Terroristes en France, ne sommes-nous pas en train de faire une mauvaise analyse ?
ette question m’est venue en lisant parmi tant d’autres ce commentaire : « La haine de la France, de la République, de la Laïcité par ces détraqués incultes doit être combattue avec la plus grande fermeté! »
Haine de la France, sans doute : pour le reste, je serais moins affirmatif.
Que l’on comprenne bien ce qui va suivre : je ne justifie ni n’excuse en rien les actes abominables commis sur notre sol par des psychopathes décervelés au nom d’un prétendu « état islamique ». Ces actes sont inqualifiables et doivent être combattus. Mais, contrairement à ce qu’à affirmé le premier ministre, chercher à comprendre n’est pas excuser, et je dirais, bien au contraire.
Ces barbares s’attaqueraient donc à notre société et auraient pour but de mettre à mal la République : le vivre ensemble, la liberté, l’égalité, la fraternité…
Ils s’en prendraient donc à nos si belles valeurs ?
Et si précisément c’était tout le contraire ? Si notre belle République avait échoué à faire de nous un peuple uni et fraternel ?
Si c’était tout le contraire ? Si nous payions aujourd’hui le prix fort pour n’avoir pas su ou pas voulu construire une société accueillante, bienveillante, égalitaire… Exportant des armes par millions, nous n’avons pas réussi à instaurer la paix sur notre sol.
Le musulman est aujourd’hui le criminel, le responsable, il a été trop longtemps le rejeté, l’exclus, le bon à tout faire.
Trente ans de travail dans un « quartier sensible » m’ont appris un certain nombre de choses.
Des gens que nous sommes allés chercher pour reconstruire notre pays, des quartiers où régnait une certaine harmonie, une complicité, une entente entre des gens d’origines diverses. Et la ghettoïsation qui se met en marche, l’échec de l’intégration, le repli sur soi, la stigmatisation. Les caves où des imams autoproclamés répandent une idéologie nauséabonde, tout ce qui était commun et banal et qui devient juste un souvenir, le vivre ensemble fracassé. Et cette frustration qui monte, inexorablement. La République ferme les yeux, se contente de mesurettes pour maintenir tant bien que mal la paix sociale dans ces quartiers. Ceux qui voient, comprennent et disent, sont ignorés, déconsidérés. Les valeurs de la Républiques s’arrêtent aux frontières des boulevards.
Quelle image de la démocratie, à laquelle ils ne participent pas le plus souvent, ces gens peuvent-ils avoir, quelle raison peuvent-ils bien donner à leurs enfants de croire qu’ils auront une place digne ici ?
Ces malades, ivres de frustration, ne désirent pas détruire la démocratie, ils témoignent du fait que nous avons laissé notre démocratie se diluer dans une forme de suffisance obscène. Nous prétendons exporter partout dans le monde, parfois au prix d’un absurde interventionnisme, voir la Libye, l’Irak, un modèle qui a échoué chez nous.
Je le redis ici, rien ne peut justifier les actes de ces derniers mois en France, mais refuser de regarder notre responsabilité, ne serait-ce que pour rejeter les surenchères de la droite et les approximations liberticides de la gauche au pouvoir, serait nous perdre plus encore.
Liberté, égalité, fraternité, nous avons perdu une part non négligeable de la première, égalité et fraternité sont encore un rêve inaccessible.
Hollande a dit que « notre unité faisait notre force » : où a-t-il vu de l’unité dans ce pays, ne nous étonnons donc pas d’être aussi faibles et vulnérables.