Comment reconnaître un climatosceptique, en sept contrevérités
PAR SOPHIE CHAPELLE (30 SEPTEMBRE 2013)
Alors que la réalité du changement climatique est étayée par la sortie du nouveau rapport du Giec, les climatosceptiques se mettent en ordre de marche. Pour décrédibiliser le travail des climatologues, ces marchands de doute professionnels usent d’armes rhétoriques redoutables, allant jusqu’à la falsification des faits. Qui sont-ils ? Quels sont leurs arguments ? Basta ! s’est penché sur les discours de ces artisans de la controverse médiatique. Voici leurs sept contrevérités préférées.
Un peu trop anxiogène pour être un sujet racoleur, le changement climatique est ressorti des limbes de l’information le 27 septembre. Motif, la sortie du premier volume du 5e rapport du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, mis en place par l’Onu. Ce sont 259 auteurs et 50 superviseurs qui planchent sur les travaux de plus de 600 scientifiques venant de 32 pays. Leur travail de synthèse est titanesque : 2 000 pages de rapport avec 1 250 schémas et graphiques. De ce document, est tiré un résumé d’une trentaine de pages destinés aux « décideurs », les chefs d’État et de gouvernement.
Il y est précisé que le réchauffement moyen depuis un siècle et demi est de 0,85 °C, que les trois dernières décennies sont « probablement » les plus chaudes depuis mille quatre cents ans. Et surtout, que les activités humaines constituent, de manière « extrêmement probable », la cause principale du réchauffement de la planète depuis les années 1950. De quoi faire bondir les « climatosceptiques » : ceux qui contestent le lien entre activités économiques et réchauffement climatique, si tant est, selon eux, que celui-ci soit une réalité.
1- Critiquer le Giec, qui « n’est pas un organisme scientifique »
Leur cible privilégiée : le Giec. « Toute une théorie du complot se développe autour de cette instance », confirme Antonin Pottier, chercheur en économie de l’environnement au Cired [1]. Le Giec « n’est pas un organisme scientifique »,« refuse le débat scientifique argumenté » et « dénigre la liberté d’expression de ceux qui ne partagent pas ses idées », prétendent ainsi les auteurs du livre collectif Climat, 15 vérités qui dérangent, en tête de gondole dans plusieurs librairies. D’une pierre deux coups : les travaux scientifiques sur lesquels s’appuient le groupe international sont niés et le Giec serait partial, le débat et la pluralité n’y ayant pas leur place.
Les « opinions » des climatosceptiques n’y sont pas entendues ? « Pour produire sa synthèse, le Giec ne prend comme données de base que les travaux qui sont publiés dans les revues scientifiques. Or, la plupart des travaux des climatosceptiques qui contestent l’existence du réchauffement climatique n’arrivent jamais à publication parce qu’ils ne sont pas sérieux », explique Antonin Pottier, qui a travaillé sur la rhétorique du discours climatosceptique.
Malgré des procédures de relecture renforcées, le Giec est accusé d’entretenir« une habile confusion des registres entre science et politique ». Ce qui n’est bien sûr pas le cas des climatosceptiques ! Une fois le rapport scientifique rédigé – un énorme pavé abscons pour les non-initiés – les membres du Giec s’attellent à la rédaction du fameux « résumé pour les décideurs ». Chaque ligne de ce texte est revue par les délégations gouvernementales. « Certains pays exportateurs de pétrole tentent de contester les preuves apportées au changement climatique mais sont obligés de se ranger aux arguments scientifiques avancés. », relève Antonin Pottier. La recherche du consensus prime. « Le mode de fonctionnement du Giec fait qu’il s’aligne sur le socle commun et accepté par tous les scientifiques. Il y a des hypothèses dans la littérature scientifique qui sont nettement plus alarmantes que ce que le Giec peut dire », souligne le chercheur. Qu’importe, un pseudo « Climategate » est toujours possible [2]. Le travail de sape a porté ses fruits.
2 - Dénigrer toute transition énergétique
Le sérieux et l’impartialité du Giec remis en cause, ce sont les politiques climatiques et de transition énergétique qui n’ont plus lieu d’être. « La totalité des hydrocarbures fossiles de la planète [est] appelée à être utilisée et le carbone qu’ils contiennent à engendrer du CO2, affirme ainsi Christian Gérondeau, polytechnicien et membre de l’Automobile Club Association, dans CO2 : un mythe planétaire (2009). Nos efforts ne serviront à rien sur ce plan puisque ce que nous n’utiliserons pas le sera par les autres ». Sans oublier les effets pervers – « l’autre argument phare » des climatosceptiques selon Antonin Pottier – provoqués par les politiques d’économies d’énergies et de diminution des pollutions liées aux hydrocarbures. « Le pays engage des dépenses injustifiées, il freine sa croissance et, au total, détruit nécessairement des emplois » écrit Christian Gérondeau.
Quid des effets désastreux d’un réchauffement de quelques degrés ? « On ne créera pas d’emplois dans une planète morte. Et on ne sera pas capable de venir à bout de la pauvreté si on ne règle pas la question environnementale », rappelait Anabella Rosemberg, de la Confédération syndicale internationale, lors de la conférence sur le développement durable « Rio+20 » (juin 2012).