Que c'est beau, que c'est émouvant, on dirait du Zola, du Hugo... Ces braves français qui découvrent qui sont les gens qui sont vraiment important pour eux, infirmières, aides soignants, médecins, balayeurs, éboueurs, chauffeurs poids lourds, la liste est longue, celle de tous les boulots mal payés de ce pays, mal considérés, tous ces gens transparents auxquels on n’accorde pas le moindre regard au mieux, qu'on brutalise et insulte au pire, tous ces gens qui se trouvent systématiquement seuls quand ils manifestent et essaient de défendre des revendications légitimes, seuls quand s'abat la violence de cet état policier, seuls dans les galères du quotidien.

Que c'est beau, que c'est émouvant, ces chants aux fenêtres, ce affichettes partagées sur les réseaux sociaux pour exprimer le soutien de la nation française à ceux qui chaque matin se rendent au travail la peur au ventre, qui font face à des patrons voyous qui les mettent en danger sans le moindre scrupule, qui se voient refouler des aires d'autoroute, qui travaillent sans un minimum de protection, qui récoltent au petit matin toutes les saloperies dont se sont débarrassés leurs aimables soutiens.

Que c'est beau, que c'est émouvant cette prise de conscience tardive qui ne saurait faire oublier leur absence quand il s'agissait de les soutenir pendant les manifestations depuis plus d'un an.

Qu'ils sont beaux ces français qui ont toujours une bonne raison de ne pas intervenir, de ne pas descendre dans la rue, d'attendre patiemment que d'autres refassent le monde à leur place !

Qu'ils sont pitoyables et pathétiques tous ces gens absents des luttes sociales et qui veulent se redonner un semblant de dignité en tapant des mains le soir à vingt heures.

Présent dans tellement de combats, je me sens légitime pour leur demander ce qu'ils prévoient dans un avenir proche, quand il va s'agir de reconstruire ce monde mis à mal par le virus mais surtout rendu au préalable tellement vulnérable par leur inaction et leur manque d'implication dans la vie sociale de ce pays.

Que vont-ils faire dans les jours à venir quand il faudra affronter le nouveau monde que le néolibéralisme va tenter de nous imposer à la sortie de la crise sanitaire ?

Que vont-ils faire pour combattre les lois scélérates imposées par notre gouvernement en profitant du choc provoqué par l'épidémie et qu'ils s’ingénieront à prolonger pour imposer leur loi ?

Que vont-il faire pour renverser ce qu'on nous a présenté comme une fatalité : la casse des services publics, la privatisation de tout ce qui fonctionnait bien et nous protégeait ?

Que vont-ils faire face à ce qui pourrait être un tournant dans notre histoire, ce moment où un peuple a l'opportunité de se révolter, de reprendre son destin en main, de balayer tout ce qui nous opprime ?

Que vont-ils faire donc, quand il s'agira de ne plus seulement chanter et allumer des bougies mais de prendre la rue et de lutter pour que ce monde change, mais qu'il change à notre profit pas à celui des multinationales. !