Retour du service militaire, une fausse bonne idée
Et si les plus fervents défenseurs du retour du service national se recrutaient principalement dans ceux qui ne l’ont pas fait…
Cette panacée dénichée par quelques vaillants et imaginatifs politiques se verrait soudainement parée de toutes les vertus. Le seul outil capable de ressouder la République !
Tous ces amuseurs auraient-ils oublié la réalité dudit service, réalité qui en avait certainement précipité la disparition?
Qu’il me soit donc permis de rappeler quelques vérités simples :
Dans les années 90, 30% d'une classe d'âge masculine échappait au service militaire.
On comptait les dispensés pour raison personnelle: 17 000 jeunes concernés, environ 5% du total. C’étaient par exemple les pupilles de la Nation, les soutiens de familles ou de jeunes dirigeants d'entreprises.
Les exemptions ensuite, des jeunes jugés médicalement inaptes. En 1990, 20% d'une classe d'âge est concernée, dont un gros tiers (25.000 jeunes) classé P, c'est à dire inapte pour des raisons psychiques ou mentales. C’était alors la voie royale pour échapper à la corvée.
Quels sont les jeunes qui échappaient au service militaire ?
Les plus aisés d'abord. Selon un rapport sénatorial de 1996, 30,1% des fils de cadres sont exemptés contre 17% parmi les autres catégories. 75% des volontaires pour les formes civiles du service national sont détenteurs du baccalauréat. L’égalité en prend un sacré coup !
On peut également rappeler que la plupart des jeunes d'origine maghrébine ne faisaient pas leur service. "Ainsi, parmi les 20.000 jeunes d’origine maghrébine théoriquement concernés par le service national, seuls 5200 passaient réellement sous les drapeaux, soit moins d’un quart d’entre eux. A l’échelle des 260 000 appelés formant le contingent annuel, leur proportion ne dépassait pas 2%", selon le sociologue Elyamine Settoul. Le « melting-pot » en prend un sacré coup.
Le service militaire n'était donc plus franchement le symbole d'une intégration et d'un brassage républicain que beaucoup de ses défenseurs vantent aujourd'hui. S’ils n’ont pas trouvé hier le moyen de le rendre équitable, incontournable donc réellement républicain et à même de remplir la lourde mission qu’on entend lui confier, autant l’oublier et trouver autre chose. Mais de grâce, qu’on cesse de nous présenter de vieilles recettes qui ont échoué comme des solutions d’avenir.
Sources
France Info et
Le rôle social des armées. Perspectives comparatives et actualité, Inserm 2012
Faut-il instituer un service civil obligatoire ? Rapport de l'amiral Béreau
L'avenir du service national, rapport sénatorial 1995-1996