Les positions des candidats sur l'écologie


Face au peu d'attention accordée à l'environnement au cours de la campagne présidentielle, Le Monde a décidé d'interpeller les candidats en leur posant des questions précises. Sur l'avenir énergétique de la France, mais aussi sur les chantiers du Grenelle de l'environnement.

 

Nucléaire

La série d'incidents survenus, jeudi 5 avril, à la centrale nucléaire de Penly (Seine-Maritime) a ravivé le débat sur la sûreté du parc français, le plus important d'Europe. Treize mois après l'accident de Fukushima (Japon), qui a poussé l'autorité de contrôle à prescrire un renforcement de la sûreté "dans les meilleurs délais", les candidats sont quasi unanimes... à rejeter l'idée d'un référendum sur le nucléaireSeuls Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan y sont favorables.

Cette hostilité partagée, sur ce sujet, à la pratique référendaire, n'empêche pas de vrais clivages sur la place de l'atome. Alors que Nicolas Sarkozy campe sur la défense du nucléaire, gage d'indépendance énergétique, François Hollande s'est engagé à réduire de 75 % à 50 % la part de l'électricité d'origine nucléaire à l'horizon 2025. Et à organiser, dans les premiers mois suivant son élection, "un débat national sur la transition énergétique", débat également promis par François Bayrou. Mais le candidat socialiste se refuse à arrêter l'EPR de Flamanville (Manche) que réclame Eva Joly. Le plus radical est Philippe Poutou, partisan de"l'abandon de la filière nucléaire dans les dix ans".

Energies fossiles

Au niveau mondial, l'Agence internationale de l'énergie plaide pour la fin des subventions aux énergies fossiles (238 milliards d'euros en 2011) pour mieux faire émerger les sources non émettrices de CO2. En France, ces aides - de multiples niches fiscales - représentaient 5,8 milliards d'euros en 2011.

L'ensemble des candidats, à l'exception de Marine Le Pen, sont favorables à "réorienter" ces subventions vers les renouvelables. Nicolas Dupont-Aignan précise toutefois que ce transfert ne doit pas pénaliser le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes (bénéficiaires, par exemple, de la prime à la cuve).

Nicolas Sarkozy est le seul à ne pas se prononcer sur cette question, précisant que la "France ne subventionne pas les énergies fossiles, mais les taxes au contraire". Or le ministère de l'économie a chiffré officiellement ces subventions en 2011 à 5,8 milliards d'euros, chiffre identique à celui donné par l'Organisation de coopération et de développement économiques.

 

Gaz de schiste

La mobilisation en France des collectifs anti-gaz de schiste a conduit la classe politique à s'opposer à l'exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels. Pas question donc pour les candidats interrogés de revenir sur la loi du 13 juillet 2011 qui interdit la fracturation hydraulique, seule technique de forage disponible aujourd'hui mais dont les conséquences sur l'environnement sont néfastes.

Ce consensus cache des nuances : François Hollande envisage de renforcer la loi du 13 juillet, tandis que Jean-Luc Mélenchon se prononce pour l'abrogation des permis accordés. Nicolas Sarkozy précise que, "pour être autorisées, l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste doivent utiliser des techniques respectueuses de l'environnement", laissant ainsi la porte entrouverte. Cette position est cohérente avec le rapport d'une mission gouvernementale, publié le 22 mars, qui se déclare favorable, sous contrôle public, à des forages scientifiques utilisant la fracturation hydraulique. Objectif ? Ne pas gâcher les richesses du sous-sol français susceptibles de réduire la facture énergétique de l'Hexagone.

 

Climat

Tous les candidats - à l'exception de Philippe Poutou - soutiennent la volonté de la Commission européenne de soumettre le transport aérien international à l'effort de lutte contre le changement climatique. Depuis le 1er janvier, les avions qui décollent ou se posent dans l'Union européenne doivent acquitter l'équivalent de 15 % de leurs émissions de gaz à effet de serre. Cette décision suscite des menaces de rétorsion des pays émergents, de la Russie et des Etats-Unis. Et met à mal la cohésion entre les Vingt-Sept.

 

Péage urbain

En juin 2010, dans le cadre de l'adoption de la loi Grenelle 2, les parlementaires avaient autorisé l'expérimentation, sur la base du volontariat, du péage urbain dans les villes de plus de 300 000 habitants. Les socialistes n'avaient pas approuvé la mesure, l'assimilant à "un nouvel octroi" dressant "une nouvelle barrière entre les centres-villes et leurs banlieues".

François Hollande n'a pas cette réserve. Il se dit favorable, comme Nicolas Sarkozy et François Bayrou, au principe de l'expérimentation. M. Hollande conditionne cependant cette possibilité à l'existence d'un réseau de transports en commun. Le péage urbain, destiné à réduire le trafic routier et améliorer la qualité de l'air des agglomérations, est déjà en vigueur à Londres, Stockholm, Sydney ou encore Milan. Les autres candidats, dont Eva Joly, soulèvent le "caractère discriminatoire" d'une telle mesure à l'égard des banlieusards.

 

Biodiversité

Lors du vote de la loi Grenelle 2 en juillet 2010, la "trame verte", avait fait les frais de la détermination des élus UMP, hostiles à voir cet outil de protection de la biodiversité entraver la réalisation de leurs projets d'infrastructures.

Dans la loi actuelle, la "trame verte" qui propose de créer des corridors écologiques reliant les espaces naturels protégés doit donc seulement être "prise en compte". Les ONG ont critiqué cette régression qui ne permet pas de freiner la fragmentation des habitats naturels. Nicolas Sarkozy se dit prêt à revenir sur cette position et à rendre la trame verte "opposable". Les autres formations sont sur la même ligne, confirmant l'ambition défendue lors de la discussion parlementaire.

 

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes

Le projet d'aéroport à 30 kilomètres de Nantes sur 1 600 hectares agricoles dans le village de Notre-Dame-des-Landes reste le point de clivage majeur, non pas entre la droite et la gauche, mais entre les socialistes et les écologistes. Nicolas Sarkozy et François Hollande sont à l'unisson pour demander la poursuite des travaux. Les autres y sont opposés, y compris le candidat centriste, François Bayrou.

En novembre 2011, lors de la signature de leur accord électoral, le PS et EELV, incapables de surmonter leur divergence, avaient choisi de laisser de côté le dossier du futur aéroport du Grand Ouest. Malgré l'hostilité de ses possibles alliés, François Hollande, très proche du maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, qui porte le projet, estime que le "débat public a eu lieu".

 

OGM

Les Français se méfient des organismes génétiquement modifiés (OGM) ? Les candidats sont comme eux et se prononcent presque unanimement en faveur du maintien de l'interdiction de plantes transgéniques en France. Seul Nicolas Sarkozy se distingue en préférant ne pas se prononcer, ce qui peut sembler paradoxal, puisque c'est sous son mandat que la France a interdit sur son territoire la mise en culture du Mon810, le maïs transgénique de Monsanto.

"Je n'aime pas les approches idéologiques", justifie-t-il, estimant préférable de procéder au cas par cas à une analyse des bénéfices et des risques pour chaque OGM. François Hollande et Nicolas Dupont-Aignan se rejoignent pour estimernécessaire de poursuivre des essais confinés et sécurisés sur les OGM afin, pour le premier, d'effectuer "une évaluation rigoureuse de ces produits" ou, pour le second, "d'étudier leur éventuel intérêt à long terme".

 

Pesticides

Alors que les études démontrent la nocivité des pesticides sur la santé et l'environnement, le plan Ecophyto 2018, adopté dans le cadre du Grenelle de l'environnement, prévoit de réduire de moitié leur usage "si possible" d'ici à 2018. Cette conditionnalité affaiblit le dispositif. Ainsi, l'utilisation des pesticides est restée stable depuis 2008, selon les chiffres d'octobre 2011 du ministère de l'agriculture.

La majorité des candidats se disent prêts à rendre cet objectif obligatoire. Parmi eux, François Bayrou le souhaite seulement si la mesure est aussi adoptée "au niveau européen". François Hollande précise qu'il faudra assortir cet objectif obligatoire "des modalités d'action définies en concertation avec les agriculteurs et les différents partenaires intéressés."

 

Algues vertes

Fin février, Bruxelles a décidé de traduire la France devant la Cour de justice de l'Union européenne pour ses efforts insuffisants dans la lutte contre la pollution de l'eau. Les marées d'algues vertes dues à l'eutrophisation des eaux dans les estuaires gorgés de nitrates agricoles se trouvent au coeur du conflit. En cause : les épandages d'effluents d'élevage et d'engrais chimiques.

Les réponses des candidats montrent un vrai clivage. Philippe Poutou et Eva Joly sont favorables à une réduction coercitive de la taille des élevages en Bretagne, tout comme Jean-Luc Mélenchon, qui propose en contrepartie "des mesures fortes d'accompagnement des agriculteurs et des salariés concernés". A droite et à l'extrême droite, c'est l'unanimité pour ne pas soutenir une mesure jugée défavorable au monde agricole. Nicolas Sarkozy, qui a plusieurs fois râlé contre les règles "tatillonnes" de protection de l'eau qui gênent le travail des agriculteurs, précise "qu'environnement et agriculture ne sont pas incompatibles".

Le seul à ne pas se prononcer est François Hollande, qui préfère "faire d'abord respecter les règles fixées" et souhaite "un plan ambitieux, en lien étroit avec les professionnels, car la diversification est souhaitable mais ne se décrète pas".

 


 



12/04/2012
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