Maintenant prends le bateau


Bonsoir. Je ne sais pas comment pourra être reçu ce texte aujourd’hui. Peut-être permettra-t-il de rappeler qu’avant d’aller écraser leurs pays sous les bombes et offrir les émigrés en nourriture aux poissons, on a connu selon les époques des choix et des jugements bien différents quant aux formes d’émigration ou immigration. Des troupes coloniales servant de chair à canon efficace lors des deux grandes guerres, on était passé à la demande de main-d’œuvre émigrée, « incitée » plus ou moins honnêtement, pas toujours volontairement, acceptant même les livraisons faites par des passeurs, déjà pas toujours bénévoles …pour constater que ces travailleurs irresponsables allaient même avoir une descendance qui, certes, offrirait la possibilité de grossir l’armée des chômeurs souvent bien pratique…mais, quoi, point trop n’en faut !

Pour ceux qui s’interrogent sur la « poussée islamiste », je peux rappeler qu’étant né et ayant vécu dans un quartier ouvrier, les travailleurs, musulmans ou pas, savaient se syndiquer et faire grève ce qui amenait assez souvent leurs enfants à acquérir une culture syndicale et politique jusqu’à devenir des militants ou des délégués. « L’intégration » et la solidarité devenaient naturelles… parce qu’on était ensemble…au travail…

 


 

 

Maintenant prends le bateau

 

On les avait fait venir de misères lointaines

Dont la poussière, en voyage, avait serré les cœurs

On leur avait vidé les poches

Sur les frontières, en même temps

On leur disait que notre France est belle

On leur disait que vivre en France, c’est beau

 

Emmurés dans des chenils, vrais morts en élevage

Sans pedigree, sans papiers, sans collier car sans nom

Comme au large de l’autre marge

Où la ville colle au bidon

Des sans-le-sou, dans sans-la-vie, des sans-classe

Qui briseront nos vitrines de l’oubli

 

On a entassé sans droits leur fatigue en lits-cages

Prisonniers qui gavaient d’or les marchands de sommeil

Tu cherchais dans les yeux des autres

Le long des rues, du coin d’un banc

Où tu passais tes dimanches de silence

Un peu de toi, pour y débarquer ton froid

 

A cheval entre deux vies, deux langages, deux terres

Entre deux temps, deux pays, deux amours, deux regrets

Faut pas toucher femme française !

Un immigré ne doit bander

Qu’en payant dans des bordels sans une étoile

Que n’avaient-ils laissé leur sexe Là-bas ?

 

Ils ont fait des guerres, les nôtres, les leurs ou celles

Qu’on leur a faites avec la peau de gars de vingt ans

Ils ont creusé, tracé les routes,

Coulé l’acier et le béton

Comme ont coulé leur sueur, parfois leurs larmes

Notre industrie digérait même leur sang

 

Ils ont su que basané se prononce coupable

On les a assassinés en des crimes impunis

Des quais d’Arenc aux ratonnades

Notre Etat s’est occupé d’eux

Pas de travail sans Carte de Résidence

Mais pour l’avoir…il faut d’abord travailler !

 

Certains ont poussé des murs, mis un toit sur leurs têtes

Avant que d’être connus, reconnus des voisins

Taillant à vif, de gré, de force

Ils sont entrés dans nos schémas

De vie, d’envie, d’espérance et dans nos pièges

Et leurs fils sont chômeurs mieux que toi et moi

 

Leurs forces se sont usées, s’est usée leur culture

La mémoire a mal pâli : la Patrie, qu’est-ce que c’est ?

Puisque près de nous à l’usine

D’où que tu sois, tu es chez toi

On a partout, mieux qu’une patrie : sa classe

Quand on l’oublie, le pouvoir rejoue gagnant

 

Bouc-émissaire de crise où l’on pousse au racisme

Responsables tout trouvés de l’insécurité

Ces salauds se syndicalisent !

Se politisent ! Quand on ne peut

Plus s’en servir d’écran de peur ou d’O.S.

On leur offre un  aller simple pour ailleurs

 

On leur disait que notre France est belle

On leur a dit : « maintenant, prends le bateau » 

 

 

Marius Vinson 



02/03/2021
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