Compteur Linky, pourquoi tant de refus et peut-on le refuser ?
Stéphane Lhomme, conseiller municipal de Saint-Macaire (33), animateur du site web http://refus.linky.gazpar.free.fr répond à ces questions. Pour lui "les compteurs Linky résument la problématique de la France macronienne : un Etat violent dont les moyens sont mis au service des intérêts privés au détriment des citoyens".
L'Humanité.fr.- Quel bilan faites-vous de cette journée du 5 mai de mobilisation des collectifs anti-Linky et pourquoi une telle journée ?
Stéphane Lhomme : "Partout en France on note une démultiplication du refus des compteurs communicants et des méthodes imposées par la direction d'Enedis. Certains collectifs ayant décidé de mener des actions de protestation le 5 mai, cette date a finalement été retenue pour faire une journée nationale de protestation, mais la même date a ensuite été retenue pour les manifestations de la "Fête à Macron".
Du coup, certaines actions étaient autonomes, d'autres mêlées aux autres revendications sociales. C'est donc une mobilisation disparate qui a eu lieu mais, ce qu'il faut en retenir, c'est que le refus des Linky ne cesse de s'étendre."
L'Humanité.fr.- La grande question que tout le monde se pose est : peut-on refuser la pose d’un compteur Linky ? Et Gazpar?
Stéphane Lhomme : "La réponse est apportée par plus de 600 communes (dont de grandes villes comme Tours) et des centaines de milliers de citoyens qui refusent ces compteurs communicants.
Certes, les délibérations municipales sont attaquées en justice administrative, mais c'est un long combat que nous espérons pouvoir gagner au final. Il faut noter que toute délibération municipale est en vigueur tant qu'elle n'est pas annulée par la justice administrative (à supposer qu'elle le soit au final). Donc les élus municipaux peuvent - et doivent ! - protéger leurs administrés.
Quand ce n'est pas le cas, les habitants peuvent refuser individuellement : il faut savoir que, malgré les rumeurs répandues par les sociétés privées chargées du déploiement, aucune mesure de rétorsion n'existe contre un habitant qui garde son compteur ordinaire : il ne risque aucune coupure du courant, ni de devoir payer le compteur plus tard, ou de payer une somme mensuelle, ce sont des balivernes inventées pour intimider les gens."
L'Humanité.fr.- Comment et sur quels critères les usagers qui refusent ce type de compteur peuvent s’appuyer?
Stéphane Lhomme : "La situation est en réalité très simple pour plus de la moitié des compteurs du pays, qui sont situés dans les logements : l'habitant est alors protégé par la loi - article 432-8 du code pénal - car, même s'il est simple locataire, personne n'a le droit d'entrer dans son habitation.
Pour les autre cas (compteur qui donne sur la rue ou qui est dans les parties commune d'un immeuble), on assiste à une révolte pacifique et créative : les gens barricadent leurs compteurs avec des grilles, des parpaings, des chaines, etc. A nouveau la loi est claire et a été confirmée par le jugement du 20 juin 2017 du tribunal de La Rochelle : les installeurs de Linky n'ont absolument pas le droit de briser ces protections."
L'Humanité.fr.- Pas toujours évident de dire non face aux agents sous-traitants d’Enedis. Que conseillez-vous aux usagers?
Stéphane Lhomme : "Si le compteur est dans votre logement, ou dans le jardin bien fermé, il suffit juste de ne pas se laisser intimider par les menaces. Dans les autres cas, il faut photographier les installations et leurs protections, filmer le comportement des installateurs, mais aussi appeler la mairie : même si les élus locaux n'ont pas eu la bonne idée de délibérer contre le Linky, ils ont un devoir d'assistance auprès de leurs administrés dont le choix de garder le compteur ordinaire doit être respecté. Le maire peut même faire appel aux gendarmes ou policiers pour faire partir les installateurs et éviter ainsi des incidents graves."
L'Humanité.fr.- Et les mairies peuvent-elles s’opposer aux compteurs dits intelligents, comment et sur quels critères?
Stéphane Lhomme : "Comme indiqué ci-dessus, les municipalités peuvent tout à fait prendre des délibération ou arrêtés contre le déploiement des compteurs communicants. Des procédures en justice administrative sont en cours. Il est vrai que les premiers jugements (en référé ou en première instance) ne nous sont pas favorables mais nous avons bon espoir de voir la donne changer en Cour administrative d'appel ou siègent des magistrats beaucoup plus expérimentés et plus susceptibles de mettre en exergue la réalité de la situation : même quand la commune a délégué sa compétence de distribution de l'électricité, elle reste propriétaire des compteurs d’électricité et peut donc s'opposer à leur remplacement par des Linky. Les commune de Bovel (35) et Tarnos (40) sont les plus avancées dans ces procédures, il faut les soutenir massivement - à cet effet les mairies et les élus disposent d'un KIT Juridique mis gratuitement à leur disposition par le cabinet d'avocats Artemisia NDLR.
Concernant les compteurs communicants de gaz (Gazpar) et d'eau, la commune peut encore plus facilement s'y opposer, par exemple en refusant aux opérateurs le droit d'installer des antennes ou concentrateurs sur des bâtiments élevés comme le château d'eau ou l'église. Notons d'ailleurs que l’Évêché, qui a aussi son mot à dire, s'est opposée à l'installation de ces antennes dans tout le département de l'Aveyron : un excellent exemple à suivre."
L'Humanité.fr.- Quels arguments avancez-vous pour justifier votre opposition aux compteurs Linky et n'est-ce pas aller contre le progrès?
Stéphane Lhomme : "Les compteurs communicants sont d'abord des "big brothers" à domicile qui vont capter sur la vie des habitants d'innombrables données utilisables à des fins policières ou commerciales : la société Direct énergie vient d'ailleurs d'être prise la main dans le sac à collecter illégalement les données du programme Linky. Et, plus globalement, l'affaire Facebook montre que les données sont toujours récupérées, volées, détournées, etc. La seule solution est d'avoir... un compteur ordinaire !
D'autre part, les Linky causent de nombreux désagréments : appareil ménagers qui dysfonctionnent ou grillent, installations qui disjoncte continuellement obligeant à prendre un abonnement plus cher, factures qui s'envolent sans raison : le déploiement des linky est un véritable programme anti-social !
Enfin, le linky met en jeu la santé voire la vie des habitants en générant des incendies qui peuvent être mortels, et en faisant circuler dans les fils électriques du logement des données par la technologie controversée du CPL qui fait que tous ces fils émettent des ondes qui peuvent être faibles mais dont la dangerosité est hélas avérée dans la durée : il ne faut donc pas se laisser tromper par les arguments comme "Cela émet moins d'ondes qu'un grille-pain" : vous ne faites pas des tartines 24h/24, alors que le CPL du Linky circulera continuellement.
Au final, le programme Linky semble synthétiser la problématique de la France macronienne : un Etat violent dont les moyens sont mis au service des intérêts privés au détriment des citoyens, de l'intérêt général et de la démocratie."
En lien
- le rapport de la Cour des comptes qui épingle Linky jugé couteux-intrusif-incomprehensible
Vous refusez l'installation d'un compteur Linky, vos droits
1.- Enedis et/ou l'entreprise sous-traitant chargée de la pose des compteurs Linky a l'obligation d'envoyer aux abonnés un courrier 45 jours avant la date du rendez-vous pour procéder au changement de compteur.
En principe les techniciens de ces sociétés sont identifiables au logo « partenaire Linky » sur leurs badges et sur leur véhicule de fonction. De plus le courrier reçu par le client concerné, 45 jours avant le rendez-vous, doit mentionner le nom de l’entreprise chargée de la pose.
Ce courrier vous permet de connaître la date de venue des agents mais vous n'êtes pas obligé(e) de leur ouvrir ni d'être présent(e). Il vous sera alors fixé un autre rendez-vous que vous n'êtes pas non plus tenu d'honorer.
2.- Pas question d'accepter des rendez-vous par téléphone. Tout consommateur ou client peut faire jouer son droit d’opposition à tout démarchage téléphonique en le signifiant à la personne qui harcèle. A défaut possibilité de porter plainte auprès du CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés) sur http://www.cnil.fr/vos-droits/plainte-en-ligne/
3.- Les menaces de sanction ne tiennent pas. En effet, la loi de transition énergétique ne sanctionne pas le refus individuel de changer son compteur existant contre un Linky. La CRE (commission de régulation de l’énergie) menacerait de taxer 19 euros HT par mois le relevé manuel des compteurs à tous ceux qui refusent Linky (dont le relevé se fait à distance). Ce qui serait illégal comme de couper le courant aux récalcitrants.
4.- Les agents chargés de la pose des compteurs Linky n'ont pas le droit d'entrer chez vous si vous refusez. L’article 432-8 du code pénal sanctionne: « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s'introduire ou de tenter de s'introduire dans le domicile d'autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi ». Il faut donc observer deux points :
la violation concerne le domicile, c’est-à-dire, selon la jurisprudence, le local d’habitation, mais également ses dépendances (cave, terrasse, balcon, jardin ou cour) à condition que ces dépendances soient closes : aucune protection ne peut être reconnue à une cour ou un jardin ouvert sur l'une de ses faces, ce qui permet l'accès à tout venant ;
si l’occupant a donné son accord, même tacitement, il n’y a pas d’infraction. Sur ce point, la jurisprudence considère qu’une porte (ou un portail) fermée à clé peut être apparentée à un refus implicite. Par extension, on peut considérer qu’une porte (ou un portail), fermée mais pas à clé pourrait être également apparentée à un refus tacite. Toutefois, rien n’est certain sur ce point, dans la mesure où la jurisprudence ne s’est pas clairement positionnée.
5.- Indépendamment des délibérations et moratoires des conseils municipaux s’opposant aux Linky, les usagers ont la possibilité de demander à leur maire de refuser l'installation d'un Linky comme d'un Gazpar ou son retrait si celui-ci a été installé selon les explications et la lettre type (à envoyer au maire) à télécharger sur http://refus.linky.gazpar.free.fr/refus-linky-particuliers.htm
C’est mieux que d’agir seul et le fait que l’installation d’un compteur doit faire l’objet d’un courrier 45 jours avant la date prévue, laisse du temps.
L'original ... ICI