Gaz de schiste : quoi de neuf dans les tuyaux. Mai 2015
i on suit assidument les réseaux sociaux, on constate ce qui ressemble fortement à une démotivation de nombreux militants anti gaz de schiste. Lassitude, sentiment que nous serions à l’abri de la catastrophe, réussite du travail de sape des lobbys ? En tous cas, rien de rassurant.
La réalité, cependant, devrait maintenir l’intérêt « des troupes ». Nous ne sommes pas l’abri de l’invasion des foreuses, et au-delà des déclarations trompeusement rassurantes de certains politiques, l’industrie gazière n’a pas renoncé.
Afin donc que chacun puisse enrichir sa culture « antigaz », qu’’il me soit permis ce mois-ci de dresser un petit état des lieux. Tout n’est pas calme et paisible dans le monde sauvage du gaz.
- Aux USA, des chercheurs de l'Université d'État de Pennsylvanie ont détecté des traces d'additifs dans l'eau du robinet des maisons voisines du champ de gaz de schiste de Marcellus. Cette étude apporte la preuve officielle et indiscutable que les nappes phréatiques, et donc indirectement les eaux du robinet, sont polluées par des opérations d'extractions de gaz dans les roches. Et ce malgré la profondeur des couches de schiste dans le sol. L’argument des foreurs, qui jusqu’ici moquaient les opposants, affirmant que pareille pollution était purement impossible, est battu en brèche. Il est désormais démontré que les produits chimiques voyagent à travers plus de deux kilomètres de couches géologiques vers les puits d'eau potable. Les molécules chimiques identifiées viennent soit des fluides de fracturation, soit des additifs utilisés pour les forages et ils se déplacent avec le gaz naturel à travers des interstices naturels dans la roche. Nos ressources en eau sont donc en péril, et ce seul argument suffirait à interdire l’exploitation.
- Au USA encore, la collusion entre industriels et opposants vient d’être révélée et démontrée. Concernant le tristement fameux pipeline projeté entre Canada et USA, pour combattre la dissidence, le FBI a espionné les militants opposés au pipeline Keystone XL, et ce sans tenir compte de ses propres règles. Les "extrémistes environnementaux "sont infiltrés, des dossiers sont constitués, sans qu’aucune autorisation légale n’est été donnée. On ne peut s’empêcher de penser devant une telle information à la loi française sur le renseignement qui vient d’être votée et nourrir les plus vives inquiétudes dans l’avenir pour tous les militants qu’il sera tellement facile d’assimiler des terroristes dans leur volonté « de nuire aux intérêts économiques et industriels du pays »… A méditer…
- Aux USA toujours, une équipe de chercheurs menés par le professeur Carlos Fernandez du Pacific Northwest National Laboratory, aux États-Unis, rattaché au Ministère de l’Energie, vient d’annoncer avoir réussi à réduire considérablement la quantité d’eau utilisée d’ordinaire pour la fracturation hydraulique. Son utilisation pourrait réduire les besoins en énergie nécessaires à la création de réservoirs de gaz de schiste rentables sans provoquer de fissures profondes dans les sols. Elle permettrait de réduire la quantité d’eau nécessaire. Elle serait par ailleurs moins nocive pour les sols et l’environnement aux alentours des puits, et, cerise sur le trépan, elle serait beaucoup moins coûteuse. Que demande le peuple ? Même si cette technique est encore bien loin d’être au point et sa mise en application de l’ordre de l’espoir, elle montre bien que l’argumentation de l’industrie se concentre sur la seule technique de l’extraction en passant sous silence tout le reste du processus tout aussi nocif et dangereux.
- Aux USA enfin, une série de nouvelles études conclut que la hausse récente du nombre de tremblements de terre aux Etats-Unis, notamment dans l’Oklahoma, est directement liée à l’exploitation du gaz de schiste. La hausse soutenue de la production s’est accompagnée d’une hausse exponentielle du nombre de séismes de plus de 3,0 sur l’échelle de Richter. De deux tremblements de terre par an de plus de 3 sur l’échelle de Richter, on est à un ou deux par jour. L’inquiétude est grande chez les spécialistes qui n’excluent pas des séismes de magnitude 4 voire 5 dans un proche avenir. Voici une information qui devrait ébranler bien des certitudes non ?
- Au Canada, le ciel semble s’assombrir au-dessus des puits. A Montréal, la fondation de l’université Concordia annonce la création d’un «fonds de placement durable» de 5 millions de dollars, qui «rejette tous les domaines qui ne répondent pas à ses critères, comme les combustibles fossiles, les armes ou le tabac». Après une pétition signée par 3 000 étudiants et un an et demi de discussions, Concordia est la première université canadienne à se lancer dans le «désinvestissement». «L’objectif n’est pas de provoquer la faillite des compagnies pétrolières : leurs profits sont tels qu’on ne peut pas leur porter atteinte économiquement, admet Nicolas Haeringer, chargé de campagne pour 350.org en France. Mais l’idée est de porter atteinte à leur légitimité sociale. Rendre peu à peu inacceptable le fait de s’enrichir, d’avoir des intérêts dans le secteur des combustibles fossiles.» L’argent étant le nerf de la guerre, cette position, à terme, peut avoir un effet boule de neige, et surtout être le signe que les combustibles fossiles appartiennent au passé.
Avec tous ces clignotants qui passent au rouge, l’entêtement des industriels et de nombreux politiques qui leur passent les plats devient insupportable. Il faut donc rester vigilants, ne jamais se penser l’abri. L’avenir n’est pas aux énergies fossiles, ni à ceux qui ne parviennent pas à s’en persuader.