10 mars 1906, Catastrophe minière de Courrières. 1099 morts…
Un bien douloureux anniversaire. Ce petit article que j'ai reconstruit est l'œuvre de Mathilde Larrere sur twitter, repris grâce à son aimable permission. Qu'elle en soit remerciée.
u début XXe siècle, la compagnie des mines Courrières était florissante, à un moment où la demande de charbon était élevée. De 1898 à 1904, la compagnie de Courrières a gagné 74 millions de francs dont 41 millions ont été distribués aux actionnaires, 14 mis en réserve et 18 utilisés pour les travaux d’amélioration… le matériel est vieillissant…
Qui plus est, même dans ce contexte de profit, en 1902, la compagnie a baissé les salaires de 10% !
Le 10 mars 1906, un coup de grisou suivi d’un coup de poussier ravage en quelques secondes 10 km de galeries.
La présence de ce gaz avait pourtant été suspectée quelques jours plus tôt par des mineurs, mais sans que la compagnie en tienne compte. Des feux couvaient. Des délégués des mineurs avaient demandé qu’on ferme les puits concernés. Mais on ne les avait pas écoutés...
Dans les corons, la nouvelle de la catastrophe se répand vite. Epouses, mères, les grands-parents, les enfants se précipitent vers les puits sinistrés. Les avenues de fosses et les rues des cités sont envahies par des milliers de personnes.
Mais les grilles de la mine sont fermées… Les patrons se refusent à laisser entrer les familles, même à leur donner des nouvelles... Imaginez l'angoisse et l' horreur de l’attente pour les familles à qui l’on ne dit rien…
Pire encore... Les sauvetages traînent. Les mineurs accusent la Compagnie de faire passer la protection des infrastructures avant le sauvetage des hommes.
Vue la situation, des mineurs prennent d’eux-mêmes l’initiative de descendre pour sauver leurs camarades Au bout de deux jours et deux nuits, on remonte 25 survivants et 43 cadavres. On ne sait rien des autres.
Trois jours après l'explosion, les recherches pour retrouver les survivants sont abandonnées et une partie de la mine est condamnée Une mesure qui est prise pour sauver le gisement…. Alors qu’on ne sait pas s’il reste des vivants au fond…
Mais attendez... ce n'est pas fini... Après avoir caché les victimes, la compagnie ne laisse qu’un jour aux familles pour identifier leurs proches.
Là dessus, la compagnie décide ensuite de virer les veuves des maisons qu'elles occupaient dans les corons… Les obsèques sont organisées à la va vite, pour éviter les épidémies dit-on…
Le 13 mars, lors des obsèques des premières victimes, le directeur de la compagnie doit partir sous les huées « assassins ! » Aux obsèques, la foule scande « Vive la révolution ! Vive la Sociale ! Vive la grève ! »
Dès mi-mars, les mineurs refusent de descendre au fond. Le 16 mars, 25 000 ouvriers sont en grève.
Or le 30 mars, 13 hommes remontent du fond ! Abandonnés par l’arrêt des recherches ils sont remonté seuls Errant dans le noir, à la recherche de la sortie. Un 14e sera ensuite retrouvé, le 4 avril…
A noter qu’en Chti on les appelle les « escapés » échappés, ce qui devient « rescapés » dans la presse, le mot vient de là.
La colère explose, c’est la preuve qu’on a arrêté les recherches trop tôt, qu’on a sacrifié les hommes au capital. Combien d'autres auraient pu être sauvés?
En quelques jours, le mouvement s'étend à tous les bassins miniers français. Début avril, plus de 60 000 mineurs sont en grève.
La grève s’étend : mineurs de la Loire et d’Alès depuis le 15, métallurgistes du Pas de Calais le 17 avril, Faïenceries et verreries voisines le 18, postiers et typographes de régions parisiennes... En solidarité, des mineurs d’Allemagne, de Belgique font grève.
Face aux mineurs, Georges Clemenceau, nouveau ministre de l'Intérieur, choisit la répression et mobilise 30 000 gendarmes et soldats… Les grévistes et leurs familles tiennent le coup, en dépit de la répression, du manque d’argent.
À la fin du mois, le patronat concède des augmentations de salaires. Il faut voir que le gouv a fait pression car il veut que l’affaire soit réglée avant le 1er mai car il a peur de l’ampleur du mouvement (et de fait, le 1er mai 1906 sera massif).
L'accident fit officiellement 1 099 morts sur près de 1 800 mineurs descendus ce jour-là, mais on pense que le bilan réel est supérieur 28 % des victimes avaient moins de 18 ans… (le plus jeune 13 ans).Au procès qui suivit, l’affaire fut conclue par un non lieu et la compagnie de Courrières blanchie… Après ce mouvement (et un 1er mai incroyable !), en juillet 1906, le gouvernement fait voter l'instauration du repos hebdomadaire. une importante revendication ouvrière.
Suite à la catastrophe, les socialistes (de l’époque !!!) demandent la nationalisation des houillères (pour ça il faudra attendre le lendemain de la 2nd guerre mondiale).
En octobre 1906, suite à l’intense mobilisation qui a suivi la catastrophe, un ministère du travail et de la protection sociale est enfin créé! C’est ce ministère qui amorce le travail de rédaction d’un code du travail qui voit le jour en 1910 celui là même qui est attaqué aujourd’hui.
Relisons Jean Jaurès, dans L’Humanité, sur la catastrophe….
hommage aux mineurs hommage aux grévistes honte éternelle aux patrons.