Et si Hollande se mettait au travail sur la fiscalité...
La décision du Conseil Constitutionnel annulant certaines parties de la loi de finances amène de ma part quelques observations.
Cette décision était non seulement prévisible, mais inévitable. Cause première, la rédaction même de l’article concernant la taxation à 75% des revenus supérieurs à 1 million d’€, ne pouvait que déclencher l’ire des « sages ». Les attendus sont « imparables » et logiques. Introduisant une inégalité entre les citoyens, elle ne pouvait pas être acceptée en l’état.
Ce qui me choque, ce n’est pas cette décision prévisible, mais bien qu’une proposition de loi considérée comme emblématique ait exposé le gouvernement à ce refus ! Pareil amateurisme, peut-on aller jusqu’à dire incompétence, laisse pantois. Ce gouvernement ne cache-t-il aucun spécialiste capable d’éviter pareille déconvenue, les ministres responsables sont-ils incapables de rédiger correctement un article de loi ?
On peut rêver et penser que ce refus va offrir au président et à ses ministres le temps de la réflexion. Car, enfin, force est de constater que cette décision concernant les très hauts revenus était plus de la poudre aux yeux qu’une décision prise pour son efficacité économique.
Le problème de la France est ailleurs. Il est prioritairement dans la profonde injustice du système fiscal et en particulier dans un système d’imposition fondamentalement régressif.
Regardez à ce propos le graphique suivant.
Lecture: le graphique montre le taux global d'imposition (incluant tous les prélèvements) par groupe de revenus. P0-10 désigne les percentiles 0 à 10, c'est-à-dire les 10% des personnes avec les revenus les plus faibles, P10-20 les 10% suivants, etc., et P99.999-100 désigne les 0.001% les plus riches. La moyenne générale des taux d'imposition est de 47%. Les taux d'imposition croissent légèrement avec le revenu jusqu'au 95e percentile puis baissent avec le revenu pour les 5% les plus riches.
Plus précisément: les 50% des Français les plus modestes, gagnant entre 1 000€ et 2 200€ de revenu brut par mois, font face à des taux effectifs d’imposition s’étageant de 41% à 48%, avec une moyenne de 45%. Les 40% suivants dans la pyramide des revenus, gagnant entre 2 300€ et 5 100€ par mois, sont tous taxés à des taux de l’ordre de 48%-50%. Puis, à l’intérieur des 5% des revenus les plus élevés (gagnant plus de 6 900€), et surtout des 1% les plus riches (gagnant plus de 14 000€), les taux d’imposition se mettent très nettement à décliner, et ne dépassent guère les 35% pour les 0,1% des Français les plus aisés (50 000 personnes sur 50 millions).
Selon une étude de l'institut des politiques publiques, analysant la fiscalité en France depuis 1997, les réformes, depuis 2002 ont bénéficié six fois plus aux très aisés que la moyenne.
Dans le communiqué du rapport, on lit également que "entre 2002 et 2012, alors que le taux de prélèvement obligatoire, en pourcentage du revenu national, baissait de 0,6 point pour l'ensemble de la population, les 1% ayant les plus hauts revenus ont vu leur taux d'imposition baisser de 3,6 points.
Ces baisses d’impôts qui bénéficient principalement aux plus riches et coûtent des dizaines de milliards sont l’œuvre conjointe de la gauche et de la droite.
C’est donc bien l’ensemble du système d’imposition qu’il convient de revoir et ne pas se contenter d’une mesurette sans vraiment de sens. Des solutions existent, mais il faut vouloir les regarder et avoir la volonté politique de les mettre en pratique.
Un simple retour aux tranches d’impôts telles qu’elles existaient avant 2000 serait un premier pas intéressant et remettraient dans les caisses de l’Etat de précieux milliards d’€. Certains n’hésitent pas à proposer des scénarios un tout petit peu plus audacieux sans être « révolutionnaires » qui auraient une efficacité bien supérieure et seraient socialement plus justes.
Un nouvel impôt sur le revenu
Nous proposons la création d’un nouvel impôt sur le revenu, remplaçant un grand nombre de taxes existantes, notamment:
- la contribution sociale généralisée (CSG),
- l'actuel impôt sur le revenu (IRPP), qui, sous sa forme actuelle, serait purement et simplement supprimé
- le prélèvement libératoire, la prime pour l’emploi, le « bouclier fiscal »
Ce nouvel impôt sur le revenu, payé par tous les Français, sera prélevé à la source sur les revenus du travail et du capital (comme l’actuelle CSG, avec la même assiette que cette dernière), suivant un barème progressif (comme l’actuel impôt sur le revenu). Une partie des recettes de ce nouvel impôt sur le revenu sera affectée aux dépenses sociales, de la même façon que l’actuelle CSG.
- Ce barème est exprimé en taux effectifs directement applicable à la totalité du revenu, et non en taux marginal. Il s'applique à la somme de tous les revenus bruts individuels actuellement soumis à la CSG (salaire, revenu d'activité non salarié, retraite, chômage, revenus du capital, y compris les plus values). L'impôt est prélevé chaque mois par l'employeur ou l'institution financière. Le taux effectif à appliquer dépend du revenu annuel finalement obtenu (déclaration correctrice en début d'année suivante).
- Ce barème rapporte environ 147 milliards d'euros et permet de remplacer entièrement l'actuel impôt sur le revenu (IRPP, avec tranches de taux marginaux allant de 5.5% à 41%), la CSG pesant sur tous les revenus à 7.5% ou 8.2%, la CRDS à 0.5%, le prélèvement libératoire et l'impôt proportionnel sur les plus- values à 18%, la prime pour l'emploi, et le bouclier fiscal. Tous ces impôts, taxes et dispositifs fiscaux sont purement et simplement supprimés.
Ce nouvel impôt sur le revenu est beaucoup plus simple et transparent que le système existant.
Un objectif de justice fiscale
Quelques barèmes alternatifs rapportant les mêmes recettes
Il est bien temps que ce gouvernement cesse ses atermoiements, engage une vraie politique de justice fiscale et passe à l’action en privilégiant le fond sur la forme. Ce pays a besoin de justice et d’hommes courageux et déterminés. Pour le moment, nous n’avons ni l’une ni les autres.