Notre dame de Paris: Larmes de pharaons


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u moment même où le pouvoir était sur la sellette, alors que les renseignements évoquaient la radicalisation de l'opinion et un risque insurrectionnel recrudescent, alors que le printemps ne faisait que commencer, cet incendie surgit comme un miracle.


La flèche de Notre-Dame est tombée à pic et son incendie va continuer à nous enfumer pour quelques jours encore.


Le temps qu'on se rappelle, à tête reposée, que personne n'est mort, que l'argent ne manque pas pour reconstruire à l'identique le monument, que ce sont des choses qui arrivent et qu'elles sont parfaitement réparables, jusqu'au moindre détail, contrairement aux millions de vies saccagées et détruites par ce même pouvoir et ces mêmes milliardaires qui feignent de gémir en chœur avec nous.


Une fois de plus, nos existences sont détournées de leur préoccupation première : vivre libres et égaux, incrédules et heureux, sans plus jamais mettre un genou à terre.


Une fois de plus, les divertissements les plus abrutissants s'éclipsent quelques heures pour laisser place à une autre forme de diversion, plus insidieuse encore. Celle qui nous fait croire que nous avons une tristesse et un objectif en commun avec ceux qui prétendent nous gouverner et ceux qui accumulent des profits colossaux sur notre dos.


Tous les incendies du monde n'y feront rien. Qu'importe l'ampleur des catastrophes, elles ne sont pas grand chose devant la première de toutes : l'apocalypse capitaliste qui sévit sur toute la surface de la Terre et la domination quotidienne que nous subissons.


Non, l'enfer n'est pas sous Terre, mais bien ici. Et le paradis, ne s'atteindra pas dans une quelconque soumission à des prélats ou à des hommes providentiels, mais dans la lutte incrédule et inlassable contre toutes les formes de dominations et d'exploitation.


Vous qui pleurez, braves gens, vous pleurez en réalité l'une des innombrables constructions pharaoniques du pouvoir politique, économique et religieux : chantiers qui ont coûté la vie à des millions d'ouvriers et d'esclaves depuis des millénaires, alors même que la plèbe épuisée manquait partout de pain et de toits où s'abriter.


Vous qui pleurez, braves gens, vous oubliez, derrière ces ouvrages, les innombrables victimes des religions : femmes, hommes et enfants, pseudo sorcières et libres penseurs, sédentaires et voyageurs, artistes et chercheurs, impies et égalitaires, libertins et libertaires, de dénonciations en rafles et de tortures en bûchers.

 

Vous rendez hommage au gigantisme clérical qui produisait, et produit encore, autant de chantiers que de charniers.


Vous occultez toutes celles et ceux qui trouvaient la mort, à quelques jets de pierres des églises en construction, seulement parce qu'ils/elles voulaient vivre autrement.


Vous ne voyez pas, derrière la lumière du vitrail, l'ombre d'un des pires obscurantismes de l'Histoire.


Que les pharaons d'aujourd'hui veuillent nous faire pleurer sur l'un des monuments gigantesques commandés par leurs prédécesseurs, c'est tout à fait logique.


Mais que nous tombions dans le panneau, nous qui voulons sortir de cet enfer qui n'en finit pas, c'est bien dommage.


Prenons garde aux larmes des pharaons.

Yannis Youlountas

 

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17/04/2019
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