Un peu d'histoire pour éclairer le présent.
Ces dates pour nous recoller au passé. A ce temps où les gens savaient se mobiliser, se souder et se battre. Ce temps où les gens obtenaient...
Cette chronologie des années 1944 à 1947 est édifiante. Les plus anciens et surtout ceux qui ont un rapport sain à l'histoire et quelques connaissances trouveront matière à réflexion.
ars 1944 : le programme du CNR propose pour la Libération une démocratie économique et sociale sur fond d’économie dirigée. Ce programme alors consensuel inspire gouvernement et partis à la Libération, mais il est peu connu des Français (53% ignorent son existence en avril 1945).
2 juin 1944 : le Comité français de libération nationale (CFLN) se transforme en Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF). Avec la libération progressive du territoire, notamment Paris, il s’élargit, le 9 septembre, en gouvernement d’unanimité nationale (De Gaulle). Plusieurs de ses membres sont d’anciens syndicalistes. Le 9 août 1944, la légalité républicaine est rétablie, et la nullité des actes de Vichy proclamée.
27 juillet 1944 : l’ordonnance d’Alger annule la charte du travail de Vichy ; tous les syndicats de 1939, sauf la CGPF, sont rétablis. La Corporation paysanne est également dissoute.
10 septembre 1944 : B. Frachon lance “la grande bataille de la production”.
15 octobre 1944 : création de la CGC, Confédération générale des cadres (elle est reconnue par le ministre du Travail à l’été 1946, après une grève en mars).
12 octobre 1944 : création de la CGA (Confédération générale de l’agriculture) ; elle est reconnue en 1945 par les pouvoirs publics (c’est le seul interlocuteur pour l’agriculture). Progressivement, la CGA va regrouper la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, créée en 1946), les coopératives agricoles, le crédit agricole, les syndicats d’ouvriers agricoles, de techniciens agricoles).
14 décembre 1944 : ordonnance nationalisant les houilles du Nord-Pas-de-Calais (Houillères nationales). Les syndicats siègent pour un tiers au comité consultatif. A cette occasion, un nouveau statut du mineur prévoit des avantages en termes de salaires, de retraites, de ravitaillement.
16 janvier 1945 : ordonnance nationalisant les usines Renault. Elles avaient été mises sous séquestre dès octobre 1944. Les actionnaires ne sont pas indemnisés. La nouvelle Régie est un statut original où Etat, usagers et personnel siègent au conseil d’administration.
22 février 1945 : ordonnance sur les comités d’entreprise dans les établissements de plus de 100 salariés.
5 avril 1945 : démission de Mendès France : la politique de rigueur qu’il préconisait n’a pas été acceptée par de Gaulle, afin de ne pas dégrader le climat social.
Avril 1945 : négociation paritaire des grilles de salaire par branche (A. Parodi) : augmentation globale des salaires ; les grilles sont fortement hiérarchisées ; fortes disparités selon le sexe et la région.
Mai 1945 : les retours massifs des prisonniers et déportés vont atténuer en partie la pénurie de main d’œuvre.
28 mai 1945 : circulaire d’Alexandre Parodi énonçant les critères de la représentativité syndicale : ancienneté, effectifs suffisants, cotisations, indépendance à l’égard du patronat, attitude patriotique pendant la guerre, loyauté dans l’application de la législation sociale. Fin 1945, la CGT compte 5,4 millions d’adhérents, la CFTC 0,7 millions.
4 et 19 octobre 1945 : ordonnances sur la Sécurité Sociale. Toutes les anciennes assurances sociales sont rattachées à un système unique auquel sont assujettis tous les salariés. Les cotisations sont retenues sur les salaires (4 à 6%) et payées par l’employeur (4 à 10% des salaires distribués). Les risques couverts sont : la maladie, l’invalidité (pension), la vieillesse (retraite à 60 ans), le décès, les accidents du travail (30 octobre 1946).
L’échec de la politique économique et les premières fissures du consensus, les premières grèves (octobre 1945 – janvier 1947)
13 novembre : un deuxième gouvernement provisoire (de Gaulle) est formé après l’échec du référendum sur le premier projet de constitution. Le gouvernement comporte trois ministres communistes : Travail, Ambroise Croizat ; Production industrielle : Marcel Paul ; Économie nationale : François Billoux.
2 novembre 1945 : ordonnance réglementant libéralement les conditions d’accès et de séjour pour les travailleurs étrangers (en vigueur jusqu’en 1979).
2 décembre 1945 : nationalisation de la Banque de France et des grandes banques de crédit.
Le 17 mars, la nationalisation des houillères du Nord-Pas-de-Calais est étendue à l’échelle nationale (Charbonnages de France, 17 mai 1946). Le 8 avril, c’est le tour du gaz et de l’électricité (EDF et GDF). Le 25 avril 1946, c’est l’assurance (34 sociétés, les principales, et non la totalité). Les sociétés aériennes sont invitées à fusionner avec Air France (26 août).
12 décembre 1945 : grève des fonctionnaires (leurs revendications seront satisfaites en octobre 1946), la CGT maintient ses positions productivistes : la grève est une provocation, certains syndicalistes commencent à protester, dont le journal Force ouvrière qui soutient la grève.
21 décembre 1945 : création du Commissariat général au Plan
24 janvier 1946 : démission de De Gaulle, en désaccord avec le projet de Constitution et ne voulant pas être forcé de continuer à gouverner avec une Assemblée de gauche, c’est le début du tripartisme (MRP-SFIO-PCF).
26 janvier-1 février 1946 : grève dans la presse parisienne (rotativistes). A la radio, le ministre Croizat s’en prend violemment aux grévistes.
21 février 1946 : rétablissement de la loi des 40 heures (la durée moyenne du travail en 1946 s’établit à 43 heures hebdomadaires).
13 avril 1946 : statut du fermage et du métayage.
16 avril 1946 : loi sur les délégués du personnel : leur statut est désormais légal et non plus seulement conventionnel. Les étrangers participent à l’élection, mais ne sont pas éligibles.
4 mai 1946 : départ de la CGT de militants syndicalistes révolutionnaires qui créent la Confédération nationale du travail (CNT)
22 mai 1946 : la loi Croizat rend l’assurance sociale obligatoire pour tous les Français (et non plus seulement les salariés). Elle ne sera effective qu’en août 1967. Dans la même perspective, l’assurance vieillesse est généralisée par la loi du 12 septembre 1946.
29 mai 1946 : la CGT demande une hausse générale des salaires
12 juin 1946 : création du Conseil national du patronat français (CNPF).
11 octobre 1946 : loi créant la médecine du travail
13 octobre 1946 : adoption par référendum de la Constitution de la 4e République. Son préambule prévoit, dans la lignée du programme du CNR, une “ république démocratique et sociale ”. Il proclame légalité de l’homme et de la femme, les droits de l’enfant (instruction). Le citoyen est conçu comme travailleur (droit syndical, droit de grève), et la société doit lui permettre de subvenir à ses besoins, et à ceux de sa famille.
19 octobre 1946 : la loi sur le statut de la fonction publique répond à des revendications exprimées dans des grèves au printemps : elle reconnaît en particulier le droit syndical
27 novembre 1946 : présentation des objectifs du plan Monnet
23 décembre 1946 : loi sur les conventions collectives
Vers la peur de la réalisation et la “défense républicaine” contre les grévistes (janvier 1947 – décembre 1947)
2 janvier et 24 février 1947 : décret décidant une baisse autoritaire des prix de 5% (gouvernement Blum).
janvier 1947 : début d’une série de grèves début 1947 (janvier : les gaziers de la Région parisienne, les dockers de Nantes, Michelin à Clermont-Ferrand ; février, grève dans les ports, grève de la presse parisienne, chez les cheminots parisiens).
31 mars 1947 : création du salaire minimum vital par arrêté ministériel.
9 avril 1947 : loi étendant la sécurité sociale aux fonctionnaires.
24 avril 1947 : élections aux caisses primaires de la Sécurité sociale et des Allocations familiales : elles semblent annoncer une baisse de l’influence de la CGT (53,9% des voix, CFTC 26,4%, les “Familiaux” et “Mutualité” : 10,2%.)
25 avril – 16 mai 1947 : grève chez Renault que la CGT commence par combattre puis rallie.
4 mai 1947 vote sur la question de confiance sur la politique salariale du gouvernement aux usines Renault, tous les députés communistes, y compris les ministres, votent contre le gouvernement.
Le 5 mai 1947, Ramadier met fin aux fonctions des ministres communistes au gouvernement.
23 mai 1947 : décision du gouvernement, suite aux conflits sociaux, d’une exonération fiscale pour les bas revenus et l’attribution de primes à la production.
25 mai 1947 : le personnel d’EDF-GDF en grève est réquisitionné
2 juin 1947 : début de la grève des cheminots. Elle s’étend à toute la France (7-10 juin).
10 juin 1947 : début d’une deuxième vague de grèves : transports (cheminots), secteurs publics (13 juin : les fonctionnaires des services publics font vingt-quatre heures de grève), métallurgie, mines du Pas-de-Calais), Citroën, grands magasins, banques...
4 juin 1947 : Ramadier déclare à l’Assemblée : “Une sorte de mouvement giratoire de grèves se développe, comme sous la direction d’un chef d’orchestre clandestin.”
17 juin 1947 : la Grande-Bretagne et la France acceptent l’aide Marshall (proposée le 5 juin). Le plan Marshall est rapidement condamné par la CGT et le PCF.
1er août 1947 : La CGT et le CNPF concluent un accord prévoyant une hausse de 11% des salaires. Le gouvernement ne reconnaît d’abord pas l’accord CGT-CNPF. Puis le 22 août, est publié un arrêté portant sur la hausse de 11% des salaires légaux.
27 août 1947 : Grève à l’usine automobile de Peugeot-Sochaux.
1er septembre : Grève chez Berliet.
3 septembre : Grève chez Michelin.
26 septembre 1947 : Opposition de l’Union générale des fonctionnaires au plan de reclassement présenté par le gouvernement. Les syndicats du secteur public réclament une hausse des salaires de 11%.
14 au 21 octobre : Grève dans les transports. 16 octobre : Grève de la marine marchande.
10 novembre – 9 décembre 1947 : Grèves dont de nombreuses à caractères insurrectionnelles (Marseille, houillères du Nord). 3 millions de grévistes. Assauts contre des bâtiments publics (à Marseille le 12 novembre : palais de justice occupé, maire séquestré), des scènes d’émeutes (dans le Midi, le 2 décembre) ; et des voies de chemin de fer sabotées (3 décembre : accidents mortels).
19-20 novembre : le gouvernement Ramadier fait évacuer par la force, dans la nuit, les usines Citroën. Par un vote à bulletin secret, 80% des 6 000 ouvriers consultés se prononcent pour la reprise.
22 novembre 1947 : le gouvernement Schuman de défense républicaine inaugure “la troisième force” (ni RPF, ni PCF).
26 novembre 1947 : création d’un “comité central de grève” institué indépendamment du bureau confédéral de la CGT pour conduire le mouvement. C’est lui qui appelle le 9 décembre à cesser le mouvement.
29 novembre 1947 : vote des textes de défense républicaine. Les réservistes sont rappelés. Échec des négociations entre la CGT et le ministre du Travail.
Décembre 1947 : le mot d’ordre de grève lancé par les cheminots et les postiers est un semi-échec. Début du reflux du mouvement de grève. Un député communiste (Raoul Calas) est expulsé de l’Assemblée nationale pour avoir exhorté les forces de l’ordre à l’insoumission.
4 décembre 1947 : loi sur la protection de la liberté du travail adopté par l’Assemblée nationale. Rappel d’un demi-contingent de la classe 1943. Annonce d’un plan sur les salaires et les prix.
19 décembre 1947 : la conférence nationale “Force ouvrière” quitte la CGT : pas décisif vers la scission de FO. Cinq membres de la tendance “ex-confédérée” (dont Jouhaux) démissionnent du Bureau confédéral.