Gilets Jaunes: Un an et maintenant?
nterpellé par une question sibylline posée sur un réseau social ce soir. « Quel est votre sentiment après le premier anniversaire des Gilets jaunes ? »
Vite dit, mais cette question mérite d'être posée, et, surtout, elle demande probablement un peu de temps et le refus d'une réponse non argumentée.
Ce mouvement est né n’oublions pas sur les ronds-points. Et au départ, le pouvoir ne pensait pas qu'il irait bien loin. Mais voilà ! Avec les français, on n'est jamais certain de rien. Et courant décembre, l'ambiance avait considérablement changé. C'est à ce moment-là que le pouvoir a tremblé, c'est à ce moment-là que tout aurait pu et dû basculer. Au lieu de cela, un pouvoir sans scrupules a immédiatement trouvé la parade : créer la violence, générer le chaos et discréditer ainsi le mouvement et ses participants. Rajoutez à cela une complaisance coupable des médias et vous avez les raisons principales du relatif échec de ce mouvement inédit ! Sans oublier une trop grande majorité prête à accepter les bénéfices des mouvement sociaux à la condition qu'on ne l'oblige pas à y participer...
Un an et pour beaucoup, un constat d'échec. Échec, sans doute, mais échec relatif...
Échec, car, reconnaissons-le, après un an de mobilisation, les rues ne sont pas envahies de manifestants les samedis, et surtout, qu'ont donc obtenu les Gilets Jaunes ? Quelques miettes qu'on essaie de faire apparaître comme de grandes avancées, mais, en y regardant de plus près, ce qui avait généré une telle colère n'a pas fondamentalement changé. Les inégalités sont toujours aussi insupportables, voire plus qu'avant, cette société française est plus que jamais fragmentée, l'avenir toujours aussi sombre !
Relatif, car, n'en déplaise aux pourfendeurs, il s'est passé quelque chose et ce mouvement a secoué et atteint notre société dans ces fondements. Pour avoir participé aux premières manifestations, j'ai vu la détresse se transformer en volonté, j'ai vu le repli et le silence laisser la place au dialogue et au besoin de s'exprimer. J'ai vu des gens partager leurs rages, leurs inquiétudes, leurs espoirs, j'ai vu des gens retrouver de la dignité, des gens se lever enfin. De ce point de vue, ce qui s'est passé ne sera jamais défait. Des gens se sont forgé une nouvelle conscience politique, ont osé se dire des choses qu'ils taisaient depuis tellement longtemps, ont pris une parole à laquelle ils n'entendent pas renoncer. Les liens qui se sont tissés, la fraternité retrouvée, ne seront plus rompus. Joli bénéfice !
Mais voilà, se pose maintenant le problème de l'avenir. Car nous ne pouvons en rester là. Les questions qui n'ont pas été posées au début du mouvement, il va falloir se les poser maintenant au risque de disparaître.
Car l'avenir des Gilets Jaunes que peut-il bien être ?
Je vois trois hypothèses.
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Le mouvement continue comme aujourd'hui. On ne change rien, on se rassure tous les samedis, on se répète « on ne lâche rien », mais que lâcher quand on n'obtient rien ? Cette solution « enquisterait » en quelque sorte le mouvement, dans une forme de routine prévisible, rassurante pour le pouvoir surtout qui laisserait filer avec quelques violences de temps en temps pour ne pas perdre la main !
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Le mouvement se radicalise. Les « faucons » dictent leur loi, les affrontements deviennent la norme. Beaucoup se posent aujourd'hui la question : peut-on affronter la violence d'état, la violence du système en restant pacifique et non violent ? La réponse n'est pas neutre et pas évidente. Les manifestations bon-enfant, c'est sympathique, les français aiment ça... Pour peu qu'on ne les perturbe pas dans leur train train, mais je crains que des pouvoirs bien installés qui ne reculent devant aucun artifice ni aucune violence ne soient pas véritablement inquiets. Par contre, une démarche réellement révolutionnaire, dans le but de mettre le système et ceux qui le servent à terre, est-elle envisageable ? Il faut le nombre, la volonté farouche de combattre, l'abnégation, l'acceptation du risque physique, une idée de ce qu'on mettra à la place de ce qu'on veut abattre. Est-ce envisageable en France en 2020 ?
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La dernière hypothèse, celle qui retient mon attention, celle qui aurait de mon point de vue, comme je l'avais exprimé lors des premières assemblées, dû être mise en place dès l'origine du mouvement, est l'élargissement du mouvement à la partie la plus grande possible de la société française. Mais voila, il faut en ce domaine vaincre bien des résistances. Il faut essayer de pardonner à tous ceux qui ont regardé, avec un œil bienveillant certes, mais sont restés en retrait, n'ont pas été présents quand ils auraient pu participer efficacement au mouvement. Il faut que les Gilets Jaunes eux aussi fassent l'effort de s'ouvrir et de ne pas voir des tentatives de récupérations partout, même s'il ne faut pas être naïf. Le terme est à la mode ces derniers temps, les médias semblent le découvrir, « la convergence des luttes »... Voila ce qui de mon point de vue doit être au cœur du débat. Réunir, fédérer, soutenir, participer, partager . Les Gilets Jaunes ne doivent en rien renoncer à ce qui a fait leur originalité, à ce qui fait leur force, solidarité, obstination.
Les Gilets se doivent d'être de toutes les batailles, à la condition que personne ne cherche à les instrumentaliser ou les absorber.
Nous en sommes donc là alors que nous venons de vivre le scandaleux traquenard de la place d'Italie lors du samedi anniversaire des manifestations.
Nous en sommes donc là alors que se profile la journée du 5 décembre qui semble faire trembler le pouvoir à tel point qu'il a aujourd'hui lâché quelques miettes pour semer la division chez les personnels de santé et faire croire au bon petit peuple qu'il avait reçu le message et agissait.
Enfumage !
Le 5 décembre doit donc être le premier jour de cette convergence tant attendue, la renaissance des Gilets Jaunes, la reconstitution d'une forme de lutte des classe, puisque c'est bien de cala dont il s'agit.
Alors, organisations syndicales, partis de gauche, non syndiqués, français qui en ont par dessus la tête des galères, c'est l'occasion à ne pas manquer. Tous ensemble, tous ensemble, ouais !
Après, il sera trop tard, un échec de cette journée et c'en sera fait des espoirs de révolte.
Gilets jaunes un jour, gilets jaunes toujours !