Note pour la réunion avec les députés PS / proposition de loi sur les hydrocarbures non conventionnels (n° 3283)
En provenance de la coordination nationale, cette info imortante
Bonjour à tous,
Nous avons envoyé la semaine dernière un email sur la liste de la coordination nationale expliquant que nous devions rencontrer mercredi 13 avril (hier) les députés socialistes afin de discuter de leur proposition de loi. Ci-joint la note que nous leur avons donné et plusieurs points de compte-rendu:
- Cette note insiste sur différents points: une discussion juridique essentielle sur la notion d'abrogation/retrait (l'abrogation n'est pas, en droit, rétroactive ce qui est très gênant pour les permis existants et ne peut être formulée par le législateur, mais seulement par l’autorité à l’origine de cet acte, à savoir le Ministère de l’environnement ) ; une demande de ne pas ratifier l'ordonnance Besson qui modifie le code minier ; de définir la notion d'hydrocarbure non conventionnel dans le code minier ; de faire référence à la directive européenne sur l'eau dans l'exposé de la loi et aussi d'élargir l'interdiction d'exploitation des hydrocarbures non conventionnels à l'activité internationale des entreprises françaises et de leurs filiales (Total et les sables bitumineux, Perenco...)
- La note a été très appréciée et nous avons convenu de bosser étroitement ensemble sur ces différents points. Soyons clair: l'assistante qui a rédigé la proposition de loi PS (texte ensuite repompé par l'UMP quasiment au mot près) nous a expliqué avoir voulu aller vite et admet que le terme "abrogation" n'est peut-être pas le plus approprié, en tout cas c'est à consolider. Si l'on ne verrouille pas le texte, il y a un risque de faire un coup d'épée dans l'eau.
- La suite, et c'est là où la mobilisation sur le terrain est essentielle dans les 15 jours qui viennent: les textes UMP et PS seront fusionnés en un seul texte en commission le 4 mai. Les rapporteurs sont Mr. Chanteguet (PS, avec qui nous avons travaillé hier) et Mr. Havard (UMP). Puis, ce texte sera voté le 10 mai. Les députés vont être sous pression maximum des lobbying industriels dans les 15 prochains jours, l'assistante PS nous a déjà confirmé qu'elle était harcelée par Torreador... Je pense sincèrement qu'il y a une volonté politique, à gauche et à droite, d'en finir avec ce dossier trop embarrassant avant la campagne présidentielle. A nous de ne pas relâcher la pression et de demander aux députés d'être vigileant pour que le texte ne soit pas affaibli.
- Nous essayons d'obtenir d'autres RDV avec des députés, notamment UMP. La priorité est de rencontrer Mr. Havard. Si d'autres membres de la coordination souhaitent se joindre à nous, notamment des représentants des collectifs locaux, ça serait une excellente chose. En tout cas, n'hésitez pas à téléphoner et à écrire à vos députés. Si vous le voulez, nous pouvons envoyer une synthèse avec quelques messages clés?
- Point de clarification. Il y a deux processus en cours: les auditions de la commission UMP/PS et le projet de loi. Les travaux de cette commission ont été lancés avant que les projets de loi n’aient été déposés et elle rendra son rapport en juin donc après la bataille parlementaire de mai. Il est donc important de rencontrer cette commission (invitation de la coordination) pour un enjeu à moyen terme. Mais à court terme, il faut gagner le débat parlementaire. Soyons clair encore une fois: si un bon texte de loi passe, là encore, il ne s'agira que d'une étape mais d’une sacrée étape!
Bonnes et joyeuses manif à tous pour ce week-end!
Sylvain Angerand et Romain Porcheron,
Les Amis de la Terre
Synthèse des recommandations.
1. S'assurer du caractère effectif et rétroactif de l'abrogation/annulation/retrait des permis d'exploration. En particulier, retirer la mention «sous réserve de décision de justice ayant acquis autorité de force jugée» dans l’article 2.
2. Clarifier la notion d'hydrocarbures non conventionnels et élargir à l'extraction d'huiles de schistes qui pourrait être considérées comme des hydrocarbures conventionnels.
3. S'opposer à la ratification de la loi d'ordonnance du 19 janvier 2011 réformant le code minier.
4. En substitution, exiger un débat parlementaire sur les questions minières et une modification de l’article R121-2 du Code de l’environnement pour soumettre les activités minières au débat public.
5. Élargir l'interdiction d'exploration et d'extraction des hydrocarbures non conventionnels aux filiales internationales des entreprises françaises.
6. Renforcer l'exposé des motifs en demandant une référence aux directives communautaires sur l’eau.
ARGUMENTAIRE
1. Le choix du vocabulaire est important et fait appel à des notions de droit différentes:
- ·abrogation : c'est la disparition d'un acte juridique unilatéral uniquement pour l’avenir, effectuée par l’auteur de l’acte.
- ·retrait : c'est la disparition rétroactive d’un acte administratif unilatéral, effectuée par l’auteur de l’acte. L'acte initial est alors considéré comme n'ayant jamais existé.
- ·annulation : c'est la disparition, généralement rétroactive d’un acte, prononcée par le juge, à la demande d’un tiers ou par une autorité de tutelle. Cette annulation est soumise à des conditions de délai : recours possible jusqu’à 2 moi après la délivrance de l’acte.
Les lois, décrets et arrêtés ne peuvent être abrogés que par un texte ayant une même valeur. L’abrogation ne pourrait donc être prononcée que par le Ministère de l’Environnement, autorité à l’origine de la délivrance. Il est donc étonnant que la proposition de loi donne comme pouvoir au législateur d’annuler un acte sur lequel il n’a aucune autorité.
Autre réflexion: l’abrogation ne peut avoir d’effet rétroactif, elle ne peut porter que sur des situations futures. Il semble donc inadapté de parler d'abrogation des permis existants et il semble plus pertinent d'exiger le « retrait ». Pourtant, les députés PS écrivent dans l’exposé des motifs : «[l’abrogation] est admise par la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que le Conseil constitutionnel lorsqu’il s’agit de défendre des exigences impérieuses d’intérêt général, ce qui est le cas en l’espèce».
2. Il n’existe à l’heure actuelle aucune définition formelle de ce que sont les hydrocarbures non conventionnels. Pour les caractériser, certains s’appuient en effet sur l’aspect purement économique («hydrocarbures difficiles et coûteux à produire») tandis que d’autres privilégient l’aspect géologique («hydrocarbures dont la production nécessite une stimulation de la roche encaissante dès la première phase d’exploration»). Une définition de cette notion doit donc être insérée dans le Code minier afin de bien veiller à inclure les huiles de schiste dans la catégorie des hydrocarbures non conventionnels et à ce que ces éléments ne soient pas exclus du champ d’application de la loi du fait des évolutions futures des techniques de forage ou des connaissances scientifiques.
3. La loi du 12 mai 2009, dite de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, a donné au Gouvernement la possibilité d’intervenir dans un certain nombre de domaine, par la voie de l’ordonnance. Le Code minier n’en faisait initialement pas partie, mais y a été rajouté par une loi du 10 décembre 2010. Une ordonnance est prise le 19 janvier 2011, portant codification de la partie législative du Code minier. Selon les propres termes du compte-rendu du Conseil des ministres du même jour, «cette ordonnance est l’occasion de moderniser et de simplifier les dispositions applicables aux exploitations minières en veillant à leur intégration dans l’environnement et à l’association des parties prenantes dans l’attribution des titres miniers. Attendu depuis longtemps par la profession, le nouveau code facilitera la valorisation des ressources du sous-sol français». Selon l’analyse de Corine Lepage, le nouveau Code minier violerait la Charte de l’environnement, car il ne prévoirait pas, pour les permis exclusifs de recherche, ni d’étude d’impact, ni d’enquête publique, ni d’information des collectivités locales. D’où l’importance de demander à ce qu’une opposition forte et sans compromis soit engagée par les députés contre cette ratification d’ordonnance.
4. L'importance des mobilisations citoyennes contre les gaz et les huiles de schistes montre que les questions minières doivent être débattues publiquement et que les citoyens doivent pouvoir s'opposer aux projets controversés. Au delà de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures non-conventionnels qui doivent être suspendus, les quatre propositions de loi prévoient de soumettre la délivrance des permis exclusifs de recherche et des concessions de mines à la procédure du débat public. La liste des catégories d’opération actuellement soumises à débat public est établie à l’article R121-2 du Code de l’environnement, mais ne prévoit rien pour les travaux miniers. Il est donc nécessaire de demander une modification de cet article afin d’y inclure les travaux miniers, notamment les forages.
5. De nombreuses entreprises françaises comme Total ou Perenco ont des activités d'extraction des hydrocarbures non conventionnels dans d'autres pays (Madagascar, République du Congo, Canada, Guatemala, Equateur...) où la législation environnementale est parfois faible ou non appliquée. Les impacts sur les communautés locales sont désastreux et les émissions de gaz à effet de serre très importantes. Par souci de cohérence, les activités des filiales internationales des entreprises françaises doivent également être suspendues. Nous proposons donc de modifier l'article 1 en ajoutant:
III. L'interdiction d'exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels et des gisements d’hydrocarbures en eaux profondes, s'appliquent également à l'extérieur du territoire national pour les sociétés ayant leur siège social dans le territoire national ou leurs filiales dont l'activité est inclus à l’intérieur du périmètre de consolidation, au sens de l’art. L233-1 et 233-3 du code de commerce.
6. La directive-cadre 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre établit un cadre pour une politique globale communautaire dans le domaine de l’eau, poursuivant notamment des objectifs de prévention et de réduction de la pollution, de promotion d’une utilisation durable de l’eau et d’amélioration de l’état des écosystèmes aquatiques. Elle fournit à cet effet des définitions strictes des éléments visés, ainsi que des régimes de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives en cas de violations des dispositions. Une liste de substances polluantes parmi celle qui constituent un risque important pour le milieu aquatique est également référencée en annexe de cette directive. Une référence explicite à ce texte semble donc opportune en la matière.
Contacts:
– Angerand Sylvain: foret@amisdelaterre.org ; 06.28.77.15.08
– Porcheron Romain: romain.porcheron@amisdelaterre.org ; 06.63.43.96.57