exploité à grande échelle, mais certains experts ont estimé que le gaz de sables colmatés représente la moitié des réserves de gaz non conventionnels aux Etats-Unis. Sur les 10 plus grandes découvertes de gisement de gaz ces 20 dernières années aux Etats-Unis, 4 étaient constitués de gaz de sables colmatés. Leur exploitation industrielle ne pourra démarrer que lorsque les prix du gaz se situeront à un niveau durablement élevés, ou lorsque des ruptures technologiques majeures interviendront.
Les hydrates de gaz, aussi appelés clathrates, correspondent à une forme de gaz non conventionnel se trouvant au fonds des océans des régions très froides et constitués de méthane et d’eau. L’exploitation des hydrates de gaz est beaucoup trop chère pour être rentable dans les conditions actuelles de marché, mais les réserves de gaz contenues dans ces hydrates seraient gigantesques : on les estime à deux fois les réserves de l’ensemble des autres ressources fossiles contenues par la Terre.
Comment extrait-on du gaz non conventionnel ?
L’extraction du gaz non conventionnel demande la maîtrise de deux technologies essentielles :
- le forage horizontal (pour maximiser la surface de forage et augmenter les rendements)
- la fracturation artificielle (création de fractures dans la roche imperméable par propulsion d’eau, de sable et de composants chimiques sous haute pression), qui permet de toucher des surfaces profondes et peu perméables.
La maîtrise de ces deux technologies explique le développement récent des gaz non conventionnels, qui deviennent moins coûteux à exploiter, les taux de récupération étant bien supérieurs à ceux du passé. On estime que les coûts d’exploitation des gaz non conventionnels ont ainsi été divisés par deux en 10 ans.
Où trouve-t-on des gaz non conventionnels dans le monde ?
Si la production industrielle de gaz non conventionnels s’est pour l’heure surtout développée aux Etats-Unis, il existe des ressources en gaz non conventionnels un peu partout dans le monde. Les réserves sont encore difficiles à chiffrer au niveau mondial, mais le potentiel serait important au Etats-Unis, au Kazakhstan, au Canada, au Venezuela, en Australie, en Chine, en Inde, en Indonésie. En Europe, la prospection est déjà lancée en Allemagne, en France et en Pologne.
Quelles sont les ressources mondiales en matière de gaz non conventionnels ?
Petroleum Economist estime que les réserves mondiales de gaz naturel devraient pouvoir être réévaluées de 60 à 250% avec le développement des gaz non conventionnels. La fourchette est encore large, l’ensemble du potentiel mondial des gaz non conventionnels étant encore loin d’être connu. Les Etats-Unis disposeraient d’un siècle de réserve pour leur production de gaz naturel, le double des estimations des experts à la fin des années 1990.
L’Agence Internationale de l’Energie estime que les gaz non conventionnel représenteront 15% de la production de gaz naturel mondiale en 2030, contre 12% en 2007. Les gaz non conventionnels assureront ainsi le tiers de la hausse de production de gaz naturel dans le monde entre 2008 et 2035.
Type de gaz
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Ressources mondiales (trillions de mètres cubes)
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Coûts d’extraction estimés (par millier de mètres cubes)
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Gaz et schiste et gaz de sables colmatés
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666
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140$-210$
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Gaz de charbon
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256
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35$-100$
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Gaz conventionnel
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185
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n.a.
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Source : Investors Chronicle – avril 2010
L’exploitation des gaz non conventionnels est-elle rentable ?
L’exploitation du gaz non conventionnel est plus chère que celle du gaz conventionnels, en raison des techniques et moyens plus sophistiqués qui doivent être mobilisés pour l’extraction. Avec la baisse des prix du gaz des années 2008, 2009 et 2010 sur les marchés mondiaux, et particulièrement aux Etats-Unis, la rentabilité des exploitations de gaz non conventionnels n’est pas garantie à court terme.
Que se passe-t-il aux Etats-Unis sur le segment du gaz non conventionnel ?
Les Etats-Unis sont le théâtre du premier développement à échelle industrielle de l’exploitation du gaz non conventionnel, ce qui justifie que tous les regards se portent vers ce pays pour reproduire l’expérience américaine sur d’autres continents. Le nombre de puits d’extraction de gaz non conventionnel est ainsi passé de 47 en 1989 à 6200 en 2010. La fantastique croissance des gaz non conventionnels leur permet aujourd’hui de représenter plus de 50% du gaz produit aux Etats-Unis. En parallèle, l’exploitation des gaz conventionnels aux Etats-Unis est aujourd’hui sur le déclin, une bonne partie des gisements étant déjà arrivée à maturité. Le gaz de schistes représente la croissance la plus extraordinaire, pesant pour 20% de la production américaine en 2009 contre seulement 1% en 2000. En 2008, les Etats-Unis ont produit au total 300 milliards de mètres cubes de gaz non conventionnels. L’Agence Internationale de l’Energie estime que les gaz non conventionnels représenteront 60% de la production de gaz naturel des Etats-Unis en 2030 grâce à 3600 Gm3 de réserves prouvées.
Quels acteurs sont impliqués dans l’exploitation des gaz non conventionnels ?
L’analyse des acteurs de l’exploitation des gaz non conventionnels aux Etats-Unis fait ressortir la place prépondérante de société de relativement petite taille à l’état d’esprit entrepreneurial, inconnues du grand public. C’est notamment le cas de XTO Energy et de Chesapeake Energy aux Etats-Unis, qui ne sont sortis de l’ombre que récemment, avec l’intérêt croissant porté à leur activité d’extraction de gaz non conventionnels. On peut également citer IGAS, San Leon Energy et Green Dragon Gas.
S’étant laissées distancées sur un marché dont elles n’avaient pas anticipé l’explosion, les multinationales du pétrole et du gaz ont mis les moyens nécessaire au rattrapage de leur retard. ExxonMobil a ainsi lancé une opération d’OPA sur XTO Energy pour une transaction chiffrée à 41 milliards de dollars. Total a également racheté à Cheasapeake une participation de 25% dans le gisement non conventionnel des Barnett Shales aux Etats-Unis pour 2,25 milliards de dollars. BP et StatoilHydro ont également racheté des participations dans des gisements de gaz non conventionnels. Les multinationales de l’énergie sont au moins autant intéressées dans ces opérations par l’acquisition d’un savoir-faire technologique reproductible sur d’autres gisements de gaz non conventionnels hors des Etats-Unis que par l’acquisition de réserves de gaz.
C’est plus largement l’ensemble de la chaîne de valeur pétrolière qui peut profiter de la manne des gaz non conventionnels. Par exemple, le français Vallourec a annoncé un investissement de 500 millions d’euros aux Etats-Unis pour produire les tubes de petits diamètres servant à l’exploitation des gaz non conventionnels.
Que se passe-t-il en Chine sur le segment du gaz non conventionnel ?
La Chine veut avancer rapidement pour tirer les leçons du développement des gaz non conventionnels aux Etats-Unis et le reproduire sur son territoire. Une série de mesures ont été annoncées en octobre 2010 afin d’impulser rapidement la dynamique des gaz non conventionnels en Chine.
D’une part, la Chine met aux enchères 6 blocs d’exploration de gaz non conventionnels dans un processus uniquement ouvert à quatre entreprises chinoises (Sinopec, Petrochina, CNOOC et Shanxi Yanchang Petroleum Group). L’attribution des blocs d’exploration sera accompagnée de subventions et d’avantages fiscaux qui devraient aider les concessionnaires à trouver les moyens du renforcement de leur compétitivité.
D’autre part, la Chine cherche à acquérir le savoir-faire technologique américain dans l’extraction des gaz non conventionnels. Le pétrolier chinois CNOOC a formé un partenariat avec l’un des leaders américains de l’exploitation des gaz non conventionnels, Chesapeake. Dans le cadre d’un partenariat signé par les présidents américains et chinois, des géologues américains viendront également sur le sol chinois.
La Chine souhaite établir la preuve à l’horizon 2020 que son sous-sol renferme 1000 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Les gaz non conventionnel assureront alors 8 à 12% de la production chinoise de gaz naturel. Le développement des gaz non conventionnels recouvre des enjeux environnementaux (le gaz émet beaucoup moins de CO2 lors de sa combustion que le charbon qui occupe une part dominante du mix énergétique chinois) et d’autonomie énergétique (réduire la dépendance de la Chine envers ses fournisseurs actuels de pétrole et de gaz naturel, en particulier les pays du Golfe Persique et la Russie).
Que se passe-t-il en France sur le segment du gaz non conventionnel ?
Le gaz non conventionnel n’en est qu’à ses balbutiements sur le sol français. Le potentiel français en matière de gaz non conventionnel se concentre dans le sud-est dans un triangle formé par Valence, Montpellier et Nice, particulièrement en Ardèche, dans la Drôme et les Hautes-Alpes. Ces régions présentent le potentiel géologique le plus propice au développement des gaz non conventionnels (gaz de schistes). Le Bassin parisien et l’Aquitaine pourraient également renfermer des gaz non conventionnels.
Ce n’est qu’en 2010 que Total a obtenu un permis de recherche exclusif d’hydrocarbures dans la Drôme pour une durée de 5 ans, dans l’objectif d’y déceler la présence de gaz non conventionnels. Des licences d’exploration ont également été attribuées à Total et GDF Suez en Ardèche, Total investissant au total 37,8 millions d’euros pour trouver du gaz de schiste en Ardèche et dans la Drôme. Les gaz non conventionnels pourraient ainsi prendre le relais des quelques gisements de gaz conventionnels français, en particulier celui de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) dont l’exploitation touche à sa fin.
Quel est l’impact du développement des gaz non conventionnels sur les marchés organisés du gaz ?
Les prix du gaz ont toujours été étroitement corrélés à ceux du pétrole sur les marchés mondiaux, les deux sources d’énergie étant substituables sur une partie de leurs usages. A l’occasion de la crise économique de 2008-2009, les prix du pétrole et ceux du gaz se sont orientés à la baisse sur les marchés, mais le gaz naturel a par la suite poursuivi son décrochage des prix du pétrole en continuant à baisser (de 13 dollars par millions de BTU en 2008 à 4 dollars à son niveau le plus bas). En effet, en plus de la baisse de la demande de gaz et de pétrole liée à la crise économique, le fort développement des gaz non conventionnels aux Etats-Unis est venu alimenter la surproduction de gaz naturel et aggraver la baisse des prix du gaz sur les marchés organisés. Le mouvement a été d’autant plus impactant que les acteurs des marchés du gaz n’avaient pas anticipé l’explosion de la production des gaz non conventionnels aux Etats-Unis.
Quel est l’impact du développement des gaz non conventionnels sur les marchés de gré à gré du gaz ?
Si les marchés organisés du gaz ont une réelle importance aux Etats-Unis, le prix des approvisionnements européens en gaz reposent largement sur des contrats de long terme entre producteurs de gaz naturel (ex : Gazprom, Sonatrach, Statoil) et distributeurs de gaz naturel (ex : GDF Suez, ENI, E.ON).
La première étape de la chaîne d’impact du développement des gaz non conventionnels sur les prix pratiqués en Europe est venue du gaz naturel liquéfié (GNL). Le transport intercontinental de gaz naturel se fait par liquéfaction du gaz naturel, transport par méthanier et regazéification à destination, formant ainsi la chaîne de valeur du gaz naturel liquéfié. Devant la surproduction américaine et la baisse des prix sur les marchés américains, des pays exportateurs de gaz naturel liquéfiés comme le Qatar et l’Australie ont dû trouver de nouvelles voies d’exportation vers l’Europe, causant ainsi une chute des prix sur les marchés organisés européens (marché spot). Début 2010, les prix sur les marchés organisés européens étaient jusqu’à 2 fois moins élevés que les prix des contrats de long terme d’approvisionnement en gaz.
Les grands opérateurs gaziers européens (GDF Suez, ENI, E.ON…) se sont donc lancés dans une initiative de renégociation des conditions de prix de leurs contrats de long terme avec les grands producteurs de gaz naturel. L’objectif est d’intégrer dans le calcul des prix non seulement une indexation sur les cours des produits pétroliers (à tendance haussière), mais aussi une indexation sur les prix du gaz affichés sur le marché spot. Le système actuel d’indexation sur les prix des produits pétroliers n’est en effet plus valable, puisque le pétrole et le gaz naturel ont vu leurs fondamentaux de formation des prix diverger, sous l’impact du développement des gaz non conventionnels.
Ce n’est qu’à partir de moment où la renégociation des contrats d’approvisionnement des grands énergéticiens européens sera bouclée que les consommateurs finaux particuliers et professionnels pourraient bénéficier en Europe du développement des gaz non conventionnels aux Etats-Unis.
Quel est l’impact du développement des gaz non conventionnels sur la filière du gaz naturel liquéfié (GNL)?
La filière du gaz naturel liquéfié souffre considérablement de l’émergence des gaz non conventionnels aux Etats-Unis. En effet, d’énormes projets d’usines de liquéfaction et de terminaux de regazéification ont vu le jour dans les pays producteurs et dans les pays consommateurs de gaz naturel, en particulier dans les pays du Golfe Persique et aux Etats-Unis. Les acteurs anticipaient alors une baisse de la production de gaz naturel aux Etats-Unis. Finalement, le développement des gaz non conventionnels a changé la donne et provoqué une division par deux en trois ans des importations américaines de gaz naturel liquéfié, plusieurs terminaux de regazéification ayant dû fermer.
La chaîne de gaz naturel liquéfié s’est donc tournée vers des débouchés autres que les Etats-Unis, en particulier l’Europe et l’Asie. Même là, la baisse des prix du gaz sur les marchés fait douter de la rentabilité des investissements dans de nouvelles capacités d’accueil de gaz naturel liquéfié. Gazprom a ainsi retardé de trois ans son projet géant d’usine de liquéfaction GNL de son gisement de Chtokman, en mer de Barents. Les répercutions du développement des gaz non conventionnels aux Etats-Unis se font donc ressentir aux quatre coins du monde.
Quel est l’impact du développement des gaz non conventionnels sur la situation énergétique de l’Union européenne ?
Si les Etats-Unis sont les premiers bénéficiaires du développement des gaz non conventionnels sur leur sol, l’Union européenne devrait également retirer des bénéfices politiques et économiques significatif de la percée des gaz non conventionnels, même en-dehors de son territoire.
Au niveau économique, les arrivées supplémentaires de gaz naturel liquéfié à l’origine destiné aux Etats-Unis ont pour effet :
- de faire baisser les prix du gaz sur les marchés spots, ainsi que, après renégociation, sur les contrats de long terme d’approvisionnement en gaz.
- de structurer des marchés organisés du gaz, dont les volumes traités sont encore confidentiels au regard des volumes de gaz sous contrat d’approvisionnement de long terme sur le marché de gré à gré.
Au niveau politique, l’arrivée de gaz naturel liquéfié des quatre coins du monde améliore l’indépendance énergétique de l’Europe face à ses grands fournisseurs de gaz, comme la Russie et l’Algérie. Il devient plus aisé de se prémunir des conséquences des crises politiques russo-ukrainiennes, qui ont entraîné en janvier 2009 des répercussions majeures dans l’approvisionnement en gaz de pays de l’Union européenne. Les avantages politiques gagnés sur la Russie sont conséquents. Pour s’assurer de la fidélité des grands énergéticiens européens, Gazprom les invite ainsi à prendre des participations directes dans ses projets de développement de gazoducs (ex : North Stream, South Stream).
Au-delà, il semble qu’une révolution plus profonde soit en train de se dessiner dans une Europe habituée à la dépendance énergétique et se tournant résolument vers l’exploitation de son propre potentiel énergétique, renouvelable ou non. Les gaz non conventionnels européens recèlent un potentiel encore peu connu, qui pourrait donner naissance à une filière locale d’importance. On sait déjà que la Pologne attire les convoitises d’ExxonMobil et ConoccoPhillips avec les 1360 milliards de mètres de cubes de gaz non conventionnels qu’elle pourrait abriter. De quoi enthousiasmer une Europe centrale et orientale très inquiète de sa dépendance énergétique envers un grand voisin russe pas toujours bienveillant.
Quel est l’impact du développement des gaz non conventionnels sur les pays producteurs de gaz naturel ?
Les pays producteurs de gaz naturel verront leur poids économique et politique s’affaiblir au fur et à mesure que des gisements de gaz non conventionnels seront mis en exploitation dans les pays traditionnellement importateurs de gaz. Les prix du gaz sur les marchés internationaux devraient pâtir sur le long terme du développement des gaz non conventionnels, l’offre s’accroissant plus vite que la demande de gaz, impactant le produit des ventes de gaz des pays exportateurs. Toutefois, les coûts d’exploitation du gaz conventionnel restent dans la plupart des cas plus faibles que les coûts d’exploitation des gaz non conventionnels, permettant aux pays traditionnellement exportateurs de garder un atout de taille (en particulier au Moyen-Orient).
Face à ces bouleversements, les grands producteurs de gaz naturel, en particulier la Russie, continueront à tenter de sécuriser des contrats d’approvisionnement de long terme (20 ou 30 ans) et à faire participer à leurs projets de construction de gazoducs leurs clients afin de s’assurer des revenus sur le long terme en provenance de clients fidèles. Les grands énergéticiens européens comme GDF Suez, ENI, E.ON ou Gas Natural y trouveront une solution permettant d’avoir une visibilité de long terme sur leurs coûts d’approvisionnement.
Quel est l’impact du développement des gaz non conventionnels sur la consommation prévisionnelle de gaz naturel dans le monde ?
La consommation de gaz naturel devrait être amenée à croître dans le monde, en raison de la baisse des prix du gaz constatée grâce à la mise sur le marché de grandes quantités de gaz non conventionnels. Déjà, le recul de la consommation mondiale de gaz en 2009 laissera place en 2010 à une hausse de 2%. Tous les scénarios de l’Agence Internationale de l’Energie indiquent que le gaz naturel sera le seul combustible fossile dont la demande en 2035 dépassera la demande de 2008. Cette progression devrait même atteindre 44% entre ces deux dates selon le scénario de référence, pour porter le gaz naturel à une part du mix énergétique mondiale similaire à celle du charbon. La Chine notamment, dernière entrée dans la course au développement des gaz non conventionnels, devraient voir sa consommation de gaz naturel croître de 6% par an en moyenne entre 2008 et 2035. L’économiste en chef de l’Agence Internationale de l’Energie Fatih Birol estime ainsi que l’on pourrait assister dans les prochaines années à un « âge d’or du gaz ».
Concrètement, l’âge d’or du gaz pourrait se matérialiser par des transferts d’usage des autres énergies fossiles vers le gaz naturel. La flotte automobile alimentée au gaz naturel compressé pourrait ainsi croître en flèche, et les centrales de production d’électricité fonctionnant au gaz naturel devrait poursuivre leur progression face aux autres centrales thermiques et au nucléaire.
Quel est l’impact du développement des gaz non conventionnels sur l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables ?
L’énergie nucléaire aux Etats-Unis devrait souffrir significativement du développement des gaz non conventionnels. Alors qu’on annonçait en 2007 la renaissance de l’énergie nucléaire aux Etats-Unis, pour faire face aux besoins énergétiques massifs du pays sans émettre de gaz à effet de serre, diverses nouvelles peu encourageantes sont venues ternir les perspectives du nucléaire sur le front américain. EDF a par exemple vu ses espoirs de développement du réacteur EPR sur le marché américain retardés, du fait de la décision de son ancien partenaire Constellation Energy de renoncer à ses projets de constructions de nouveaux réacteurs. Face à la concurrence de centrales de production d’électricité au gaz naturel, qui ne nécessitent que des investissements légers et qui devraient bénéficier de coûts d’exploitation faible en raison de la baisse des prix du gaz entraînée par le développement des gaz non conventionnels, le nucléaire apparaît comme un investissement trop massif, trop long et trop risqué.
Le développement des gaz non conventionnels a par ailleurs entraîné une baisse des prix de l’électricité, de nombreuses centrales électriques fonctionnant au gaz naturel aux Etats-Unis. De plus, les prix prévalant sur les marchés de l’électricité correspondent au coût marginal de production de la centrale la plus chère utilisée pour alimenter le marché. Or, ce sont souvent les centrales thermiques à gaz qui sont ces unités marginales de production d’électricité sur lesquels le prix de marché se détermine. La baisse du prix du gaz liée l’essor des gaz non conventionnels impacte ainsi à la baisse les prix de l’électricité aux Etats-Unis. Par conséquent, les énergies renouvelables ont de plus en plus de mal à apparaître compétitives, sur un marché de l’électricité où les prix sont orientés à la baisse.
Quel impact écologique pour le développement des gaz non conventionnels ?
Le bilan écologique des gaz non conventionnels est controversé. Du côté positif, le développement des gaz non conventionnels permet de ralentir le développement des autres sources d’énergies fossiles (en particulier le pétrole et le charbon) qui sont plus émettrices de gaz à effet de serre.
Toutefois, le gaz naturel reste émetteur de CO2 à sa combustion, et la consommation d’énergie durant la phase de forage vient alourdir le bilan en gaz à effet de serre de l’exploitation des gaz non conventionnels. D’autre part, les techniques de fracturation peuvent causer des phénomènes de pollution de nappes phréatiques en raison de l’injection à haute pression, pour briser les roches, d’eau, de sable et de produits chimiques. De plus, l’exploitation des gisements de gaz non conventionnels nécessite de forer un grand nombre de petits puits, entraînant un impact direct sur les paysages.
Ces considérations écologiques incitent à une grande prudence quant aux perspectives des gaz non conventionnels dans les zones densément peuplées, comme le sud-est de la France où le potentiel géologique est bien présent. Les critiques des populations locales aux Etats-Unis se font de plus en plus entendre, et des projets de forage y ont été abandonnés pour cette raison. En Australie, c’est la raréfaction des ressources en eaux qui a conduit à l’abandon de certains projets. La révolution des gaz non conventionnels devrait donc pour l’heure impacter indirectement seulement les marchés du gaz européens.
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