Néolibéralisme: feuilleton en plusieurs épisodes.


https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/n_6657447.giféolibéralisme: Prononcez le mot en société, vous aurez droit au mieux à un sourire amusé... Néolibéralisme? Une idéologie? Mais vous n'y êtes pas! C'est une force incontournable, une de celles qui régissent l'univers... Incontournable... Pas d'autre alternative! Une force essentielle qui tend à redéplacer le pouvoir. Le mettre dans les mains d'une minorité de possédants.

Pour commencer ce portrait robot:
Il a joué un rôle majeur dans presque toutes les dernières crises : la crise financière de 2007-2008, la délocalisation des richesses, dont les Panama Papers nous ont révélé l'étendue, l'effondrement de la santé publique et de l’éducation, l'augmentation de la pauvreté dans nombre de pays développés, l’effondrement des écosystèmes, même la victoire de Donald Trump.


Ne nous étonnons pas des mauvaises réponses apportées à toutes ces crises. Les réponses se font comme si le monde politique, censé corriger, était ignorant qu’elles ont toutes été provoquées, aggravées par une idéologie cohérente, diluée, aux acteurs masqués mais bénéficiant de la puissance sans limite de l'argent... Et c'est pour ça qu'elle étend ses tentacules sur la planète entière...

 

 

https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/l_6657445.gifa concurrence: le maître mot du néolibéralisme. Cette concurrence doit régir l'ensemble des relations humaines. Le citoyen n'est plus qu'un consommateur entièrement focalisé sur les actes d'achat et de vente. Sa capacité à acheter n'est rien de plus que la récompense de son efficacité. Le "marché" est souverain et régit l'ensemble de la société.
Imparable!
Partant de là, tout ce qui pourrait tenter d'entraver ou simplement limiter la concurrence est regardé comme une atteinte insupportable à la liberté. Voila pourquoi toutes les réglementations, la fiscalité en tête, sont une menace: les services publics doivent être privatisés, l'organisation du travail (notamment les relations avec les syndicats) est l'ennemi du marché car elle vient mettre en péril la formation "naturelle" d'une hiérarchie entre gagnants et perdants... Faibles et forts... Méritants et esclaves...

La concurrence érigée en principe fait donc de "l'inégalité" une vertu cardinale. La création de richesses est présentée comme devant profiter à tous. La célèbre théorie du "ruissellement" découle de ce postulat. Le riche plus riche pour un pauvre moins pauvre. Cette théorie rejette violemment les efforts pour créer une société plus égalitaire qui est jugée à la fois contre-productive et moralement destructive. "Le marché" serait la seule garantie que chacun obtient ce qu’il mérite.

Malheureusement, cette croyance s'est répandue dans toutes les couches de la société. Les riches prétendent qu’ils ont acquis leur richesse par leur seul mérite, les pauvres commencent à accuser d'autres pauvres de leurs échecs, dressant entre les riches et eux une infranchissable barrière idéologique.

Tout est de la faute du "petit". Le chômage? Manque d'esprit d'entreprise, de courage, de volonté, de formation, d'adaptabilité... Difficultés financières? Imprévoyance et désinvolture du pauvre... Mauvais rapport à l'argent. Dans ce monde régi par la concurrence, ceux qui ne réussissent pas sont disqualifiés et se vivent comme des perdants... Par leur faute.

L'évolution du monde tend à prouver que nous sommes tous devenus des néolibéraux.

 

 

https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/l_6657445.gife terme "néolibéralisme" apparait lors d’une réunion à Paris en 1938. Parmi les personnes présentes se trouvent deux hommes venus pour définir cette idéologie: Ludwig von Mises et Friedrich Hayek. Tous deux voient la social-démocratie, et le développement de l’État-providence, comme des manifestations d’un collectivisme qui s’apparente au nazisme et au communisme.

Hayek soutient que "la planification par le gouvernement" écrase l’individualisme et conduit au totalitarisme. Nombre de personnes très riches voient dans cette philosophie une occasion de s’affranchir des réglementations et des taxes.

Quand, en 1947, Hayek fonde la première organisation qui va répandre la doctrine du néolibéralisme - "le Mont Pelerin Society" -, il est soutenu financièrement par des millionnaires et leurs Fondations respectives.

Grâce à ces soutiens, commence à émerger « une sorte d’internationale néolibérale », un réseau transatlantique d’universitaires, d’hommes d’affaires, de journalistes et d’activistes. Les riches bailleurs de fonds financent une série de "think tanks" qui vont affiner et promouvoir cette idéologie. Ils financent également des postes et départements universitaires, en particulier dans les universités de Chicago et de Virginie.

Progressivement, le néolibéralisme est devenu plus "radical". Hayek pensait que les gouvernements devaient réglementer la concurrence pour empêcher la formation de monopoles, mais avec des théoriciens tels que l'américain Milton Friedman, l’exercice d’un monopole devenait une récompense de l’efficacité.

Plus étrange est la disparition du mot "néolibéralisme". Si en 1951, Friedman n’hésitait pas à se définir comme un néolibéral, le terme a commencé à disparaître alors que l’idéologie devenait plus affirmée et le mouvement plus cohérent, jusqu'à disparaître sans être remplacé. Le néolibéralisme ne s'est pa imposé de suite: au sortir de la guerre, le plein emploi et l’allégement de la pauvreté étaient des objectifs communs aux États-Unis et une grande partie de l’Europe occidentale, les taux d’imposition étaient élevés et les gouvernements n’avaient pas honte d’avoir des objectifs sociaux, en développant de nouveaux services publics et en mettant en place des filets de sécurité.


Cela n'allait pas durer...

 

 

https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/d_6657438.gifans les années 1970, les crises économiques aidant, les idées néolibérales ont commencé à se répandre. Les éléments du néolibéralisme, notamment ses prescriptions en matière de politique monétaire, furent adoptés par l’administration de Jimmy Carter aux États-Unis et le gouvernement de Jim Callaghan en Grande-Bretagne.
L'œuvre a été magistralement parachevée avec l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Réductions massives d’impôt pour les riches, écrasement des syndicats, déréglementations, privatisations, externalisations et concurrence dans les services publics. Par le biais du FMI, de la Banque Mondiale, du traité de Maastricht et de l’Organisation Mondiale du Commerce, des politiques néolibérales furent imposées - souvent sans consentement démocratique - à une grande partie du monde. Le plus incroyable fut l’adoption de cette idéologie par les partis qui appartenaient autrefois à la gauche : les Travaillistes et les Démocrates, et la gauche française un peu plus tard. « il est difficile de trouver une autre utopie appliquée avec autant de vigueur ».

Que penser d'une doctrine qui promet le choix et la liberté avec comme slogan « il n’y a pas d’alternative »? L'opinion de Hayek à ce sujet est édifiante: « ma préférence personnelle va plutôt vers une dictature libérale que vers un démocratie sans libéralisme ». Donc, liberté des puissants au détriment des faibles.

La liberté néolibérale, c'est être libéré des syndicats et des négociations collectives, c'est compresser les salaires, c'est l’absence de réglementation qui permet l’empoisonnement les cours d’eau, la mise en danger des travailleurs, ce sont des taux d’intérêt iniques, des instruments financiers exotiques. C'est se libérer des impôts et donc se débarrasser de la redistribution des richesses.

Les théoriciens néolibéraux préconisent de profiter des crises pour imposer des politiques impopulaires pendant que les gens ont l’esprit occupé ailleurs : par exemple, à la suite du coup d’Etat de Pinochet, de la guerre en Irak ou de l’ouragan Katrina.

Le néolibéralisme est rapidement devenu un racket égoïste. La croissance économique fut nettement plus lente pendant la période néolibérale (à partir de 1980 en Grande-Bretagne et aux États-Unis) qu’au cours des décennies précédentes; mais pas pour les très riches. L’inégalité dans la répartition des revenus et des richesses, après 60 ans de déclin, a explosé au cours de cette période.

La privatisation ou la commercialisation des services publics tels que l’énergie, l’eau, les chemins de fer, la santé, l’éducation, les routes et les prisons a permis aux entreprises de facturer des services essentiels aux citoyens ou aux gouvernements.

Ceux qui possèdent et dirigent les services privatisés ou semi-privatisés du Royaume-Uni amassent des fortunes prodigieuses en investissant peu et en facturant beaucoup. En Russie et en Inde, les oligarques se sont emparés des actifs de l’Etat par le biais d’opérations de liquidations. Au Mexique, Carlos Slim a obtenu le contrôle de presque tous les services de téléphonie fixe et mobile et est rapidement devenu l’homme le plus riche du monde.

La financiarisation a eu un impact similaire. Comme le loyer, l’intérêt est ... un revenu immérité qui s’accumule sans effort. Tandis que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches, les riches obtiennent un contrôle croissant sur un autre atout essentiel : l’argent. Les paiements d’intérêts, en grande majorité, constituent un transfert d’argent des pauvres vers les riches. Alors que la flambée des loyers et la réduction des dépenses de l’Etat font peser le fardeau de la dette sur les individus. Les banques et leurs dirigeants ramassent la mise.

Les quatre dernières décennies ont été caractérisées par un transfert de richesse non seulement des pauvres vers les riches, mais aussi des riches vers les encore plus riches : de ceux qui gagnent leur argent en produisant des biens ou des services vers ceux qui le gagnent en contrôlant les actifs existants, en récoltant des loyers, des intérêts ou des revenus de capital. Le revenu mérité, obtenu par le travail, a été supplanté par le revenu immérité.

Les politiques néolibérales sont partout menacées par des défaillances du marché. Non seulement les banques sont trop grandes pour échouer (to big to fail), mais les sociétés privées sont désormais chargées de fournir des services publics. Hayek a oublié que les services nationaux vitaux ne peuvent pas être laissés à l’abandon, ce qui signifie que la concurrence ne peut pas s’y appliquer. Les entreprises ramassent les profits, l’État conserve les risques. (Privatisation des bénéfices, mutualisation de pertes)

Plus l’échec est grand, plus l’idéologie se durcit. Les gouvernements utilisent les crises néolibérales comme une excuse et une occasion pour réduire les impôts, privatiser les services publics qui restent, percer le filet de la sécurité sociale, déréglementer les entreprises et réglementer les citoyens (regardez à ce propos les programmes des candidats à la présidentielles 20107... Si vous ne voyez pas une ressemblance, il y a problème!).

L’impact le plus dangereux du néolibéralisme n’est peut-être pas la crise économique qu’il a provoquée, mais la crise politique. Au fur et à mesure que le rôle de l’État se réduit, notre capacité à changer le cours de nos vies par le vote se réduit également. A la place, affirme la théorie néolibérale, les gens peuvent exercer leur choix à travers la consommation. Mais certains ont plus de pouvoir d’achat que d’autres, et dans la grande démocratie de la consommation ou de l’actionnariat, toutes les voix ne se valent pas. Le résultat est une désaffectation des pauvres et des classes moyennes. Tandis que les partis de droite et d’ex-gauche adoptent des politiques néo-libérales similaires, l’impuissance se transforme en une privation de droits. Un grand nombre de personnes ont été chassées de la sphère politique.

Chris Hedges souligne que « les mouvements fascistes construisent leur base non pas parmi les gens politiquement actifs, mais parmi les politiquement inactifs, les « perdants » qui sentent, souvent à raison, qu’ils n’ont ni voix au chapitre ni rôle à jouer dans l’establishment politique ». Lorsque le débat politique ne leur parle plus, les gens deviennent plutôt réceptifs aux slogans, aux symboles et aux sensations. Pour les admirateurs de Trump, par exemple, les faits et les arguments semblent sans importance.

Lorsque le maillage serré des interactions entre les individus et l’État se réduit à rien d’autre que l’exercice de l’autorité et l’obéissance, la seule force qui nous relie est le pouvoir de l’État. Le totalitarisme craint par Hayek est plus susceptible d’émerger lorsque les gouvernements, ayant perdu l’autorité morale qui découle de la prestation des services publics, sont réduits à « cajoler, menacer et finalement contraindre les gens à obéir ».

https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/l_6657445.gife communisme a échoué. Le néolibéralisme qui a sans doute imaginé qu'il était devenu la doctrine toute puissante et à vocation universelle est en train d'échouer lui également. Le problème est que le moribond continue à progresser, vaille que vaille, dans le désordre... Mais il continue à faire ses ravages.

Il continue, soutenu en sous-main par de fortunés anonymes. Aux USa par exemple, "l’Institute of Economic Affairs", qui a défendu énergiquement les médias contre la nouvelle réglementation de l’industrie du tabac, a été secrètement financé par British American Tobacco depuis 1963. Charles et David Koch, deux des hommes les plus riches du monde, ont fondé l’institut qui a monté le mouvement Tea Party (mouvement uiltra conservateur aux Etats-Uni). Koch qui affirmait que « pour éviter des critiques indésirables, il faut être discret sur comment l’organisation est contrôlée et dirigée ». Ben voyons!

Le néolibéralisme a ses mots, et c'est loin d'être innocent:

"Le marché": présenté comme une "entité" qui s'impose à tous, comme une constante physique par exemple... N'entend-on pas souvent: "ce que le marché veut"... En fait, ce que les entreprises et leurs dirigeants veulent...
"L'investissement": le mot cache deux sens très différentes.

L’une est le financement d’activités productives et socialement utiles.

L’autre est l’achat d’actifs pour en obtenir des loyers, des intérêts, des dividendes et des revenus de capital. Utiliser le même mot pour désigner des activités aussi distinctes permet de cacher les sources de richesse. On mélange ainsi, de manière inextricable pour le novice, les sources de richesse. L’extraction de richesse est ainsi confondue avec la création de richesse. On voit bien la supercherie du système.

Si jadis les entrepreneurs cherchaient à se faire accepter en se faisant passer pour des rentiers, les rentiers et les héritiers d'aujourd'hui essaient de se faire passer pour des entrepreneurs. Ils veulent que l'on pense que leur richesse provient de leur travail, donc qu'ils la méritent.

Le système se cache: les travailleurs ne savent pas pour qui ils travaillent ; des sociétés enregistrées par des réseaux offshore si complexes que même la police ne parvient pas à découvrir les noms des véritables propriétaires; des arrangements fiscaux qui spolient les Etats; des produits financiers que personne ne comprend.

Le triomphe du néolibéralisme marque l’échec de la gauche. La crise de 1929 déboucha sur une théorie nouvelle, celle des années 70 également: Par contre, après la crise de 2008 qui aurait dû sonner le glas du néolibéralisme, rien! Aucune alternative n'était proposée. La gauche n'a pas été à même de proposer une nouvelle pensée économique. Alors, le néolibéralisme moribond continue sa progression, en titubant, et faisant des ravages.

Ce que l’histoire du néolibéralisme montre, c’est qu’il ne suffit pas de s’opposer à un système à bout de souffle. Une alternative cohérente doit être proposée. Pour les gauches en général, la tâche centrale devrait être le développement d’un nouveau programme économique d’envergure et innovant, adapté aux exigences du 21ème siècle.

Hélas, nous ne voyons rien venir!

 

 

D'après Le Grand Soir... https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/lien.png

 

Sans oublier cet autre article du blog...  https://static.blog4ever.com/2012/01/636480/lien.png

 



15/01/2017
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