Où nous mène le candidat Sarkozy
Superbe journée ensoleillée. Jardinage avec la radio à portée d’oreilles. Juste de quoi s’agacer. Depuis ce matin, les raisons de s’agacer n’ont pas manqué. « Le croisement des sondages » : oui ils ont même trouvé un nom pour dire que le second est passé devant… Comme par pur hasard. Villepinte, une émission sur TF1, et hop le tour est joué, Sarko passe devant Hollande. Je n’arrive pas à m’enlever de l’idée que ces fameux sondages sont une merveilleuse machine à manipuler l’opinion. Oui je le dis bien fort, ce ne sont pas des études d’opinion, ce sont des fabriques d’opinion. Rassurez-vous, j’ai la même analyse quand ils concernent Hollande ou le PS. Compte tenu de la volatilité, de la versatilité de l’électorat, la publication régulière de tels chiffres a forcément une influence sur les gens. C’est bien pour cette raison qu’ils devraient être strictement interdit lors d’une campagne présidentielle.
Autre sujet d’agacement, les nouvelles propositions du candidat Sarkozy. Vous me direz, il en fait tellement ces temps-ci. C’est vrai. Une avalanche de propositions. La plupart contraires à ce qu’il a fait depuis 5 ans.
J’en retiendrai deux.
La renégociation des accords de Schengen pour commencer. Monsieur Sarkozy propose ni plus ni moins de les renégocier. Trop permissifs à son goût. Et l’immigration qui revient sur le devant de la scène, mais cette fois sur le plan européen. Aurait-il comme objectif d’ « européaniser » sa paranoïa anti-immigration ? Aurait-il comme objectif de « droitiser » plus encore l’espace européen ? Et puis sauf erreur de ma part il y a quelques jours l’Ump et son candidat président n’avaient pas de mots assez durs pour dénoncer la proposition de F. Hollande de renégocier le traité européen sur la stabilité et la gouvernance. Il est donc absurde de renégocier un traité qui n’est pas encore entré dans les faits, mais lui Sarkozy premier peut remettre en question un traité en application de puis 1985. Là, franchement j’aimerais qu’on m’explique. Si dernièrement je plaisantais en disant qu’à force de virer à droite il finirait par faire demi-tour, aujourd’hui je pense qu’il a franchement fait un tête à queue ! J’attends qu’après de telles déclarations, ses collègues européens conservateurs le boycottent comme ils le font de F. Hollande.
La taxation des biens des évadés fiscaux. Que n’ont-ils pas dit contre la proposition de taxation à 75% proposée par F. Hollande ! Mais que penser de leur proposition ? Simplement que c’est grotesque car cela demanderait une renégociation de tous les accords fiscaux avec les pays abritant des évadés français. Outre le temps que cela demanderait avant que cette pseudo-mesure n’entre en application, faudrait-il que les pays hôtes le veuillent. Donc, poudre aux yeux.
Voila bien qui confirme un autre de mes articles (pourquoi Sarkozy va gagner). Cette frénésie de propositions, cette fuite en avant, cette démesure donne l’illusion que ce président a de vraies propositions pour l’avenir.
Seulement, le contenu de ces propositions laisse extrêmement perplexe. Les thèmes abordés, les propositions montrent une forte dérive idéologique vers l’extrême droite. Cette dérive inquiète et choque même à l’étranger.
Le Wall Street Journal parle de « Nicolas Le Pen » c’est dire. Pour que ce journal qui ne peut être soupçonné de sympathie pour les idées de gauche, cette opinion dénote à tout le moins un malaise.
Le journal dénonce cette attaque contre les accords de Schengen, sa «rhétorique anti-immigrants ». Il rajoute «même en France, on se montre rarement plus cynique que cela ». Le quotidien affirme par ailleurs que «le débat sur l’immigration est principalement une diversion vis-à-vis de l’anxiété des français envers leur Etat-providence de plus en plus branlant ». Le fait de relier ces deux sujets est qualifié de «pensée hideuse non seulement en raison des sentiments laids sur lesquels cela joue, mais aussi en tant que cas d’école d’analphabétisme économique car seule l’immigration peut maintenir une population active assez élevée pour supporter la charge croissante des retraites et de la dépendance ».
Et le quotidien de conclure de manière aussi brutale que pertinente : « Nous nous demandons si monsieur Sarkozy comprend que faire étalage de manière aussi transparente de son cynisme comme ici est ce qui l’a conduit dans la situation difficile où il est actuellement. »
La semaine dernière, c’est le magazine Time qui accusait le candidat Sarkozy de xénophobie en ces termes : «La croissance économique de la France ralentit, le chômage augmente, la Grèce menace toujours de faire faillite, et l’euro, déstabilisé par la crise mais un peu plus rassurant ces derniers temps, n’est toujours pas sorti de sa crise existentielle. Malgré cette liste de graves problèmes qui inquiètent les électeurs français à l'approche de la présidentielle, le Président en campagne Nicolas Sarkozy a déclaré cette semaine que le premier sujet de préoccupation des Français, c’est la viande halal. Ah bon?»
Pour sa part, le New York Times qui lui trouve une ressemblance avec Richard Nixon titrait dès août 2010 : « Xénophobie : les non-français ». «Nicolas Sarkozy, qui aime se faire appeler Sarko l’Américain, flatte de dangereuses passions anti-immigrées pour son gain politique à court terme.»
Ces réactions, ces commentaires témoignent d’une image fortement écornée de la France.
La conclusion, je la laisse à la journaliste Heather Horn de «The Atlantic » : «Sarkozy possède une capacité à être à côté de la plaque » [il] «est désespéré. Si ses dernières tentatives pour mener le débat fonctionnent, cela signifie que la France l’est aussi».
Peut-on être plus explicite ?