Y aura-t-il toujours?
Est-ce que pour une fois la nouvelle année indiquée par le calendrier sera vraiment nouvelle, c’est-à-dire autre ? A part souhaiter bonne santé physique et mentale pour de bonnes luttes, je n’exprime pas des souhaits de bonheur pour tout le monde : que les aristocrates macs du CAC finissent « à la lanterne » et, peut-être, « ça ira, ça ira ».
J’ai choisi ce texte qui, bien que pas forcément assorti à l’air du temps, parle malgré tout de futur. Doutes, craintes, incertitudes, espoirs, interrogations individuelles et communes ?... Je pense… qu’il y aura toujours… des personnes pour répondre différemment à la dernière question.
aura-t-il toujours la présence d’un geste
Un sourire hébergé d’être si bien donné
Une lueur filante en des yeux mais qui reste
Assez longtemps en soi pour encore étonner ?
Y aura-t-il toujours une peau qui appelle
L’autre à redécouvrir par le corps et l’idée
Le plaisir délivré que tu renvoies vers elle
Les silences bavards jamais élucidés ?
Y aura-t-il toujours des copains qui s’attardent
Une faim régalée sans tristes simagrées
De chaudes discussions où Marx monte la garde
Une odeur de sueur partagée sans regret ?
Y aura-t-il toujours ces secondes qui semblent
Tant s’approcher du vrai qu’on pourrait le sentir
Un lointain mal cerné que l’on recherche ensemble
Dans des frissons du temps qui voudrait ralentir ?
Y aura-t-il toujours quelque rêve indocile
Pour nous tenir la vie jusqu’au bout du chemin
Un atome secret, fêlé mais peu fissile
Se chargeant aujourd’hui du besoin de demain ?
Y aura-t-il toujours l’humain à reconnaître
Au détour du savoir, au pli du quotidien
Un brouillon d’humanitude qui cherche à naître
Pour avoir l’heure juste à chaque méridien ?
Y aura-t-il toujours une enfance sourcière
Un cafard épongé par deux rides de soir
Une ventrée de rire pissant aux paupières
La nostalgie frileuse qu’on laisse s’asseoir ?
Y aura-t-il toujours des éclats qui se tanquent(1)
Dans son fort intérieur pour loin y retentir
Un regain de soleil dans un creux de restanque(2)
Ou le regard d’un chien trop bête pour mentir ?
Y aura-t-il toujours la vérité qui traîne
Dans une aube mouillée, dans un quasar boiteux
Entre un vieux bouquin et une affable fontaine
Dans un reflet, un son, un sentiment douteux ?
Y aura-t-il toujours un sentier à surprendre
Des pensées à l’écart à vouloir visiter
L’imaginaire et le réel faits pour s’attendre
L’étrangeté de taire des coins abrités ?
Y aura-t-il toujours des éclairs de vrai jour ?
Marius Vinson
(1) se plantent
(2) portion de terre retenue (c’est le sens d’origine) par un muret, généralement de pierres sèches.