Marge et crève
Le texte à écouter.
oi qui, tout juste à la retraite
Es certain pourtant de n’avoir
Qu’un an de plus, et qui t’apprêtes
A goûter vie, temps et savoir
Détrompe-toi, petite tête
Tu as fini de voyager
Tu n’es plus de cette planète
Tu n’es plus qu’un… « troisième âgé »
On va t’envoyer dans l’astre social
De l’oubli, qui gravite en marge
D’où tu verras, par un créneau spatial
Le présent passer, si t’es sage !
Car on n’est plus d’un même espace
Même temps, même humanité
De même histoire ou même classe
Même droit, même société
On n’est plus de la même grille
Du même air, du même quartier
Même toit ou même famille
Crois-tu qu’on soit encore entier ?
Momifiés avant notre trépas
Mieux que dans les casiers des morgues
Là où les voisins ne s’engueulent pas
Chacun dans son chariot : et vogue !
On n’est plus que célibataire
Jeune ou vieux, veuve ou divorcé
Handicapé et locataire,
Pédé, chômeur, fou, pas Français
On n’est plus qu’une ombre des autres
Que des amoureux sans rencart
La dignité humaine notre
Monde s’en moque, de Tiers en Quart.
Subie, choisie, bannie à cris d’orfraie
La marginalité s’installe
Notre société d’emmurés de frais
L’a produite et la vend aux halles.
Dans notre libéral système
Pour être déclaré normal
Avant même notre baptême
On a de plus en plus de mal.
Quand tout le monde est dans la marge
Le centre qu’est-il devenu ?
De vivement tourner la page
C’est qu’enfin le temps est venu.
A force de se croiser sans se voir
Il faudra bien qu’on se rencontre
Quand dans la rue marchera le pouvoir…
Pour remettre à l’heure la montre.
Toi qui débarques, petit d’homme
De quelques mois mouillés d’humain
Et te prépares dans ton somme
A te battre en serrant les poings
Il nous faut te regarder comme
Un temps de l’être passager
Au fond de toi, le vieux bonhomme
A commencé à voyager.
On t’enverra dans l’appareil spécial
A couper en tranches les classes
D’où tu pourras, par un créneau social
Saisir ta vie,…si elle y passe.
Marius Vincent