Terre d'ordures
Photographe: Didier Ruef
Entre 1991 et 2008, le photographe Didier Ruef a parcouru le monde pour montrer la quantité de déchets que nous produisons et l'incroyable désinvolture avec laquelle nous les traitons. Aujourd'hui, la croissance démographique exponentielle couplée à la mondialisation d’un modèle économique consumériste menace chaque jour davantage l’écosystème, et il ne nous est plus possible d'enfouir nos ordures et déchets toxiques sans risquer de stériliser irrémédiablement notre terre. De ce travail photographique, un livre a été tiré : Recycle invite ses lecteurs à ouvrir les yeux et à agir pour protéger l’environnement.
Inde, Alang (province de Gujarat), 1992. Sur la plage où sont échouées des carcasses de bateaux, des ouvriers tirent un immense câble pour tracter une imposante pièce métallique. Des conditions de travail déplorables et dangereuses. À l’époque, Alang était considéré comme le plus important site de démolition navale du monde.
Des ouvriers scient une hélice de bateau, sous l'œil d’un contremaître.
Philippines, Manille (quartier de Tondo), 1992. La vie sur un tas d’ordures. Les camions attendent de pouvoir déverser leur chargement et les déchets qui brûlent, produisant ce brouillard. Dans le fleuve, des gens lavent des déchets plastique pour pouvoir les vendre comme des produits recyclés, et donc à un meilleur prix.
Suisse, Genève, 1991. Le ramassage des poubelles.
Brésil, Sao Paulo, 1994. Pernambuco, 42 ans, vit dans la rue. C’est un catadore : il collecte papiers et cartons, qu’il revend ensuite, pour quelques pièces, afin qu’ils soient recyclés.
Chine, province de Guangdong, 2004. Le village de Nanyang fait partie de l’agglomération de Guiyu. Des ouvriers démantèlent à la main de vieux matériels informatiques, qui seront laissés en tas par terre. Les différents éléments (pièces métalliques, câbles électriques, circuits intégrés, puces, etc.) seront ensuite recyclés. Exposés à des produits extrêmement toxiques, les ouvriers travaillent sans aucune protection
Angola, Menongue, 2000. Une vieille femme pile du maïs dans la cour de sa maison, devant la carcasse d’un tank T72. Vingt-cinq ans de guerre civile entre le gouvernement et les rebelles de l’Unita ont laissé le territoire couvert de déchets militaires, dont une quantité impressionnante de munitions non explosées, telles les mines anti-personnel.
États-Unis, Utah, Deseret (comté de Tooele), 1998. Le Tooele chemical agent disposal facility (TOCDF) est une zone de stockage et de destruction par incinération d’armes chimiques (gaz sarin, gaz VX – plus létal que le sarin –, gaz moutarde, etc.), située à une centaine de kilomètres de Salt Lake City. L’armée américaine dispose de huit sites semblables, répartis sur le territoire national. Un employé teste l’efficacité d’un masque à gaz.
Kazakhstan, port d’Aralsk, 2008. Maison en ruines au bord de la mer asséchée d’Aral. Dehors, on aperçoit la carcasse d’un bateau de pêche russe, échoué sur le lit de la mer. L’assèchement rapide de la mer d’Aral s’est fait en raison, notamment, des ravages de l'agriculture intensive à l’époque soviétique. Aujourd’hui, à l'aide de digues et de barrage, les autorités locales tentent de faire revivre la partie nord de la mer.
Azerbaïdjan, région de Bakou, Balakhani, 2007. Un berger fait paître ses moutons devant les champs de pétrole de la Socar, la compagnie pétrolière nationale. Dans le ciel patrouillent des hélicoptères de l’armée azerbaïdjanaise. Partout, des fuites de pétrole. Toutes les nappes phréatiques sont polluées, le désastre écologique est total.
Pologne, Bedzin (Silésie), 1991. Une femme soigne son potager devant une centrale électrique au charbon. La région est victime d’une pollution majeure aux métaux lourds. Bedzin se trouve à 20 km de Katowice.
Pologne, Bedzin (Silésie), 1991. Un sanatorium réservé aux enfants de 7 à 15 ans. Des jeunes filles inhalent de la vapeur d’eau enrichie d’huile essentielle d’eucalyptus. Les problèmes respiratoires sont extrêmement fréquents, en raison de la pollution de l’air aux métaux lourds.
Ukraine, Tchernobyl, 2006. Le 26 avril 1986, l’explosion du réacteur n°4 de la centrale nucléaire irradie une grande partie de l’Europe de l’Ouest. Le réacteur est aujourd’hui encastré dans un sarcophage de béton aux murs épais de six mètres d’épaisseur. La zone est toujours très hautement contaminée.
Kazakhstan, Semipalatinsk, 2008. Recueilli dans un orphelinat, Timur Smailov, 2 ans et demi, est handicapé mental et est né sans appendice nasal. Timur a vu le jour près du Polygone de Semipalatinsk, aujourd’hui dénommé Centre nucléaire national du Kazakhstan. À ses côtés, un autre orphelin souffre aussi de déficience mentale. Ces enfants font partie de la troisième, voire de la quatrième génération de victimes des 456 essais nucléaires soviétiques effectués à cet endroit entre 1949 et 1989. La région connaît un très fort taux de mortalité infantile, de difformités, de cancers et retards mentaux, explicable en grande partie par les retombées radioactives qui ont contaminé la région pendant des décennies – et qui entraînent des mutations génétiques
Recycle, photos de Didier Ruef,
préface de Matthieu Ricard.
Éditions Labor et Fides,
320 pages. 45,70 euros.
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