Covid-19: L'évasion immunitaire signifie que nous avons besoin d'un nouveau contrat social COVID-19
Traduction d'un article publié par des membres du conseil scientifique dans The Lancet. Mérite la lecture.
Un doute sur la traduction de "immune evasion" par évasion immunitaire. Si un spécialiste a une idée, je suis preneur!
Les avantages collectifs de l'immunité des populations sont devenus semblables à un mantra dans les stratégies de vaccination de masse, répété par les gouvernements et les chercheurs. Toutefois, la place prépondérante de l'immunité collective, présentée comme une solution à la pandémie, pourrait être sur le point de changer avec l'émergence de l'évasion immunitaire, un changement de jeu virologique aussi important que l'arrivée des variants du CoV-2 du SRAS. La lutte contre l'évasion immunitaire nécessitera une réévaluation des stratégies de santé publique et la création d'un nouveau contrat social fondé sur des preuves.
Des études suggèrent que l'émergence et la propagation des variants du CoV-2 du SRAS sont corrélées avec l'absence de protection immunitaire solide après une première exposition à des virus antérieurs (de type sauvage), ou même à un vaccin.
Cette évolution, associée à l'émergence de mutants d'échappement immunitaire, n'a pas seulement été observée avec le CoV-2 du SRAS, mais aussi avec d'autres virus.
Cette évolution pourrait être favorisée par l'affaiblissement de la réponse immunitaire et notamment de la réponse des anticorps. L'arrivée rapide de variants du CoV-2 du SRAS, telles que les variants identifiées pour la première fois en Afrique du Sud et au Brésil, suggère une évasion immunitaire dite naturelle.
En outre, la dynamique de l'immunité collective naturelle ou vaccinale dans les régions où ces variants sont apparus pourrait avoir exercé une pression importante sur l'écosystème viral, facilitant l'émergence d'un variant à transmissibilité accrue.
En cas d'évasion immunitaire importante, il est probable que les vaccins actuels offrent encore certains avantages aux individus. Au niveau de la population, cependant, ils pourraient induire une sélection virale et une évasion, rendant la perspective d'obtenir une immunité de masse de plus en plus éloignée.
Ce changement de jeu virologique a de nombreuses conséquences, non seulement pour les vaccins et les traitements, mais aussi pour les stratégies de prévention et de contrôle. La fin tant attendue de cette crise sanitaire mondiale pourrait être sans cesse repoussée, à mesure que de nouveaux variants apparaissent et que l'évasion immunitaire réduit l'efficacité de la vaccination à court et moyen terme.
Il est donc temps d'abandonner les approches fondées sur la peur, qui reposent sur un confinement généralisé, apparemment aléatoire, de type stop-start, comme principale réponse à la pandémie ; des approches qui demandent aux citoyens qu'ils attendent patiemment que les unités de soins intensifs soient renforcées, qu'une vaccination complète soit réalisée et qu'une immunité collective soit atteinte.
Jusqu'à présent, les populations ont été relativement complaisantes, mais leurs doutes et leur méfiance sont visibles dans les mouvements de protestation dans plusieurs pays. L'impact de l'enfermement général sur des économies entières a été dévastateur, et le pire reste à venir en ce qui concerne les niveaux de chômage et de dette nationale.
Les conséquences sociales et sanitaires (y compris la santé mentale) sont également colossales, en particulier pour les jeunes générations, bien qu'elles soient peu exposées au risque de morbidité et de mortalité lié à l'infection par le CoV-2 du SRAS.
Pour garantir au mieux le succès de la vaccination de masse - quel que soit l'impact escompté sur la transmission - et pour ralentir l'émergence de nouveaux variants, tout en évitant le confinement général, les gouvernements doivent intégrer et appliquer les mesures disponibles d'une manière beaucoup plus ciblée sur les différents groupes générationnels. Les différents groupes d'âge ne sont pas touchés de la même manière par le virus ; de mars à juin 2020, 96 % des décès supplémentaires liés à la COVID-19 en Europe sont survenus chez des patients âgés de plus de 70 ans.
Il est essentiel que la nouvelle approche soit fondée sur un contrat social clair et transparent, ancré dans les données disponibles et appliqué avec précision à l'ensemble des générations visées. En vertu de ce contrat social, les jeunes générations pourraient accepter la contrainte de mesures de prévention (par exemple, masques, éloignement physique) à condition que les groupes plus âgés et plus vulnérables adoptent non seulement ces mesures, mais aussi des mesures plus spécifiques (par exemple, auto-isolement volontaire selon des critères de vulnérabilité) pour réduire leur risque d'infection. Les mesures visant à encourager l'adhésion des groupes vulnérables à des mesures spécifiques doivent être promues de manière cohérente et appliquées de manière équitable. La mise en œuvre d'une telle approche doit se faire de manière sensible et en conjonction avec le déploiement de la vaccination auprès des différentes cibles de la population, y compris toutes les générations de la société.
Il n'est plus possible d'utiliser le confinement général stop-start comme principale réponse à la pandémie de COVID-19. Bien qu'il soit attrayant pour de nombreux scientifiques et qu'il constitue une mesure par défaut pour les dirigeants politiques qui craignent d'être tenus pour légalement responsables de la lenteur ou de l'indécision des réponses nationales, son utilisation doit être revue, mais uniquement en dernier recours.
Nous, scientifiques qui travaillons contre COVID-19, devons avoir le courage de nous adresser à ceux qui sont au pouvoir, qui portent la responsabilité ultime des politiques choisies et de leurs conséquences. Si cette responsabilité est éludée ou retardée, le jour inévitable du jugement pourrait être terrible.
Nous sommes membres du Conseil scientifique français de COVID-19.