Les dieux des cavernes
Un autre texte. Pas des plus vieux mais pas des plus courts. Je ne sais pas si le « thème » attirera beaucoup l’intérêt de vos lecteurs.
D’abord poussé par le besoin de donner à penser que l’invention de l’idée de dieu(x), en plus de n’être permise qu’aux cerveaux humains, exprimait profondément le besoin de connaissance et d’interprétation du monde, je me suis senti obligé d’évoquer plus largement nos ancêtres pas encore gaulois. Et finalement, il m’a semblé que cela ne devait pas affaiblir le sujet traité.
uand l’inconnu frappait les hommes préhistoriques
Leur cerveau encore en friche allumait leur regard
Leur empoignait fort le cœur, chavirait en panique
Leur sort gros d’adversité les laissait tout hagards
Si, comme tout animal se voit contraint d’apprendre
Il leur fallait s’adapter au milieu inclément
Incubait déjà en eux le besoin de comprendre
Premier germe de pensée promise au mouvement
Bauges, fossés ou halliers étaient caches précaires
La quête d’un gîte sûr les animait toujours
Ils regroupaient dans la nuit leurs angoisses grégaires
Qui les poussaient en avant dès le lever du jour
La grotte conquise enfin comme habitat primaire
Donnait du temps de répit à la bête assoupie
La page blanche des murs sondant l’imaginaire
Qu’un feu ombra de contours où l’art était tapi
Ils affûtaient leur esprit en retaillant des pierres
Confectionnaient des outils, fruits et clés de raison
Se confrontaient souvent à de nouvelles barrières
Pour assurer leur survie en plus d’une saison
Mais leur monde était peuplé d’extravagants mystères
Que la nature dressait devant eux fréquemment
Ils en restaient apeurés, prudents ou téméraires
Explorateurs cheminant depuis leur dénuement
Pourquoi l’orage qui tue en tonnantes lumières
Pourquoi cet astre chaud qui et repart et revient
Pourquoi ce liquide en eux fuyant comme rivière
Pourquoi la sécheresse ou les torrents diluviens
Pourquoi cet enfant qui meurt de fièvre délirante
Pourquoi le gibier absent, pourquoi l’étang durci
Pourquoi le sol explosant en mer rouge et brûlante
Pourquoi ce combat sans fin, pourquoi juste un sursis
Comment au plein du soleil passe une houle noire
Comment fuir les prédateurs, comment leur résister
Comment transplanter sa faim dans un bon territoire
Comment parer aux dangers, comment les dépister
Comment se ferment les plaies, comment la chair empeste
Comment ce ciel gris tombe-t-il en cendres glacées
Comment l’eau qui sauve ici devient là-bas funeste
Comment soupeser ses peurs, comment les déplacer
Si l’eau, la terre et le ciel réglaient leurs existences
Ces éléments produisaient des effets si puissants
Qu’ils devaient abriter dans d’étranges résidences
Quelques êtres de magie aux dons ahurissants
Retournant tout leur savoir né de leurs expériences
Ils étaient envahis par tant d’interrogations
Qu’ils se trouvaient acculés pour bredouiller leur science
A inventer le divin comme interprétation
Puisqu’ils devaient, chaque jour, faisant face aux épreuves
Pêcher, cueillir, pourchasser, batailler, transformer
La vie de leur univers leur suggérait la preuve
Que toute force est issue d’un corps vivant formé
Les ouragans, les volcans, les énergies obscures
Calamités et périls qui menaient leur destin
Pouvaient bien être engendrés par d’autres créatures
Aux mains desquelles l’humain était moins qu’un pantin
Vivant toujours au contact de la faune sauvage
Ils allaient, dans ce miroir, s’y voir plus inventifs
Y créer des dieux, reflets de géantes images
A qui ils attribuaient d’analogues motifs
Ils possédaient le cerveau, seul capable sur Terre
D’enfanter cette notion et de la conforter
En concevant des rites aux fonctions de cautères
Pour déjouer la mort qui semblait tout emporter
Ces ancêtres démunis recouraient aux croyances
Parce qu’ils jugeaient que tout porte une explication
Ils n’avaient pas d’autre voie pour leur neuve sapience
Pas d’autre savoir acquis apte à la réflexion
L’idée de dieux exprimait leur soif de connaissance
Le besoin de maîtriser le tout par la pensée
Les dieux étaient la porte où venait gratter la science
Quand ils se croyaient vraiment en train de la pousser
A une époque où on voit des fondus du cigare
Vouloir mettre à nouveau les religions au pouvoir
Prêts à nous replanter des référentiels barbares
Convenons que Cro-magnon était puits de savoir
Tout dogme religieux met l’intellect en berne
Se nourrit d’ignorance et c’est une ignominie
A l’égard de nos aïeux qui squattaient les cavernes
Et auxquels tout humain doit un respect infini
Eux qui ne possédaient pas tant de moyens physiques
Que bien des animaux qu’ils affrontaient en leur temps
Triturant des méninges qu’ils firent prolifiques
Nous ont portés jusqu’ici par cent mille printemps
Si leurs dieux coiffaient la muraille orbe des mystères
Ils les avaient conçus pour tenter de la franchir
Fond de pré-science mité comblé par des chimères
Qui émanait du Sapiens prêt à se réfléchir
Leurs dieux secouaient la nuit qui campait dans leur tête
Nos dieux sont du goudron lourd coulé sur la pensée
Les leurs les poussaient plus loin, hors de l’état de bête
Les nôtres sont promoteurs du voyage inversé
Leurs dieux étaient la buée d’un souffle des neurones
Nos dieux les veulent confits d’épaisse obscurité
Ils redressaient l’être humain émergeant de la faune
Ils renvoient à l’Erectus comme félicité
Marius