Le pétrole flambe, le gaz de schiste attend
Le prix des carburants à la pompe flambe et les candidats à l'élection présidentielle - Nicolas Sarkozy et François Hollande en tête - regardent ailleurs. Ou, à tout le moins, dans la mauvaise direction. Alors que le litre de super sans plomb 95 a atteint 1,60 euro et celui du gazole 1,44 euro, le chef de l'Etat juge qu'on ne peut rien faire contre les forces du marché pétrolier. Le candidat socialiste propose de geler les prix pendant trois mois et de rétablir une TIPP flottante, qui entraînerait un sérieux manque à gagner pour l'Etat.
Mais entre ce laisser-faire et cet interventionnisme sans lendemain, il existe sans doute une troisième voie, de long terme, il est vrai : le développement d'un substitut au pétrole. Il porte un nom, honni par les mouvements écologistes : les gaz de schiste. C'est leur présence, abondante sur la planète, qui fait dire aux experts de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qu'on est à la veille d'un "âge d'or du gaz". La France en posséderait, avec la Pologne, les plus grandes réserves d'Europe. M. Sarkozy a interdit à Total et aux autres compagnies pétrolières de les exploiter en leur retirant en 2011 leurs permis d'exploration. M. Hollande, poussé par Europe Ecologie-Les Verts (EELV), veut les laisser prisonnières du sous-sol.
Pourra-t-on longtemps se plaindre de la flambée des prix de l'énergie et refuserl'exploitation des gaz de schiste au nom des menaces qu'ils font peser sur l'environnement (fracturation hydraulique, pollution des nappes phréatiques...) ? Le pire n'est jamais certain. L'Etat a les moyens, techniques et juridiques, d'en encadrer strictement la production. Si cette nouvelle source d'énergie ne peut pas remplacer totalement le pétrole, qui restera la base des carburants automobiles, elle permettrait d'alléger la facture des 11 millions de Français utilisant le gaz.
Les gaz de schiste dessinent un scénario économique moins sombre que certaines prédictions écologistes : un renforcement de l'indépendance énergétique au moment où le "nationalisme pétrolier" reste vigoureux de la Russie au Venezuela, en passant par les Etats du golfe Arabo-Persique ; un regain de compétitivité pour l'économie ; et, pourquoi pas, la relocalisation de certaines industries avec plus d'emplois et de recettes fiscales à la clé.
Aux Etats-Unis, la production à grande échelle des shale gas depuis 2009, où ils représentent aujourd'hui 23 % de la consommation, a commencé à modifier la donne. Le prix du gaz a été divisé par cinq depuis son sommet de l'été 2008. Désormais trois fois moins cher que sur le Vieux Continent, il donne un avantage compétitif indéniable à certains secteurs de l'industrie américaine (chimie, pétrochimie...).
Tout indique que les prix du pétrole continueront d'augmenter dans les prochaines années, à mesure que les réserves déclineront et que la demande des pays émergents augmentera. C'est donc tout le "mix énergétique" qu'il faut repenser - sans faiblesse vis-à-vis de la défense de l'environnement, mais sans tabou.