Où vont les milliards qui nous manquent?
Pendant qu'on nous amuse avec les frasques fiscales de Depârdieu, des sommes vertigineuses quittent en toute impunité notre pays nous privant ainsi de colossales rentrées d'impôts. les sommes en jeu sont telle qu'elles rendent ridicules les misérables petits milliards que semble chercher en vain le premier ministre et son ministre des finances.
Voyez plutôt:
Passée inaperçue jusqu’ici, une niche fiscale belge permet à nos grands groupes de déménager des milliards en Belgique. Ils ne s’en privent pas.
S'ils cherchent de l’argent pour faire tourner leurs hauts-fourneaux, le leader CFDT Edouard Martin et ses collègues ouvriers de Florange devraient venir faire un tour au 66, boulevard de l’Impératrice, à Bruxelles. Ici, au 3e étage d’un immeuble austère, leur employeur a logé une discrète filiale baptisée ArcelorMittal Finance and Services. Le réceptionniste évoque «un centre de facturation», une employée descendant pour déjeuner confirme : «Oh, nous sommes juste une toute petite structure, vous savez.» Le Belge est modeste : fin 2011, les actifs de cette société atteignaient 48 milliards d’euros, les deux tiers des recettes annuelles de notre impôt sur le revenu ! Habilement placé, ce trésor de guerre a généré en 2011 un profit de 1,6 milliard d’euros. Et, ô miracle, ArcelorMittal, qui préfère garder le silence à ce sujet, n’a pas payé un centime d’impôt dessus. Pas plus que l’année précédente, d’ailleurs.
Le géant de l’acier pourra toujours plaider qu’il n’est pas le seul à mettre les doigts dans la confiture. Comme le révèlent les chiffres exclusifs de Capital, quasiment tout le CAC 40 profite pareillement de cette niche fiscale belge, jamais évoquée en France, et baptisée «intérêts notionnels». D’après les calculs de l’économiste Benoît Boussemart, auteur de «La Collusion des pouvoirs face à la crise» (Editions Estaimpuis), les dix-huit plus gros bénéficiaires de cet avantage ont placé outre-Quiévrain près de 100 milliards d’euros. Rien qu’en 2011, ces fonds leur ont rapporté 3,6 milliards d’euros, sur lesquels ils n’ont payé que 67 millions d’euros d’impôts, un taux ridicule de 1,8%, comparé aux 33,3% dont ils auraient dû s’acquitter en France. Le montant ainsi soustrait au fisc, essentiellement français, dépasse 2 milliards d’euros depuis 2010. Un sacré cadeau que le Medef nous avait bien caché.
Les entreprises peuvent déduire 3% de leurs fonds propres
Sur le papier, le concept d’intérêt notionnel n’a pourtant rien de scandaleux. Petit cours de comptabilité : quand une société a besoin d’argent frais pour investir, elle a le choix entre emprunter (et payer des intérêts aux banques) ou lever des fonds propres (et verser des dividendes aux actionnaires). Or, si les intérêts d’emprunt sont déductibles du bénéfice imposable, les dividendes ne le sont pas. L’entreprise est donc encouragée à s’endetter plutôt qu’à augmenter son capital. «Il fallait corriger cette distorsion fiscale», explique Manoël Dekeyser, avocat en droit des affaires à Bruxelles.