Si vous saviez
Bonsoir. Comme l’a si bien écrit un de nos plus grrrands poètes dans un texte admirable que vous présentâtes aimablement à vos nombreux lecteurs, voilà Noël qui revient.
N’ayant pas rédigé de texte de circonstance, j’ai un peu hésité entre une demande de comptes à quelque dieu (une autre fois) et celui-ci qui, tentant de rappeler qu’une certaine jeunesse violente ne fait au bout du compte qu’appliquer l’idéologie dominante, peut conduire pourtant à s’interroger sur la société future que nous pourrions imaginer. « Si vous le savez » …Evidemment, cela n’entend pas analyser de manière exhaustive la violence ou l’insécurité régnant trop souvent au quotidien, mais, peut-être, pour un 24 décembre… « réveillons »-nous ?
i vous saviez ces êtres pâles
Vomis par nos tours gratte-rien
Car le vrai ciel s’est fait la malle
De ces puits d’espoir sahariens
Si vous saviez tous les mirages
Qu’ils créent par-dessus les antennes
Et qu’à trop rêver de voyages
Ils n’en feront qu’un dans la haine
Si vous saviez leurs sens de braise
A ces noyés, violant l’amour
A treize ans car, croyant qu’ils baisent
Ils brassent la merde des cours
Si vous saviez les bénéfices
Nés de leur sensibilité
On leur vend crime, frime et vice
En film ou en réalité
Si vous saviez les beaux exemples
Encensés par nos sociétés
De l’intérêt dressé en temple
A l’escroc promu député
Si vous saviez que l’opulence
Danse sous leurs yeux chaque jour
A l’abri d’une vitre immense
Comme les filles de Hambourg
Si vous saviez ce qu’il leur reste
Le soir, entre deux feuilletons
Après l’école qui empeste
L’échec et le parc à moutons
On leur lâche quelques diplômes
Pour qu’ils soient chômeurs diplômés
L’économie aura des hommes
A bon marché à consommer
Si vous saviez que la violence
Y devient chemin de repli
Du désespoir, de l’ignorance
De la barbarie dont s’emplit
Le vide de leurs existences
Méprisées, foulées, balancées
Aux pieds des droits de la Finance
Autre Dieu tueur de pensée
Certains joueront jusqu’à l’ignoble
Loi du plus fort, peur et pouvoir
Egoïsme, valeurs si nobles
Que notre époque donne à voir
Ce qui n’est rien, en fin de compte
Que l’idéologie prônée
Par les tout-puissants qui nous content
Que dans leur jungle, il faut trôner
Si vous saviez qu’un souffle immonde
Du profit vend, nie tout, détruit
Montrant aux jeunes que ce monde
Se fout bien du respect d’autrui
Vous sauriez que la délinquance
N’est pas juvénile infection
Mais la fosse des lieux d’aisance
D’un univers en corruption
Si vous saviez cette jeunesse
Le conflit des générations
Vous le glisseriez sous vos fesses
Avec le mot immigration
Vous sauriez qu’ils sont en détresse
Ces naufragés des fonds d’ennui
De l’oubli et qu’aucune messe
N’aura d’aurore pour leur nuit
Si vous savez un monde large
Où ne pousse jamais le fric
Si vous savez des paysages
Sans murs, sans patrons et sans flics
Si vous savez un coin d’espace
Où l’humain est en liberté
Où l’on a enterré les classes
Où le bonheur est habité
Si vous le savez…
Marius Vinson