Lettre de Bernard Collot aux citoyens du Lot


Chère Madame, Cher Monsieur,  

 

 Je m’appelle Bernard Collot, j’ai 57 ans et je suis, comme vous sans doute, un amoureux de cette région où je suis arrivé pour la première fois il y a 44 ans. Expatrié en Amérique du Nord, en Allemagne et en Irlande pendant plus de 20 ans, je n’ai jamais eu pour autre objectif que de vivre un jour dans ce pays. Compagnon d’une commerçante de la région, j’ai maintenant réalisé ce rêve. C’est pour cette raison que je viens vers vous aujourd’hui : parce que je n’ai pas l’intention de laisser des grands intérêts financiers venir pourrir ce pays. C’est de cela qu’il s’agit ici.   Comme vous, j’ai entendu parler de cette histoire de « gaz de schistes » pour laquelle des réunions publiques sont tenues, des tracts distribués, des articles publiés. Initialement, je n’y ai pas prêté attention parce que, ancien géologue pétrolier spécialisé dans l’analyse du risque, je suis « sorti » de ce domaine il y a 15 ans déjà. Jusqu’à ce que, il y a quelque temps, je m’y intéresse de plus près et découvre l’effrayante réalité de la situation. Certains voudraient vous faire croire que le « gaz de schiste » est une formidable opportunité, une porte ouverte vers l’indépendance énergétique. C’est faux. Il n’existe tout simplement pas dans le sous-sol de la couverture sédimentaire du sud du Massif Central des schistes dont le contenu en gaz pourrait être extrait sans risque majeur. Tous ceux qui vous disent le contraire sont des menteurs, des inconscients, ou des incompétents. Je défie quiconque de prouver le contraire.   Moi qui ne suis jamais descendu dans la rue, qui n’ai rien d’un homme politique ou même d’un militant, je viens vers vous aujourd’hui pour vous dire combien, dans la lutte qui commence et qui va durer des années, votre contribution va être fondamentale. Des associations, des collectifs de lutte, des élus, vont avoir besoin de chacun de nous pour s’opposer à des puissances financières que même nos dirigeants nationaux ne contrôlent plus. Dans ce combat pour la préservation de notre environnement, de notre mode de vie, et de l’alimentation en eau des générations qui nous suivront, nous ne pouvons compter que sur nous mêmes. Plus que jamais, il est vital que chacun élève son degré de conscience en apportant à nos élus et aux militants qui travaillent à préserver nos intérêts le support dont ils vont avoir besoin.   Quelque soit vos opinions politiques et les divergences que vous pourriez avoir avec vos élus locaux, rejoignez un collectif, assistez aux réunions, lisez ce qui vous sera distribué. Dans cet effort de compréhension qui va être le vôtre, il vous faudra rester critique. Parmi les multiples témoignages d’experts auxquels il sera fait appel ou référence, efforcez-vous d’écarter tous ceux dont la crédibilité sera douteuse parce qu’émanant d’entités liées directement ou indirectement à des intérêts financiers. Car la puissance des intérêts en jeu ici est telle que l’on peut s’attendre à une masse de désinformation. Dans le bassin parisien, la société REALM prétend « puiser dans 75 milliards de barils de pétrole piégé dans des schistes » (édition du Globe & Mail du 13 janvier 2011). En supposant qu’elle ne produise qu’un seul pour cent de ce volume, la valeur nette de cette production excéderait 10 milliards d’euros sur leur seule concession. Une telle perspective de profit autorise toutes les formes de « communication » et de lobbying… Il nous faudra donc être particulièrement attentif aux analyses des rares experts dont l’indépendance, le désintéressement, et la compétence ne souffriront aucun doute.

   Je revendique ces 3 qualités parce que j’ai travaillé pendant 15 ans au sein de la plus puissante société pétrolière du monde. J’y ai travaillé avec certains des meilleurs spécialistes de la planète sur des projets d’importance stratégique. C’est fort de cette expérience que je suis fier d’apporter aujourd’hui mon support, dans ce combat, aux nombreux élus et militants qui travaillent chaque jour à défendre notre qualité de vie.   Afin de contribuer à leur effort, qu’il me soit permis ici de formuler 3 vérités fondamentales: 

VERITE N°1 :   Dans notre région et sur tout le pourtour Sud du Massif Central où des concessions ont été octroyées, les technologies actuelles ne permettent pas de mener à bien l’exploitation extensive du « gaz de schiste » sans risque de pollution majeure et irréversible des eaux souterraines.

  VERITE N°2 :   La première condition nécessaire à une bonne exploitation des ressources en gaz de schiste serait une parfaite connaissance de la structure du sous-sol, c'est-à-dire de la configuration des couches géologiques, de leur déformation et de leur fracturation. Dans notre région, la complexité de cette structure est telle qu’elle ne peut pas être déterminée avec suffisamment de précision pour garantir le confinement des fluides de forage aux seuls horizons porteurs de gaz. Toute personne qui affirmerait le contraire serait un incompétent ou un menteur. 

VERITE N°3 :   A ce risque géologique s’ajoute un autre risque majeur : le risque opérationnel. Le risque opérationnel, c’est celui qui est lié à la probabilité d’une erreur humaine aux conséquences dramatiques.   La multitude et la complexité des processus à mettre en jeu est telle qu’il est impossible, pour un opérateur et ses prestataires, de s’entourer de toutes les compétences nécessaires. A 100 dollars le baril, la demande mondiale en géologues et ingénieurs pétroliers suffisamment expérimentés et compétents est telle que les universités du monde entier ne peuvent les fournir. Quand bien même la structure du sous-sol serait-elle parfaitement définie, les opérateurs de ces concessions seront incapables de garantir la compétence et fiabilité de l’ensemble des personnels impliqués dans le processus de production. La récente marée noire dans le Golfe du Mexique a montré que même les plus grandes sociétés ne contrôlent pas le risque opérationnel à un degré suffisant.  

Bernard Collot

 



26/07/2012
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