Gilets jaunes: Comment dire la misère
Vue hier pendant la manifestation, cette mamie fière et souriante qui tricote des écharpes et des bonnets pour les vendre et pouvoir dit-elle ainsi payer son loyer. Elle a dépassé les 80 ans, elle porte un gilet jaune.
Monique est retraitée. À 65 ans, avec sa pension de 727 euros, elle vit dans une précarité qu'elle n'imaginait pas. Elle nous explique en longueur pourquoi elle va défiler dans les rues de Dijon jeudi 31 janvier pour défendre son pouvoir d'achat.
Elle lâche: "je n'ai pas mangé depuis deux jours mais je n'en ai rien dit à mes enfants."
-----------------------------------------------------
evant ces faits, il y a de la tristesse, infinie, ces petites vies suspendues à un fil, sans espoir, sans perspective, douloureuses, pudiques à l'excès. Ces français qui s'excusent presque d'avouer qu'ils ne parviennent pas à vivre, même modestement.
On se sent démuni, impuissant, on fouille au fond de son âme, de son cœur, on cherche désespérément des mots pour tenter d'adoucir les souffrances, la misère. Mais voila, on n'a ni le talent de Hugo, ni la verve de Jaurès. Dans ce monde vidé d'intelligence, sans ces voix immenses et dignes qui jadis ont accompagné les grandes révoltes, dans ce monde sans conscience d'où toute compassion a disparu, on voudrait pouvoir adoucir la vie de ces deux dames ainsi que de tous les humains que le système accable, brutalise et détruit.
Les seules voix aujourd'hui audibles passent en boucle sur les médias audiovisuels préoccupées uniquement par leur propre publicité: parlent pour ne rien dire ou ne dire que ce qui plait aux maîtres!
Ces deux dames sont un symbole douloureux, celui de la fracture cruelle et définitive entre deux mondes. Le monde des conformes, des supports, des complices, des nantis et celui des sans espoir, des pauvres, des abandonnés, des victimes du système.
Un symbole vous dis-je: celui d'une humanité déshumanisée, écartée, exploitée, appauvrie, délaissée, méprisée, avilie, condamnée à disparaitre.
Un symbole tragique qui provoque les larmes de ceux qui gardent encore en eux la petite étincelle de compassion qui les aide à ne pas abandonner eux aussi.
Un symbole qui va bien au-delà de l'existence et des méfaits de ce roitelet de pacotille qui nous tient lieu de président. Certes, c'est aujourd'hui et ici, mais il faut voir en elles toute la nuisance de cette minorité possédante qui sur la planète entière a confisqué à son seul profit toute la richesse créée, tous les fruits du travail de tant d'humains exploités et très souvent réduits à l'esclavage.
Un symbole, l'image et la voix de ceux qui souffrent et courbent le dos, réfugiés dans un silence mortel.
Mais également témoins de ce que l'on voudrait voir comme un réveil, une prise de parole, l'expression du refus d'être ainsi réduits à quantité négligeable. L'image et la voix des "riens" tant méprisés par l'usurpateur président de ce pays. L'image et la voix de ces gens rencontrés qui cessent d'être transparents et inaudibles et sont sur le chemin de la reconquête. Reconquête de leur vie, de leurs droits, de leur citoyenneté, de leur dignité.
Dignité de ces deux dames mais aussi de tous ceux qui depuis 12 semaines répètent inlassablement "ça suffit, nous existons, nous voulons prendre notre destin en main. Nous sommes le peuple, nous ne voulons pas le pouvoir, nous sommes le pouvoir".
C'est deux dames jusqu'alors invisibles et silencieuses sont à l'image du peuple de France dans sa grande majorité.
Espérons juste que tous ces gens qui se sont levés, parfois punis dans leur chair de tant d'audace, ne renonceront plus jamais, ne se tairont plus jamais et auront définitivement cessé de confier à des indélicats corrompus la gestion de ce qui les touche en priorité. Leur vie!
La vie, c'est notre vie, elle n'appartient qu'à nous, il n'est que nous qui soyons légitimes pour en décider!