Gaz de schiste : pas sans l’opinion publique européenne
Par JANEZ POTOCNIK Commissaire européen chargé de l’Environnement
L’Europe est confrontée à une crise économique sans précédent, provoquant instabilité, chômage et pauvreté. Mais il existe une autre crise tout aussi dévastatrice : nous puisons constamment dans nos ressources naturelles. C’est une menace pour notre santé et les écosystèmes, et aussi pour notre richesse matérielle et notre compétitivité future. La crise économique ne se limite pas à des taux d’intérêt, à l’austérité budgétaire et au sauvetage des banques. La crise est fondamentalement une question de soutenabilité. Nos infrastructures, notre système économique et financier et notre comportement quotidien nous ont enfermés dans un court-termisme fondé sur l’épuisement de notre capital naturel et des matières premières.
Nos sociétés mènent des activités périlleuses. Nous creusons des forages pour le pétrole et le gaz. Nous utilisons des produits chimiques dangereux. Nos industries, notre agriculture et nos modes de transport polluent l’air et l’eau. Nous avons fait le choix de ne pas interdire un grand nombre de ces activités parce qu’elles sont sources de bénéfices. Au lieu de cela, nous adoptons des lois qui encadrent ces activités afin qu’elles soient conduites sans danger et parce qu’elles sont acceptables pour l’ensemble de la collectivité. Autrement dit, nous gérons les risques.
Concernant le gaz de schiste, plusieurs pays européens, tels que la Pologne et le Royaume-Uni, s’emploient à explorer ou à exploiter leurs réserves. Il n’appartient pas à l’Union européenne de décider quelles sources d’énergie un Etat membre doit utiliser. Quand ce dernier prend une telle décision, le rôle de l’UE est de s’assurer qu’il n’y ait pas de danger pour la santé publique et l’environnement. Les partisans du gaz de schiste veulent suivre les Etats-Unis où la production de ce gaz a augmenté de 48 % entre 2006 et 2010, leur permettant de passer du statut d’importateur net en gaz naturel à celui d’exportateur net. Mais la structure géologique du continent européen ne ressemble en rien à celle des Etats-Unis et ces derniers disposent de beaucoup plus d’infrastructures pour le forage, le transport et le stockage. L’Europe est aussi handicapée par des questions d’accès aux terrains.
Les études que nous avons commandées montrent que l’extraction du gaz de schiste est susceptible d’avoir un impact environnemental plus important que l’extraction du gaz conventionnel. La contamination des eaux souterraines et de surface, l’appauvrissement des ressources en eau, des nuisances sonores et une pollution de l’air, des problèmes liés à l’occupation des terres et à l’impact sur la biodiversité sont au nombre des risques environnementaux et sanitaires qui ont été relevés.
L’opinion publique va jouer un rôle déterminant. Dans un récent sondage d’opinions, 74 % des Européens et 89 % des Français ont répondu qu’ils seraient inquiets si un projet de gaz de schiste s’installait près de chez eux. Je pense que cette industrie n’aura un avenir en Europe que si elle reçoit l’assentiment des populations en leur donnant les garanties nécessaires sur la gestion des risques. La viabilité économique d’une possible production de gaz de schiste dépendra aussi des progrès technologiques, de l’acceptation sociale, de l’accès aux terres et de l’évolution du marché de l’énergie.
Notre défi est donc de faire les bons choix, d’avoir une approche claire et équilibrée dans un domaine où les aspects économiques, environnementaux et l’acceptabilité sociale de ces extractions sont étroitement liés. La Commission européenne est en train d’élaborer un cadre de gestion des risques posés par l’extraction des hydrocarbures non conventionnels, y compris par le gaz de schiste qu’elle compte soumettre d’ici la fin de l’année. Ce document cherchera à s’assurer que ces développements s’accompagneront de garanties sanitaires, climatiques et environnementales adéquates et d’un maximum de sécurité et de prévisibilité juridiques, tant pour les citoyens que pour les opérateurs économiques, tout en permettant de réaliser les avantages potentiels en matière d’économie et de sécurité énergétique.
A cette fin la Commission européenne a lancé une consultation publique en ligne sur le gaz de schiste. Toutes les contributions sont les bienvenues :
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