Gilets Jaunes: Place d'Italie, l'évènement vu de l'intérieur.
Que n'entend-on pas depuis hier sur ce qui s'est passé place d'Italie lors de ce 53ième épisode des Gilets Jaunes.
J'ai écrit sur e blog et ailleurs sur les réseaux ce que je pensais de ce qui a été présenté par le préfet comme une violente intervention des casseurs, des "ultra-jaunes" comme il les définit, nassés et arrêtés avec célérité par des forces de l'ordre efficaces.
J'ai exprimé tous les doutes que m'inspire cet évènement. Doutes sur la réalité de la violence, du nombre de participants à ces agressions, mais surtout doute quand à l'imbécile décision d'autoriser une manifestation en un lieu où se déroulent de nombreux chantiers offrant tout le matériel nécessaire aux casseurs.
J'en avais déduit que nous étions en présence d'une odieuse machination ayant pour seul but de discréditer le mouvement, de permettre l'interdiction de la manifestation alors qu'elle avait débuté, de semer le chaos et permettre une intervention musclée et violente des forces de l'ordre.
Mes doutes se trouvent justifiés par cette publication sur les réseaux de Mathilde Larrere, 'Historienne des révolutions et de la citoyenneté (Enseignante chercheuse UPEM) / chroniqueuse sur Arrêt sur image/ détricoteuses sur Médiapart' comme elle se définit elle-même. Elle a vécu l'évènement de l'intérieur et son récit ne laisse plus aucun doute.
Mathilde Larrere
récit…
avec un groupe d'ami-es on s'était donné rendez vous à 13h 30 pour faire la manifestation, déclarée, qui partait de place d’Italie. donc j’y vais pour 13 h 30.
Je retrouve deux copines devant la mairie du 13e. c’est tendu sur la place, mais on attend le départ de la manif, on est sur le boulevard de l’hôpital, sur le trajet autorisé et là, on voit un cordon de FDO qui se met à bloquer le boulevard.
Un camion à eau arrive. Bon, on comprend que c’est pas une bonne idée, on dégage donc pour partir de place d’Italie par l’avenue des Gobelins. Elle est aussi bloquée par les FDO.
On demande si on peut sortir.
Réponse : Non!
En revanche ils laissent entrer de nouveaux manifestants. On dit « mais si vous laissez entrer, laissez nous sortir. » Réponse : Non.
On demande où on peut sortir. D’un geste de la main un gendarme nous indique à droite (pour eux).
Donc on part vers l’avenue de la soeur Rosalie: il est 14h, lacrymo jetée pas loin, on court.
Avenue Rosalie, des gens demandent aux FDO de nous laisser sortir.
ils sont aspergés de gaz à bout portant, direct dans le visage.
On repart paniqués pour essayer Blanqui.
Mais on voit bien que le coin est dans un nuage de gaz, plus les détonations.
On pleure, la peau nous brule salement, d’autant qu’on a aucune protection contre ça.
Les cafés ont fermé leurs portes, demi tour!
Là il y a une boulangerie, qui ouvre ses portes pour faire entrer les gens.
Qu’elles (les boulangères, adorables) soient chaleureusement remerciées, de tout coeur.
On s’y réfugie.
On y reste deux heures.
Impossible de sortir. La situation sur la place est hyper confuse.
On voit passer les street medic qui portent un jeune gars la tête en sang.
On discute avec des GJ de Lyon.
Quand il y a des gaz, on s’accroupit (ça rentre quand même dans la boulangerie).
Un copain par sms me dit qu’il y a une sortie avenue d’Italie.
Ouais, mais comment faire pour traverser la place???
Le préfet annonce que tout ceux qui sont sur la place seront arrêtés.
La belle affaire, on y était en toute légalité. On y est coincées à cause de la souricière.
Vers 16 h 30 ça semble se dégager un peu devant notre boulangerie. On se dit qu’on va essayer de sortir et faire le tour de la place par la gauche, car à droite, c’est hyper tendu.
On repasse donc devant la mairie.
Et là une charge qu’on n'avait pas vu venir qui fonce vers nous, on court pour s’échapper, on repasse avenue des Gobelins, tout le monde court, paniqués.
On arrive devant le cordon qui bloque l’avenue des Gobelins.
Une femme de notre groupe crie, laissez nous sortir, s’il vous plait, soyez humains. Un flic s’écarte. Un autre cherche à l’en empêcher, mais il tient bon et on peut enfin sortir.
On descend l’avenue, pour partir, mais là, on voit une charge monter le boulevard à fond de train.
Donc c’est reparti, on se réfugie dans la rue transversale, vers le boulevard de l’hôpital. Mais qd on s’approche, on voit qu’il est noyé dans les gaz.
Des gens courent dans notre direction en disant "partez!"
On pleure à nouveau, on ne sait pas où aller.
Tout le monde court, paniqué.
La charge des Gobelins est passée, on reprend le boulevard. On finit par arriver à Gobelin où on peut enfin se poser. Il est 17 h 30. On a eu de la chance!
Mais cette répression, ce refus de laisser sortir les gens tout en en laissant d’autres entrer pour qu’ils se retrouvent dans la souricière, ces gazages permanent, les grenades qui pètent de partout c’est indigne d’un état démocratique.
L'évènement vu par Didier Maïsto, président de Sud Radio.