Covid-19: chronologie d’une débâcle française
Ce très bon article publié par Médiapart et laissé en accès libre, je le reprends ici, non pas pour voler le travail du média ni m'approprier une quelconque gloire, mais je pense ainsi le sauvegarder au cas où il viendrait à ne plus être disponible pur mille raisons! Si on me demandait de le retirer, je le ferais...
Surtout, ne vous privez pas de vous rendre sur le site qui offre des photos et des vidéos que je ne reprends pas ici.
Janvier-avril 2020. Comment le pouvoir français apprend-il l’émergence d’une épidémie devenue pandémie ? Et comment a-t-il réagi, englouti qu’il était dans la réforme des retraites et les municipales ? Comment s’est-il préparé ? Éléments de réponse avec cette chronologie détaillée.
C’était le 30 janvier, il y a moins de trois mois. Autant dire un autre temps, comme effacé par la violence de la pandémie de Covid-19. Ce jour-là, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), déjà critiquée pour sa lenteur et sa complaisance envers le régime chinois, décidait de déclarer « l’urgence de santé publique de portée internationale ». Par ce mécanisme d’alerte, l’OMS demande à tous les pays de se préparer en urgence à une possible pandémie.
Ce même 30 janvier, le pouvoir exécutif français est tout entier concentré sur la bataille parlementaire qui s’engage sur le projet de réforme des retraites (voir ici la page d’accueil de Mediapart du 30/01). Macron et Philippe font face depuis deux mois à une mobilisation sociale inédite et à un rejet massif de cette réforme. Président et premier ministre n’entendent rien céder et consacrent même à cette réforme la quasi-totalité de leur agenda, Édouard Philippe se préparant à rajouter à cette charge sa propre campagne municipale au Havre.
Le procès en impréparation du pouvoir, où se mêlent désinvolture, ignorance, incompétence et dédain, est déjà largement engagé et ne manquera pas de se poursuivre. Il devra être solidement documenté. Les enquêtes, les reportages, les entretiens de Mediapart et l’ensemble de notre couverture permettent déjà à nos lecteurs de se forger une opinion. Mais l’événement inouï que nous vivons risque de nous faire oublier ce que furent les premiers mois de cette crise historique. À sa façon, cette chronologie, forcément incomplète, s’efforce de fournir à nos lecteurs des dates, des faits et des citations incontestables.
En Chine, l’épidémie commence
17 novembre 2019. Premier cas détecté en Chine, à Wuhan, d’une personne infectée par un virus inconnu. Ce cas et les suivants seront cachés par les autorités locales et régionales, comme l’ont établi plusieurs enquêtes, dont celle du South China Morning Post fondée sur des fuites de documents officiels, et celle du New York Times.
Fin décembre 2019. 266 cas d’infection auraient été détectés par les médecins de Wuhan et de sa région, selon le South China Morning Post.
31 décembre 2019. La Chine se décide à informer l’OMS de cas de pneumonie graves et d’origine inconnue à Wuhan, ville de 11 millions d’habitants.
Premier à réagir, le gouvernement de Taïwan impose ce jour-là des contrôles sanitaires à bord des avions en provenance de Wuhan, sans doute informé de la réalité de l’épidémie en Chine par des membres de la très nombreuse diaspora. Taïwan interroge l’OMS sur la possible transmission d’humain à humain. L’OMS ne répondra que trois semaines plus tard, la Chine ayant tu des informations décisives durant plusieurs semaines.
7 janvier 2020. Le virus est séquencé, sa carte d’identité est établie. Il s’agit d’un coronavirus. Baptisé 2019-nCoV puis SARS-CoV-2, le coronavirus provoque la maladie Covid-19.
9 janvier. Premier mort confirmé à Wuhan, puis un deuxième le 14 janvier.
11 janvier. Agnès Buzyn assurera, dans Le Monde du 17 mars, avoir « envoyé un message » à Emmanuel Macron ce jour-là. Sans préciser comment, par quelle procédure et avec réponse ou non.
12 janvier. La Chine partage la séquence génétique du virus.
17 janvier. Protocole de test diagnostique publié par l’OMS et réalisé en Allemagne.
En France, la ministre parle d’un risque « faible »
21 janvier. La ministre de la santé Agnès Buzyn, lors d’un point de presse, juge que « le risque d’introduction en France est faible mais ne peut pas être exclu, d’autant qu’il y a des lignes aériennes directes avec Wuhan ». Elle ajoute : « Notre système de santé est bien préparé, professionnels et établissements de santé ont été informés. »
22 janvier. Réunion du Comité d’urgence de l’OMS. Le comité reconnaît qu’il est divisé sur le fait de déclarer dès ce jour une « urgence de santé publique internationale » mais il s’accorde à reconnaître « l’urgence de la situation ».
Confinement de la ville de Wuhan, 11 millions d’habitants. Il y a alors environ 600 cas officiellement recensés. Le port du masque devient obligatoire.
Selon le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, auditionné par le Sénat le 26 février, ce 22 janvier, « le centre opérationnel de régulation et de réception des urgences a été placé en vigilance renforcée. Nous avons constitué un centre de crise sanitaire le 27 janvier ».
23 janvier. Nouvelle réunion du comité d’urgence de l’OMS. « Il existe une transmission interhumaine du virus » et « sur les cas confirmés, 25 % sont signalés comme étant sévères ». « Des cas infectés en Chine ont été exportés aux États-Unis, en Thaïlande, au Japon et en République de Corée. On s’attend à ce que d’autres cas soient exportés vers d’autres pays et que la transmission se poursuive. »
24 janvier. Trois premiers cas sont recensés en France. Ce sont les premiers en Europe. Il s’agit d’un Français d’origine chinoise et de deux touristes chinois ayant séjourné à Wuhan, foyer d’origine du virus. La France n’avait jusqu’alors pas mis en place de mesures particulières aux frontières pour les passagers venant de Chine. C’est le 23 janvier que les liaisons aériennes Paris-Wuhan sont suspendues.
La ministre de la santé Agnès Buzyn : « Le risque d’importation depuis Wuhan était modéré. Il est maintenant pratiquement nul, puisque la ville, vous le savez, est isolée. Les risques de propagation dans la population [française] sont très faibles. »
25 janvier. Xi Jinping déclare que la situation est « grave » et que l’épidémie s’accélère. La région entière de Hubei, soit près de 60 millions d’habitants, est placée en quarantaine. 1 350 cas, dont 1 320 en Chine, sont alors signalés dans le monde.
Le mensonge sur les masques
26 janvier. La ministre de la santé Agnès Buzyn rassure sur le stock de masques : « Nous avons des dizaines de millions de masques en stock en cas d’épidémie, ce sont des choses qui sont d’ores et déjà programmées. Si un jour nous devions proposer à telle ou telle population ou personne à risque de porter des masques, les autorités sanitaires distribueraient ces masques aux personnes qui en auront besoin. »
La Chine annonce que des malades asymptomatiques peuvent transmettre le virus.
28 janvier. L’Union européenne active son dispositif de crise, qui vise principalement à partager les informations entre États membres.
29 janvier. « Je ne comprends pas : pourquoi n’ont-ils pas encore déclenché le plan pandémie ? On perd un temps précieux ! » « Les risques de contagion sont très élevés et ce virus semble très problématique, on devrait donc appliquer tout de suite en France les premiers échelons du plan. » C’est ce que confie Louis Gautier, ancien secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDN), à L’Obs.
30 janvier. L’OMS déclare « l’urgence de santé publique de portée internationale » (USPPI). « Cette déclaration n’est pas due à ce qui se passe en Chine, mais à ce qui se passe dans les autres pays, commente le directeur général de l’OMS. Notre plus grande préoccupation est la possibilité que le virus se propage dans des pays dont les systèmes de santé sont plus faibles. » Mais L’OMS « s’oppose à toute restriction aux voyages ».
L’Italie suspend ses vols avec la Chine.
Agnès Buzyn assurera, dans Le Monde du 17 mars, avoir dit ce jour-là à Édouard Philippe que les élections municipales ne pourraient sans doute pas se tenir.
Ce même 30 janvier, la Direction générale de la santé (DGS) demande à l’agence Santé publique France d’acquérir « dès que possible » 1,1 million de masques FFP2. Le 7 février, nouvelle demande de la DGS à SPF. Il s’agit cette fois d’acquérir 28,4 millions de FFP2, à travers « une procédure accélérée d’achat ». Au 12 février, sur ces 28,4 millions de masques, SPF n’en a reçu que 500 000 et en a commandé 250 000 autres, pas encore livrés. Deux semaines plus tard, le besoin de masques pour les seuls personnels soignants sera de 40 millions par semaine…
Un membre de la cellule de crise au ministère de la santé l’explique ainsi à Mediapart : « Dès le départ, on savait que ce serait une gestion de crise liée à la pénurie – de masques, de tests, de respirateurs, de lits de réanimation. À partir de là, vous pouvez anticiper, faire un tas de choses bien – et on en a fait –, vous avez perdu la guerre d'entrée. »
31 janvier. Marie Fontanel quitte son poste à l’Élysée de conseillère solidarités et santé d’Emmanuel Macron pour s’installer à Strasbourg, où son époux est le candidat LREM à l’élection municipale. Elle ne sera remplacée que le 1er mars.
Rapatriement par avion des premiers Français présents à Wuhan, avec équipe médicale à bord et organisation de mises en quatorzaine.
Le comité d’urgence de l’OMS demande aux États de mettre en place des « mesures fortes pour détecter la maladie à un stade précoce, isoler et traiter les cas, retracer les contacts et promouvoir des mesures de distanciation sociale proportionnelles au risque. » La France est alors en mesure de procéder à seulement quelques centaines de tests par jour.
1er février. 25 pays de l’espace Schengen, soit tous sauf la France, suspendent les visas avec la Chine.
3 février. Dans le document « Préparation stratégique et plan de réponse », l’OMS écrit : « Tous les pays sont exposés au risque et doivent se préparer. » L’OMS rappelle la nécessité de gérer l’approvisionnement et les chaînes logistiques, entre autres de matériels médicaux. Le plan est ici.
6 février. Li Wenliang, l’un des premiers médecins chinois à avoir alerté, meurt dans un hôpital de Wuhan. Le 30 décembre 2019, il prévenait ses collègues sur les dangers de ce nouveau virus. Le lendemain, il était arrêté par la police et sommé de s’excuser.
Quatre-vingt médecins-chefs hospitaliers de Seine-Saint-Denis annoncent leur démission, estimant « ne plus vouloir être complices de la gestion de la misère ». Ils sont désormais plus de 600 médecins hospitaliers français à renoncer à leurs fonctions administratives et d’encadrement.
8 février. Cinq nouveaux cas d’infection sont détectés dans un chalet des Contamines-Montjoie (Haute-Savoie). « Le cas initial nous a été signalé hier soir. Il s’agit d’un ressortissant britannique de retour de Singapour où il avait séjourné du 20 au 23 janvier », explique Agnès Buzyn. « L’ensemble des cas positifs et les contacts de ce ressortissant britannique, tous de nationalité britannique, ont été hospitalisés cette nuit dans trois hôpitaux à Lyon, Saint-Étienne et Grenoble », a précisé la ministre. Les autorités retracent les contacts étroits de ces personnes.
9 février. L’épidémie a désormais fait 811 morts en Chine, devenant ainsi plus meurtrière que celle de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) : 774 morts en 2002-2003.
12 février. L’Académie nationale française de pharmacie sonne l’alarme et rappelle que 80 % des principes actifs pharmaceutiques utilisés en Europe sont fabriqués hors de l’espace économique européen – dont une grande partie en Asie. « La preuve est faite une nouvelle fois que, du fait de la multiplicité des maillons de la chaîne de production, il suffit d’une catastrophe naturelle ou sanitaire, d’un événement géopolitique, d’un accident industriel, pour entraîner des ruptures d’approvisionnement pouvant conduire à priver les patients de leurs traitements, assurent les académiciens. Il faut relocaliser la production de nos matières premières pharmaceutiques. »
L’Académie avait été la première (juin 2011) à lancer l’alerte sur les ruptures possibles d’approvisionnement en médicaments, alertes réitérées en mars 2013 et en juin 2018.
14 février. Hospitalisé en France depuis fin janvier, un touriste chinois de 80 ans meurt à l’hôpital Bichat. Ce décès est le « premier hors d’Asie, le premier en Europe », souligne la ministre Agnès Buzyn. Seuls trois morts avaient jusqu’ici été recensés hors de Chine continentale : aux Philippines, à Hong Kong et au Japon.
16 février. Agnès Buzyn démissionne du ministère de la santé pour prendre la tête de liste de la campagne municipale LREM à Paris. « Je veux être maire de Paris », dit-elle. Elle est remplacée par Olivier Véran.
17 février. Début du rassemblement évangélique de l’Église Porte ouverte chrétienne à Mulhouse, qui a réuni de 2 000 à 2 500 personnes jusqu’au 21 février. Un millier de personnes au moins sont contaminées. Cette manifestation joue un rôle majeur dans la propagation du virus en France après le retour des fidèles à leur domicile et provoque la catastrophe dans le département du Haut-Rhin, puis dans le Grand Est.
18 février. Olivier Véran sur France Inter : « La France est prête car nous avons un système de santé extrêmement solide. »
21 février. Premières mesures de confinements en Italie.
22 février. Le directeur général de l’OMS avertit que « la fenêtre d’opportunité pour contenir l’épidémie se rétrécit ». En clair, il est plus qu’urgent d’agir.
25 février. Premier décès d’un non-touriste étranger en France. C’est un enseignant de Crépy-en-Valois et conseiller municipal de Vaumoise, dans l’Oise.
26 février. Jérôme Salomon, directeur général de la santé, est auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat.
Sur les tests, il répond : « Les tests ont été disponibles très rapidement grâce à l’Institut Pasteur. Plus de 1 000 tests ont été réalisés […]. Il faut freiner la diffusion en isolant les malades. »
Sur les masques : « Nous avons débloqué les stocks stratégiques et passé en urgence une commande de masques protecteurs à destination des professionnels de santé. Santé publique France détient des stocks stratégiques importants de masques chirurgicaux. Nous n’avons pas d’inquiétude sur ce plan. Il n’y a donc pas de pénurie à redouter, ce n’est pas un sujet. »
Le match Lyon-Turin est maintenu avec 3 000 supporters venus d’Italie, où les cas d’infections se comptent par centaines. Selon le gouvernement, la situation sanitaire ne nécessitait pas un report du match.
27 février. À nouveau interrogé sur les pénuries de masques, de tests et de gel, Olivier Véran fait une réponse générale : « Nous sommes depuis semaines dans l’anticipation. Nous avons et nous garderons un temps d’avance. »
Emmanuel Macron se rend à l’hôpital parisien de La Pitié-Salpêtrière. Éric Caumes, chef du service maladies infectieuses le prévient : il va y avoir « une situation à l’italienne » car « le virus circule parmi nous » et « probablement qu’il se transmet beaucoup mieux que ce qu’on pensait ».
L’OMS alerte, les Macron vont au théâtre
28 février. Nouveau rapport de l’OMS qui renouvelle l’alarme internationale. L’organisation appelle les États à agir vite et insiste : il faut « adopter une approche englobant l’ensemble du gouvernement et l’ensemble de la société. Ce n’est pas un travail pour le seul ministère de la santé ».
Sa mission d’observation en Chine publie son rapport sur la réponse chinoise à l’épidémie. Elle estime que la plupart des pays ne sont pas prêts, « ni mentalement, ni sur le plan matériel » à mettre en œuvre des mesures similaires à celles prises en Chine, « qui sont pourtant les seules à avoir fait leurs preuves pour interrompre ou minimiser » l’épidémie.
29 février. Réunion d’un conseil des ministres exceptionnel consacré à la crise du Covid-19. Il en est retenu la réforme des retraites avec la décision de recourir au 49-3 pour faire passer sans vote le projet de loi en examen à l’Assemblée nationale.
2 mars. Le directeur de l’OMS : « Avec des mesures précoces et agressives, les pays peuvent arrêter la transmission et sauver des vies. »
4 mars. L’Italie compte 3 100 cas d’infections et décide de la fermeture des écoles.
Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, sur France Inter : « On ne fermera pas toutes les écoles de France. » Elle ajoute : « Si nous basculons dans le stade 3, à savoir une épidémie qui circule dans tout le territoire, on ne va pas arrêter la vie de la France. » Le pays compte alors plus de 200 cas identifiés de Covid-19.
6 mars. Emmanuel Macron et son épouse se montrent au théâtre. « Si on prend des mesures qui sont très contraignantes, ce n’est pas tenable dans la durée. » Le président appelle à ne « pas se départir de bon sens » et plaide pour des mesures « proportionnées ». « La vie continue. Il n’y a aucune raison, mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de sortie. » La pièce Par le bout du nez met en scène un psychiatre et un président de la République victime de démangeaisons du nez juste avant son discours d’investiture.
Le même jour, les pharmacies reçoivent l’autorisation de fabriquer du gel hydroalcoolique, la pénurie se généralisant. Plusieurs alertes avaient été lancées dès le début février.
7 mars. Plus de 100 000 cas de Covid-19 sont enregistrés dans le monde, selon l’OMS.
8 mars. Le président du Conseil italien Giuseppe Conte place en quarantaine les régions italiennes les plus touchées, avant d’étendre le lendemain le confinement à l’ensemble du pays, qui compte alors 9 172 cas et 463 morts. Le lendemain, c’est la fermeture des commerces non essentiels.
9 mars. Rassemblements de plus de 1 000 personnes interdits en France.
10 mars. Création d’un conseil scientifique chargé de conseiller le président de la République. Sa composition officialisée le lendemain, selon des procédures de nomination inconnues, donnera vite lieu à des critiques. Les risques de conflits d’intérêts, au vu des liens de certains de ses membres avec l’industrie pharmaceutique, sont pointés. D’autres rappellent que la mission du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) est justement de conseiller et d’éclairer les choix de l’exécutif. Quelques jours plus tard, le HCSP fait un communiqué rappelant que c’est sa mission.
Tous les pays de l’Union européenne sont désormais touchés par le Covid-19.
La pandémie est déclarée ; en France, les écoles ferment, les élections ont lieu
Le 11 mars. L’OMS déclare officiellement l’état de pandémie. « Nous sommes très inquiets par les niveaux de diffusion et de dangerosité, ainsi que par les niveaux alarmants de l’inaction de la communauté internationale », indique son directeur général.
Olivier Véran : « Les enfants ne constituent pas un public fragile, il ne faut donc pas avoir peur de les envoyer à l’école. » Le ministre de la santé annonce également l’interdiction de toutes les visites dans les Ehpad.
12 mars. Le matin, déclaration du ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer : « Nous n’avons jamais envisagé la fermeture totale des écoles. » Le soir, intervention du président de la République qui annonce la fermeture des écoles, collèges, lycées et universités.
Emmanuel Macron annonce également le maintien du premier tour de l’élection municipale : les scientifiques « considèrent que rien ne s’oppose à ce que les Français, même les plus vulnérables, se rendent aux urnes », assure-t-il, ce qui n’est pas ce que dit l’avis du conseil scientifique du 12 mars, qui précise que « cette décision éminemment politique ne pouvait lui incomber ». Le mot-dièse #JeNIraiPasVoter a déjà envahi les réseaux sociaux.
14 mars. Intervention du premier ministre Édouard Philippe qui annonce la fermeture de tous les lieux de regroupements non indispensables (cafés, restaurants, cinémas, discothèques…). Les magasins alimentaires, pharmacies, banques, bureaux de tabac, stations-essence restent ouverts.
15 mars. Premier tour des élections municipales. 21 millions d’électeurs se déplacent pour participer au vote. Des médecins, des élus, des présidents de région ont demandé depuis plusieurs jours l’annulation du scrutin. Des photos de marchés et de parcs parisiens bondés circulent sur les réseaux sociaux, assorties du mot-dièse #Irresponsables.
L’Espagne décide d’un confinement général.
L’OMS prône les tests ; la France n’en a pas et se confine
16 mars. L’OMS insiste sur « un message simple : testez, testez, testez ! Isolez les personnes positives et remontez leurs chaînes de contacts ». « Vous ne pouvez pas combattre un incendie les yeux bandés. Et nous ne pourrons pas stopper cette pandémie si nous ne savons pas qui est infecté. »
La France a décidé de ne tester que les cas les plus sévères. Faute de moyens et loin derrière les autres pays européens, elle ne fait alors que 4 000 tests par jour.
Olivier Véran, ministre de la santé : « À mesure que l’épidémie progresse, nous sommes en mesure de prendre les décisions qui permettent de protéger les Français. » Une manière de dire que le pouvoir court derrière les événements pour ne pas avoir anticipé.
17 mars à 12 heures. Entrée en vigueur du confinement en France, annoncé la veille lors d’une intervention du président de la République, qui s’est gardé de prononcer les mots confinement ou quarantaine, laissant le soin à son ministre de l’intérieur d’expliquer les mesures. Un confinement limité puisque des millions de salariés doivent continuer à travailler dans des secteurs non essentiels de l’économie.
6 633 cas et 148 morts sont officiellement recensés le 16 mars en France. La Chine avait décidé du confinement de Wuhan avec 600 cas environ officiellement recensés.
« Nous sommes en guerre », assure le 16 mars Emmanuel Macron, qui appelle « à l’union nationale ». Il annonce également le report du second tour des élections municipales.
Plus d’un million de personnes quittent l’Île-de-France, avec embouteillages et gares saturées, sans qu’aucune mesure ne soit prise.
Quant à la pénurie de masques, Olivier Véran se veut catégorique : « Nous avons assez de masques aujourd’hui pour permettre aux soignants d’être armés. Nous avons suffisamment de masques FFP2 pour faire face aux besoins hospitaliers et pour équiper les infirmières ou les médecins libéraux. »
18 mars. Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, reconnaît dans un entretien à France 2 que la stratégie adoptée par le pouvoir est une stratégie par défaut, adaptée à la pénurie de moyens (masques, tests). Le manque de tests est « un vrai problème », insiste-t-il.
Bruno Le Maire appelle « tous les salariés des entreprises qui sont encore ouvertes, des activités qui sont indispensables au fonctionnement du pays, à se rendre sur leurs lieux de travail ».
En France, la pénurie est manifeste, des millions de salariés contraints de travailler
19 mars. Le Collectif C19, qui réunit plus de 600 médecins, porte plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre Agnès Buzyn et Édouard Philippe, qu’il accuse de « négligence coupable » et de « mensonge d’État ».
Christophe Castaner assure que les policiers « ne sont pas en risque face au coronavirus » et qu’ils n’ont pas besoin de porter des masques. Au même moment, des unités sont déjà confinées, 500 personnes en tout. Quelques jours plus tard, plus de 10 000 policiers sont en arrêt, selon le syndicat Alliance.
Muriel Pénicaud accuse de « défaitisme » le secteur du BTP, qui a interrompu les chantiers. « Arrêter d’aller bosser, arrêter de faire vos chantiers, ça c’est du défaitisme. » « Les entreprises qui ne jouent pas le jeu, qui se disent “l’État paiera”, ce n’est pas du civisme », ajoute-t-elle, en menaçant de leur supprimer le chômage partiel.
D’autres appels à reprendre le travail sont lancés par les ministres. Le 16 mars, le conseil scientifique expliquait dans un avis que « seules doivent persister les activités strictement nécessaires à la vie de la Nation ».
Et tous les soirs, le directeur général de la santé répète le même message : « Rester chez soi, c’est agir contre le virus, c’est sauver des vies. »
20 mars. Emmanuel Macron : « Je félicite ceux qui avaient prévu tous les éléments de la crise une fois qu’elle a eu lieu. »
21 mars. Après des semaines de scandale sur la pénurie généralisée de masques, le ministre Olivier Véran fait le point. « Je dis aux soignants que je comprends et partage leurs attentes et, parfois, leur colère. Je veux vous présenter la situation telle qu’elle est : les pouvoirs publics ont décidé il y a une dizaine d’années d’équiper la France de nouveaux masques. Quels que soient les processus de décision qui ont conduit à ce que ces stocks ne soient pas renouvelés, ils se sont réduits année après année. Il ne restait notamment aucun stock d’État de masque FFP2. Il a été décidé de recourir dès le mois de janvier à l’importation de masques de tous les pays producteurs avant même les premiers cas sur notre territoire. Nous avons mis en œuvre tout pour augmenter notre stock sur un marché tendu. La France a ainsi passé plusieurs commandes à l’étranger auprès d’industriels en capacité de fournir rapidement de gros volumes. Nous avons passé commande pour plus de 250 millions de masques, qui seront livrés progressivement au cours des prochaines semaines. »
À la mi-avril, la pénurie se poursuivait et s’aggravait pour d’autres matériels de protection, les blouses en particulier.
21 mars. L’Italie décide d’interrompre toutes les activités économiques non essentielles. L’Espagne fait de même une semaine après, le 28 mars. En France, plusieurs millions de salariés continuent à être présents physiquement sur leur lieu de travail.
22 mars. « L’imprévoyance du gouvernement et de l’administration française a été totale » et les autorités « auront des comptes à rendre », déclare Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF).
Adoption de la loi sur l’état d’urgence sanitaire qui autorise le gouvernement à gouverner par ordonnances.
Nouveau couac dans la communication gouvernementale. Alors que la pénurie de gels, de masques et de tests – réservés aux malades graves – se poursuit, la secrétaire d’État Emmanuelle Wargon annonce sur Twitter qu’elle a bénéficié d’un test en n’ayant que « des symptômes bénins ».
23 mars. Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, sur CNews : « On ne peut pas dire qu’il y a eu un défaut d’anticipation de cette crise, bien au contraire. »
Les vols entre la métropole et l’Outre-mer sont interrompus, près d’un mois après le début de l’épidémie et une semaine après le confinement. Résultat : la totalité des cas de Covid-19 détectés à La Réunion concerne des personnes récemment arrivées de métropole. Le conseil scientifique « estime de manière consensuelle nécessaire un renforcement du confinement ». Donc l’interruption des activités économiques non essentielles. Le gouvernement refuse.
Mensonges du gouvernement : des plaintes sont déposées
24 mars. « Rendez-vous au procès », tweete Jérôme Marty, président du syndicat de médecins UFML, en réponse à la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, qui dit ne pas craindre de rendre des comptes sur l’épidémie.
Le ministre de l’agriculture Didier Guillaume lance un « grand appel à l’armée de l’ombre » des confinés : « Rejoignez l’armée des agriculteurs, 200 000 emplois sont disponibles. » Bref, restez chez vous mais allez travailler dans les champs. La barre des 1 000 morts est franchie.
25 mars. 31 détenus des Bouches-du-Rhône, du Gard et du Var saisissent la CJR d’une plainte contre Édouard Philippe et la ministre de la justice Nicole Belloubet pour « non-assistance à personne en danger ».
Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement : « Il n’y a pas besoin d’un masque quand on respecte la distance de protection vis-à-vis des autres. » Le soir même, Emmanuel Macron visite l’hôpital de campagne de Mulhouse avec un masque FFP2 sur le visage.
26 mars. Six plaintes contre des ministres, parmi lesquels Édouard Philippe, ont déjà été déposées à la Cour de justice de la République, et d’autres arrivent dans les tribunaux.
27 mars. Dans un entretien à la revue Science, Georges Gao, qui dirige la plus haute autorité de santé en Chine, le Chinese Center for Disease, met en garde : « La grande erreur aux États-Unis et en Europe est, à mon avis, que la population ne porte pas de masque. » « Il faut porter un masque. »
Quatre pays d’Europe centrale (République tchèque, Slovaquie, Autriche et Slovénie) ont rendu le port du masque obligatoire dans l’espace public.
Le premier ministre prolonge le confinement national au moins jusqu'au 15 avril.
28 mars. Édouard Philippe, lors d'une conférence de presse avec le ministre de la santé : « Je ne laisserai personne dire qu’il y a eu du retard sur la prise de décision du confinement. »
Emmanuel Macron, dans un entretien à trois quotidiens italiens : « J’ai abordé cette crise avec sérieux et gravité. »
Olivier Véran annonce qu’une commande de respirateurs pour les services de réanimation vient d’être passée. Depuis des semaines, les services hospitaliers soulignaient le manque. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, il a été demandé aux industries automobiles d’adapter leurs lignes de production pour en produire.
Des milliers de morts, le scandale des Ehpad
30 mars. Le seuil des 3 000 morts en milieu hospitalier est franchi.
2 avril. Dans un « état des lieux du confinement », le conseil scientifique fait remarquer que « 35 % des ouvriers travaillent hors du domicile, 60 % se déclarent en arrêt de travail et 5 % en télétravail, contre 10 % des cadres en travail hors du domicile, 24 % en arrêt de travail, et 66 % en télétravail ».
Le gouvernement se décide enfin à comptabiliser les morts dans les Ehpad, alors que depuis le début du mois de mars les médias signalent des décès en nombre dans ces établissements. Le recensement reste très imparfait, là encore faute de tests et de procédures de déclaration très lourdes.
7 avril. Le seuil des 10 000 morts en France est franchi. 7 091 décès sont enregistrés en milieu hospitalier, soit 607 de plus en 24 heures, chiffre quotidien le plus important depuis le début de l’épidémie, et 3 237 dans les Ehpad.
8 avril. Et pour conclure (provisoirement), laissons le dernier mot à Olivier Véran, dans un entretien au journal Le Monde : « Depuis le premier jour de la crise épidémique, nous avons décidé d’être dans l’anticipation, c’est-à-dire de disposer au moment opportun de tous les moyens possibles pour lutter contre la diffusion du virus. »
Voir aussi cet autre article du blog.