Avant les primaires, du gaz dans les tuyaux.
Article de juin 2016
es primaires de la droite se précisent. Celles de la gauche restent encore tellement floues que l’on peut difficilement les évoquer. En tous cas, les futurs candidats n’y vont pas de main morte dans la surenchère, notamment sur un sujet qui nous préoccupe, l’énergie et les gaz de schiste. Nous nous croyions à l’abri, naïf que nous étions. Nos chers postulants principalement dans le camp des ex-ump (pardonnez-moi, mais je n’ai jamais réussi à réserver l’adjectif « républicain » à un seul parti) n’y vont pas avec le dos de la foreuse. En effet, même si, sur le continent nord-américain, tout condamne l’exploitation du gaz de schiste (incendies, fuites, pollution, maladies, tremblements de terre, et, plus grave encore pour des libéraux bon teint, risque d’explosion de la bulle spéculative liée à cette industrie), nos futurs compétiteurs déclarent leur flamme (je sais un peu facile) au gaz à la moindre occasion. Signe d’un lobbying agressif et efficace en France ou choix politique et industriel assumé ?
C’est Sarkozy qui a tiré le premier en replaçant l'exploitation du gaz de schiste au cœur du débat. Sans doute pour prouver qu’il a vraiment changé, car rappelons-le c'est sous sa présidence qu'ont été abrogés les permis de prospection dans ce domaine, il remet le dossier sur la table. Se point de vue qui se veut imparable est le suivant : La France, en désastre économique ne peut pas se passer de la manne du gaz de schiste. Et voila le gaz paré de toutes les vertus (électorales ?). "Je ne peux pas accepter que les Etats-Unis soient devenus du point de vue de l'énergie indépendants grâce au gaz de schiste et que la France ne puisse pas profiter de cette nouvelle énergie alors que le chômage ravage tant de nos territoires et tant de nos familles. C'est inacceptable", a-t-il déclaré. L’indépendance énergétique de la France, vous imaginez le gruyère pour y parvenir ?
Fillon pour sa part n'a jamais caché sa déception de voir abroger (alors même qu'il était Premier ministre) ces permis de prospection. En 2012, il me souvient qu’il estimait "criminel de se passer au moins des recherches sur le gaz de schiste. Ca dénote une tournure d'esprit moyenâgeuse" tout en se réclamant de Rocard qui n’hésitait pas à dire que la France est "bénie des dieux" pour le gaz de schiste et peut être, avec cette source d'énergie, "ce que le Qatar est au pétrole"… Même s’il fait tout pour se démarquer de Sarkozy, je doute fort que, sur ce sujet, il change d’avis.
De son côté, Xavier Bertrand estime que si "le gaz de schiste n'est pas la pierre philosophale et ne résoudra pas tous nos problèmes", il s'agit d'un "atout à exploiter". Il dit bien exploiter et pas seulement explorer… Les mots ont un sens.
Alain Juppé a visiblement tenu à se démarquer de l’ex-président, plaidant pour l'expérimentation à travers "un site pilote", affirmant qu’il refusait de balayer d'un revers de main les "enjeux environnementaux". Prudent le monsieur.
Je me permettrai tout de même de rappeler Qu’en son temps Montebourg espérait convaincre François Hollande de ne pas s'opposer au développement d'un gaz de schiste "propre". Le gaz « bio » en quelque sorte… Il était suivi dans son option par Fabius d’ailleurs. Et comme l’oiseau remontre le bout de ses plumes en vue de 2017… A surveiller.
Ils sont plutôt en opposition :
Ségolène Royal un temps favorable a fini par changer de position. "Tant que je serai Ministre de l'Ecologie, il n'y aura pas d'exploitation ni d'investigation sur les gaz de schiste en France", a-t-elle déclaré.
Nathalie Kosciusko-Morizet ne suit pas le patron de son parti. Elle le fait en ces termes : "Je me suis battue pour qu'on puisse retirer les permis qui avaient été accordés un peu rapidement par Jean-Louis Borloo et passer une loi qui interdit le type d'exploitation pratiqué aux Etats-Unis ». "S'il y avait moyen d'extraire de manière complètement propre" ce produit "qui coûte très cher dans notre balance commerciale", "ce serait bien" mais "la vérité est que les technologies disponibles ne sont pas propres et que le type d'exploitation qui a été mené aux Etats-Unis a conduit à une forme de dévastation écologique, paysagère aussi, dont je ne veux pas en France."
Et les français ? Ceux qui en dernier ressort pourraient un jour avoir le dernier mot : qu’en pensent-ils ?
Selon un sondage BVA, 31% y sont "tout à fait opposés", 31% y sont "plutôt opposés". Ceux se déclarant "plutôt favorables" et "tout à fait favorables" ne représentent que 36 % du panel. L'opposition grimpe même à 80 % chez les "sympathisants" de gauche, 92 % chez les sympathisants verts. A droite, on est plus partagés (51 % pour, 45% contre).
Mais attention, un sondage reste un sondage, les résultats dépendant souvent de la question qui est posée. Si on en croit un sondage CSA sur le même thème, les français seraient également répartis entre opposants et partisans avec 44% des sondés.
Voila. Au moins nous savons. Nous savons qu’après les échéances de 2017, il y a de fortes chances que le gaz revienne sur le devant de la scène. Avant la résistance, il y a la vigilance. Il faut entretenir le débat, ne pas se laisser imposer une industrie mortifère dont de plus en plus de spécialistes nous disent que c’est une catastrophe.