La Commune (18 mars-27 mai 1871)

 

 

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entative à implications révolutionnaires, faite par les ouvriers à Paris après l'insurrection du 18 mars 1871, pour assurer, dans un cadre municipal et sans recours à l'État, la gestion des affaires publiques.

 

1. Le contexte

Cette insurrection prend naissance dans cette ville du travail qu'est devenu Paris en pleine croissance démographique (en 1866, sur 1 799 980 habitants, 57 % vivent du travail industriel et 12 % du travail commercial). Un mouvement ouvrier de plus en plus virulent se forme, des grèves se succèdent, manifestant la prise de conscience de la classe ouvrière, qui a obtenu en 1864 la reconnaissance du droit de grève. Parallèlement, à Londres, la Ire Internationale est créée. La guerre franco-allemande éclate en juillet 1870 : les désastres militaires s'accumulent du côté français, et, le 4 septembre, la république est proclamée sous la poussée populaire. Le gouvernement de la Défense nationale qui est formé a pour mission de continuer la guerre et déclare « qu'il ne cédera pas un pouce de notre territoire ».

Très vite, cette république bourgeoise (composée entre autres du général Trochu, de Jules Favre et de Jules Ferry) est accusée de trahison par la population parisienne, qui, depuis le 19 septembre, subit avec héroïsme les conditions d'un siège de plus en plus difficile et qui réclame, en outre, des succès militaires.

 

 

2. De la résistance aux Prussiens à l'élection de la Commune

Dans chaque arrondissement se constituent des comités de vigilance, bientôt chapeautés par un comité central pour aider le gouvernement et mobiliser toutes les forces de la nation. L'affrontement entre la république bourgeoise et le peuple armé au sein de la Garde nationale se dessine rapidement.

Dès octobre 1870, l'élection d'une Commune est demandée par la population. Après l'échec de Buzenval (19 janvier), les gardes nationaux réclament le 22 la guerre à outrance. Peu après la signature de l'armistice le 28, les forts sont occupés, l'enceinte fortifiée de Paris désarmée, 200 millions de francs sont versés à la Prusse en quinze jours.

Dans l'Assemblée nationale élue (8 février), les représentants conservateurs de la province (majoritaires), qui désirent la paix, s'opposent aux élus parisiens à majorité républicaine. Les députés, qui siègent à Bordeaux, prennent alors une série de mesures pour mater la ville révolutionnaire (suppression des 30 sous accordés aux gardes nationaux, suppression des moratoires concernant les loyers et les effets de commerce, qui touchent les ouvriers, les artisans et le petit commerce). Outre ces mesures, le transfert de l'Assemblée non à Paris mais à Versailles et l'entrée des Prussiens dans la capitale exaspèrent les Parisiens.

Adolphe Thiers

Thiers, dans la nuit du 17 au 18 mars, décide de désarmer la ville afin de la purger de « tous les rouges » en s'emparant des 227 canons regroupés à Montmartre et à Belleville (ils avaient été ramenés par les gardes nationaux du Ranelagh, des Champs-Élysées… avant l'entrée des Prussiens dans la capitale). Mais le 88e de ligne ne parvient pas à prendre les canons à Montmartre et, entouré par les gardes nationaux et la foule, pactise avec les Parisiens et désarme les officiers. Le général Lecomte, qui avait ordonné de tirer sur la foule, et le général Thomas sont fusillés.

Thiers, refusant toute négociation, donne l'ordre d'évacuer la ville et se réfugie à Versailles afin de ne pas se trouver prisonnier. Le Comité central de la Garde nationale siège alors à l'Hôtel de Ville et prépare les élections fixées au 22 mars. Il invite la France à « jeter les bases d'une république avec toutes ses conséquences et qui fermera pour toujours l'ère des invasions et des guerres civiles ». En attendant les élections, le Comité central de la Garde nationale, soutenu par l'Association internationale des travailleurs, les clubs et comités d'arrondissement et la fédération des chambres syndicales, agit comme un gouvernement.

Le 26 mars 1871, les élections municipales (qui ont été repoussées de quelques jours) s'accomplissent dans la légalité, les maires y ayant consenti. Le Conseil communal, élu par 229 167 votants sur 485 569 (soit environ 50 % d'abstention), est mis en place à l'Hôtel de Ville le 28 mars sous le nom de Commune de Paris et reçoit les pouvoirs du Comité central.

Sur 85 membres, 15 du « parti des maires » refusent de siéger. Les 70 membres restants sont idéologiquement très opposés et se répartissent en plusieurs groupes : les blanquistes (9), partisans de l'action directe ( Charles FerréRaoul Rigault) ; les jacobins ( Charles Delescluze, Gambon, Miot, Félix Pyat), qui veulent faire de Paris l'élément moteur du gouvernement de la France. La majorité est complétée par les révolutionnaires indépendants (Clément). Quant à la minorité ouvrière, composée d'internationaux militants (17 membres, dont VarlinFrankel), elle s'inspire de Marx et Proudhon. Le reste est indécis et comprend quelques personnalités comme Courbet, Zéphirin CamélinatGustave Flourens.

Très vite le clivage entre la tendance majoritaire et minoritaire se produit. Si tous veulent consolider la république et consacrer l'autonomie absolue de la Commune de Paris, les uns veulent que cette dernière dirige dictatorialement la France comme en 1793, les autres qu'elle s'intègre à cette fédération des communes de France dans laquelle doit se dissoudre l'État.

 

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3. L'action de la Commune

3.1. Les commissions

Cette diversité d'opinions, qui s'ajoute à la dualité des pouvoirs entre le Comité central de la Garde nationale maintenu après les élections et le Conseil général de la Commune, contribue à diminuer l'efficacité de la Commune. Alors que des mouvements communalistes éclatent à Lyon (4 septembre), Saint-Étienne, au Creusot, à Limoges, Narbonne, Toulouse et surtout Marseille sous l'impulsion de Gaston Crémieux (fin mars-début avril 1871), mais sont rapidement réprimés par le gouvernement, Paris essaie de s'organiser militairement et politiquement. Dès le 29 mars, le Conseil de la Commune met sur pied neuf commissions, qui sont autant de véritables ministères, couronnées par une Commission exécutive qui devait jouer le rôle d'un véritable gouvernement à partir du 21 avril.

3.2. L'œuvre sociale de la Commune

C'est dans le domaine du travail que la Commune manifeste sa volonté de donner un caractère social à son entreprise et fait œuvre de précurseur. Elle nomme un marxiste, Léo Frankel, à la commission du Travail, de l'Industrie et des Échanges. Pour défendre les intérêts de la petite bourgeoisie et de la classe ouvrière, un certain nombre de mesures à caractère social sont prises : moratoire des effets de commerce et des loyers, abolition du travail de nuit des ouvriers boulangers, abolition des amendes et des retenues sur les salaires, suppression des bureaux de placement, enfin adoption de la journée de 10 heures. Il s'agit d'organiser le travail et d'en donner à ceux qui n'en ont pas. Aux Finances, la Commune a placé François Jourde, comptable d'une honnêteté scrupuleuse qui reculera devant la nationalisation de la Banque de France, « n'osant toucher à la fortune de la France ».

3.3. L'instruction laïque, obligatoire et gratuite

Dans le domaine de l'enseignement, la Commune agit avec vigueur. La commission de l'Enseignement, dirigée par Édouard Vaillant, met en place une œuvre essentiellement laïque, obligatoire et gratuite, liée à l'attitude anticléricale de la Commune (suppression du budget des cultes et séparation des Églises et de l'État, transformation en propriété nationale des biens de mainmorte appartenant aux congrégations). Les municipalités sont invitées à créer des écoles professionnelles pour des jeunes filles, amorçant une réforme de l'enseignement primaire et professionnel.

 

 

4. La réaction du gouvernement et l'écrasement de la Commune

4.1. Versaillais contre communards

Très vite, cependant, l'effort de la Commune est absorbé par la lutte contre les forces de Thiers. Regroupées du 10 au 25 mai au camp de Satory et renforcées de soldats et d'officiers de l'armée de Mac-Mahon libérés par les Allemands et dotés d'une bonne artillerie, celles-ci comptent 130 000 hommes.

Après plusieurs échecs militaires (le fort d'Issy a failli tomber aux mains des versaillais), la Commune décide de créer un Comité de salut public (1er mai, renouvelé le 9 mai). Elle est en état d'infériorité du fait de l'incompétence des délégués à la Guerre (→ Cluseret, Rossel, Delescluze), de l'indiscipline et de l'insuffisance des combattants : la Commune ne réussit à en mobilier qu'entre 20 000 et 30 000).

Les versaillais resserrent leur pression et s'emparent des forts de Vanves (13 mai) et d'Issy (8 mai) avant de pénétrer dans Paris par la porte de Saint-Cloud le 21 mai. Les troupes versaillaises gagnent le centre de la capitale, dont les rues se couvrent de barricades, défendues quartier par quartier, sous la direction d'un membre du Comité central, tandis que les Tuileries, l'Hôtel de Ville et la Cour des comptes sont la proie des flammes.

4.2. Une impitoyable répression

Aux massacres des Parisiens par les troupes de Thiers, les communards répondent en fusillant 52 otages, dont Monseigneur Darboy, archevêque de Paris. Le 27 mai, les derniers combats se déroulent au cimetière du Père-Lachaise, où 200 communards se sont retranchés. À court de munitions, ces derniers se défendent à l'arme blanche mais sont vaincus par les versaillais qui achèvent les blessés et fusillent les derniers survivants contre le mur de l'enceinte, devenu depuis le mur des Fédérés. On appellera la semaine du 21 au 28 mai la « semaine sanglante ». Les jours suivants, les cours martiales continuent à condamner à mort.

Du 3 avril au 31 mai, on estime entre 20 000 et 30 000 le nombre de Parisiens tués au combat ou exécutés (les versaillais ont perdu environ 1 millier d'hommes). Le gouvernement fait procéder à 40 000 arrestations environ, et les poursuites dureront jusqu'en 1874. Les 26 conseils de guerre prononceront 13 450 condamnations, dont 268 à mort (23 condamnés seront exécutés, dont Ferré et Rossel), les autres aux travaux forcés et à la déportation dans les bagnes de Nouvelle-Calédonie. Des milliers de vaincus doivent s'exiler. L'amnistie votée en 1880 ramènera en France les derniers survivants.

Si la dure répression qui s'est abattue sur les communards prive le mouvement ouvrier de ses chefs, l'influence de la Commune devait être considérable. Karl Marx en fit le symbole du soulèvement contre la bourgeoisie.

 

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Un autre texte plus politique

 

Le 18 mars 1871 marque le début de la Commune de Paris, révolution ouvrière et populaire, qui, pour la première fois dans l’histoire posera les bases d’un pouvoir prolétarien.

La Commune demeure ensevelie sous une chape de silence, bien qu’elle soit ou plutôt parce qu’elle est porteuse de valeurs, valeurs battues en brèche par les héritiers de ceux qui massacrèrent les Communards.

Une révolution ouvrière

L’insurrection communarde naît d’un sursaut patriotique contre la faillite, voire la trahison, des équipes dirigeantes durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, et d’un puissant réflexe républicain contre les périls d’une restauration monarchique. Comme le proclame le Journal officiel du 21 mars 1871, ” Les prolétaires de la capitale, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l’heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques. ” Cette révolte, réponse à la provocation de Thiers du 18 mars, se transforme en révolution ouvrière.

Ouvrière par la masse de ses combattants (84% des Communards arrêtés sont des travailleurs manuels), par le fort pourcentage d’ouvriers (environ 30%) au sein du Conseil général de la Commune, par la constante pression exercée du dehors, enfin par sa législation sociale. Mais cette classe ouvrière est fille de son temps, d’un capitalisme en pleine ascension, intermédiaire donc entre l’artisanat sans-culotte et le prolétariat d’usine, une classe ouvrière adolescente, mal structurée, se lançant ” à l’assaut du ciel “. Cette hétérogénéité, jointe à sa naissance spontanée du 18 mars, explique largement l’inexpérience, l’isolement, les rivalités paralysantes de la Commune, mais aussi sa diversité foisonnante (néo-jacobins, proudhoniens, néo-proudhoniens, blanquistes, bakounistes, marxistes, francs-maçons…), source d’un héritage pluriel.

La démocratie citoyenne

Au nom de la souveraineté populaire et dans le droit fil de la Constitution de 1793, la Commune engendre une vraie démocratie. Le Comité central de la Garde nationale, installé à l’Hôtel de Ville depuis la soirée du 18 mars, précise, dans son appel du 22 mars aux électeurs, sa conception de la démocratie : ” Les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables ” ; et, le 24 mars : ” Quand nous pourrons avoir les yeux partout où se traitent nos affaires, partout où se préparent nos destinées, alors, mais alors seulement, on ne pourra plus étrangler la République. “

Les élus de la Commune, révocables, corsetés par un mandat impératif, demeurent sous la férule d’un véritable ” ministère des masses ” : chambres syndicales, clubs, comités de femmes, presse maintiennent une forte pression, à laquelle convie le club Nicolas-des-Champs : ” Peuple, gouverne-toi toi-même par tes réunions publiques, par ta presse ; pèse sur ceux qui te représentent ; ils n’iront jamais trop loin dans la voie révolutionnaire. ” Lorsque les ouvriers boulangers, obtenant la suppression du travail de nuit, se rendent à l’Hôtel de Ville remercier la Commune, ils sont vertement tancés par le journal Le prolétaire : ” Le peuple n’a pas à remercier ses mandataires d’avoir fait leur devoir […] Car les délégués du peuple accomplissent un devoir et ne rendent pas de services. “

Donc une démocratie au sens étymologique du terme (démo = peuple ; kratos = pouvoir), le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, la démocratie la plus authentique qui ait jamais existé à travers l’histoire, une démocratie directe reposant sur une citoyenneté active, à l’échelle, il est vrai d’une ville et durant une soixantaine de jours. Mais quelle remise en cause de la délégation du pouvoir et de la bureaucratie !

Cette souveraineté populaire, pleinement assumée, s’inscrit fort bien dans la filiation de la Constitution de 1793, qui proclamait ” le droit à l’insurrection ” comme ” le plus sacré des droits et le plus imprescriptible des devoirs “.

Prémisses de l’autogestion

La démocratie s’étend à l’entreprise. L’atelier de réparation d’armes du Louvre se dote d’un règlement autogestionnaire : chaque atelier élit, pour quinze jours, au conseil de direction, un ouvrier chargé de transmettre les réclamations et d’informer ses camarades des décisions prises. Dans l’orbite des chambres syndicales ou de comités de l’Union des Femmes surgissent de nombreux ateliers coopératifs. Cette pratique inspire le décret du 16 avril, prévoyant la remise en marche par les ouvriers associés des ateliers que leurs patrons ont désertés.

Vers l’émancipation féminine

Constituant vital de cette démocratie directe, les femmes. Elles sont sur le devant de la scène depuis le 18 mars (Louise Michel à Montmartre). Jules Vallès, dans Le Vengeur du 12 avril 1871, décrit avec enthousiasme : ” J’ai vu trois révolutions, et, pour la première fois j’ai vu les femmes s’en mêler avec résolution, les femmes et les enfants. Il semble que cette révolution est précisément la leur et qu’en la défendant, ils défendent leur propre avenir. “

Est alors créé le premier mouvement féminin de masse, l’Union des Femmes, qu’animent Elisabeth Dmitrieff, aristocrate révolutionnaire russe de 20 ans, et Nathalie Le Mel, une bretonne de 45 ans, ouvrière relieuse.

Après des siècles de phallocratie, balayant son dernier avatar en date, le proudhonisme (adepte de la femme au foyer), dont plusieurs de ses membres pourtant se réclament, la Commune ouvre une brèche vers la libération des femmes. Les projets d’instruction pour les filles visent à affranchir les femmes des superstitions et de l’emprise de l’Eglise, considérée comme l’âme de la contre-révolution. Les femmes obtiennent à travail égal, salaire égal , et créent de nombreux ateliers autogérés. Dans quelques quartiers les élus appartenant à l’Internationale associent des femmes à la gestion municipale. En cette époque où règne, étouffant, ” l’ordre moral “, la Commune officialise l’union libre, conférant à la famille constituée hors mariage (concubins, enfants naturels) sa première reconnaissance légale. Enfin, la Commune bannit la prostitution considérée comme une forme de ” l’exploitation commerciale de créatures humaines par d’autres créatures humaines. “
Durant la Semaine sanglante, les femmes combattent sur les barricades, à l’image de Jeanne-Marie que glorifie Arthur Rimbaud, et de Louise, l’infirmière de la Fontaine-au-Roi, à qui J. B. Clément dédieLe Temps des Cerises.

Ce rôle pionnier des Communards suscite la haine des Versaillais, qui forgent le mythe des ” pétroleuses “. Et Alexandre Dumas fils, auteur de La Dame aux Camélias, ose écrire : ” Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour toutes les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes. “

Les étrangers

Dans notre monde gangrené par le racisme, la xénophobie, le nationalisme, la Commune incarne la devise que Marx avait inscrite au bas du Manifeste communiste de 1848 : ” Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! “

Nombreux sont les étrangers qui participent à la Commune : les travailleurs immigrés, nombreux, surtout Belges et Luxembourgeois, les Garibaldiens et les révolutionnaires qui cherchaient asile dans le pays incarnant les Droits de l’homme. Fait unique dans l’histoire mondiale, plusieurs étrangers occupent une place dirigeante. Un juif hongrois, ouvrier bijoutier, Léo Frankel, siège au Conseil général de la Commune. La commission des élections, le 30 mars 1871, valide ainsi son élection : “ Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent […], la commission est d’avis que les étrangers peuvent être admis, et vous propose l’admission du citoyen Frankel.. ” Léo Frankel est promu ministre du Travail et inspire toute l’œuvre sociale de la Commune. Des généraux polonais, Dombrowski et Wrobleski, assument des commandements militaires. Elisabeth Dmitrieff dirige l’Union des Femmes.

En retour, la Commune est entourée, durant son existence et après sa défaite, de la solidarité agissante du mouvement ouvrier international.

Une œuvre très novatrice

Bien que bornée par le temps et absorbée par les impératifs militaires, l’œuvre de la Commune est d’une richesse foisonnante.

La Commune entend réaliser l’aspiration du mouvement ouvrier français du XIXe siècle : ” l’émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes “. Fidèle à la Constitution de 1793, qui assignait à la société politique l’objectif d’établir ” le bonheur commun “, la Commune se veut ” la Sociale “. Répondant aux aspirations populaires, elle abolit le travail de nuit, interdit les amendes et retenues sur les salaires, combat le chômage, interdit l’expulsion des locataires (par ailleurs exonérés des termes encore dus), exerce un droit de réquisition sur les logements vacants.

L’armée est remplacée par la Garde nationale, c’est-à-dire le peuple en armes, élisant ses officiers et sous-officiers.

La Commune établit la gratuité de la justice, la liberté de la défense, supprime le serment politique des fonctionnaires et magistrats, eux aussi élus et révocables.

Les Églises séparées de l’Etat, la Commune instaure l’école laïque, gratuite et obligatoire, crée un enseignement professionnel, y compris pour les filles, et entame une réforme de l’enseignement. Pour en débattre démocratiquement, se réunissent dans plusieurs écoles instituteurs, parents d’élèves et membres de la Société pour l’Education nouvelle (soucieuse de rénover l’enseignement).

La Commune est aussi pionnière de l’éducation populaire. Elle instaure des cours publics, que Louise Michel évoquera avec enthousiasme : ” Partout les cours étaient ouverts, répondant à l’ardeur de la jeunesse. On y voulait tout à la fois, arts, sciences, littérature, découvertes, la vie flamboyait. On avait hâte de s’échapper du vieux monde. ” La Commune rouvre bibliothèques, musées, théâtres. Les concerts donnés aux Tuileries sont très prisés. Dans cet épanouissement de la culture populaire, un rôle important est dévolu à la Fédération des Artistes (avec Courbet, Daumier, Manet, Dalou, Pottier…), qui place en tête de son programme ” la libre expansion de l’art, dégagé de toute tutelle gouvernementale et de tous privilèges “.

Tout, certes, n’est point réalisé. Mais que d’anticipations !

La Commune n’est pas morte !

La répression est féroce, à la mesure de la peur et de la haine des classes dirigeantes : 25 000 à 30 000 massacrés (dont femmes et enfants), 36 000 prisonniers, 4586 déportés en Nouvelle-Calédonie.

Et pourtant, comme le chante Eugène Pottier,

“ Tout ça n’empêch’pas, Nicolas,
qu’la Commune n’est pas morte “

Victor Hugo exprime la même pensée : ” Le cadavre est à terre, mais l’idée est debout. “

Dans le court terme, le spectre de la Commune hante les ” réalistes ” (tel le Versaillais en chef, Thiers) et, par là, contribue à faire échouer les tentatives de restauration monarchique. Comme le prévoyait Jules Vallès : ” Avec nos fusils d’insurgés, nous avons calé la République. ” Sans parler des futures réalisations de la IIIe République, en premier lieu, la laïcité de l’école, longtemps propre à la France.

Mais surtout, comme la Révolution française, la Commune constitue un événement fondateur. Elle inspire le mouvement ouvrier international, de la Commune de Carthagène en 1873 à la Révolution russe de 1917, à la Révolution spartakiste, à la Commune de Canton de 1927 et à la révolte du Chiapas aujourd’hui. Elle marque en profondeur tout le mouvement ouvrier français de la fin du XIXe et du XXe siècle, élément de ses spécificités. Elle hante encore la genèse du Front populaire, la Résistance et mai 1968, nos combats d’aujourd’hui et demain.

L’œuvre de la Commune demeure d’une extraordinaire actualité parce que, viscéralement démocratique, elle a su, dans les termes de son époque, poser et essayer de résoudre des problèmes qui nous tenaillent toujours. Certes, à temps nouveaux, solutions neuves. Si jamais l’histoire ne se répète, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.

Dans notre univers inégalitaire, inhumain, dominé par le pouvoir de l’argent, prônant le culte de la réussite individuelle, et où le ventre de la ” bête immonde ” engendre toujours racisme, xénophobie, fanatisme, redonnons chair et vie au triptyque gravé de façon très formaliste au fronton de nos édifices publics : Liberté, Égalité, Fraternité.

L’association des Amis de la Commune de Paris, héritière de La Fraternelle créée par les Communards à leur retour d’exil, a pour but de faire fleurir son héritage, si fécond pour nos combats d’aujourd’hui et de demain.

 

 



19/03/2015
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