Est- ce faire de l’information que de se contenter d’énoncer un fait (voir le dénoncer…) sans le mettre en perspective, le placer dans son contexte, éventuellement le mettre en relation avec des faits similaires ou approchants ? Le journalisme d’aujourd’hui, sans doute obnubilé par l’immédiateté, la vitesse de diffusion, et la nécessité d’être le premier, en arrive à être un journalisme de gros titres, servant une information lapidaire, très souvent schématique, parfois même et de façon délibérée partisane et de mauvaise foi. Les organes de presse ressemblent de plus en plus à des officines de propagande qui laissent croire à un monde manichéen dans lequel nulle nuance, nulle conciliation n’est possible.

Pour préciser mon propos, je me réfère à un exemple très récent, paru dans la presse et surtout sur tous les réseaux sociaux, où il a soulevé une vague d’indignation.

« L’état annule une dette de 4 millions € pour le journal l’Humanité ». Il est vrai que présentée ainsi, l’info a de quoi « agacer ». Certains organes de presse ont bien senti le bénéfice qu’ils pourraient tirer de la révélation de cette info et de sa mise à la une. Surfer sur les colères et les insatisfactions du moment, donner en pâture des « méchants profiteurs » au petit peuple malmené, quelle aubaine.

Ce cher Figaro, pour ne pas le nommer, à titré « L’Etat vole au secours de l’Humanité »… Info relayée par nombre de politiques sur leurs comptes twitter… Le buzz est lancé. Haro sur ce gouvernement socialiste qui caresse dans le sens du poil ses amis communistes à la veille des municipales. Tant qu’à faire de critiquer, autant « faire gros »…

Un peu facile cependant. J’ai désiré en savoir un peu plus et regarder le problème dans son ensemble pour me faire une opinion, ne cherchant pas en cela le moins du monde à soutenir le journal communiste je le précise, et je suis allé regarder ce qu’il en est des relations entre l’Etat et la presse. Ce que je nomme mise en perspective.

Qu’apprenons-nous avec un peu de recherche.

Si on se réfère au rapport du député SRC Michel Françaix sur les médias et la situation de la presse française,  qu’apprend-on ?

L’ensemble de la presse française vit constamment sous perfusion. Sur les 10 milliards € de chiffre d’affaires de ce secteur, 11% proviennent des aides, directes ou indirectes, de l’Etat : un bon gros milliard donc ! Ces aides sont attribuées tous azimuts. C’est en se penchant sur leur détail que le titre du Figaro et la rage à peine voilée de ses journalistes me semblent quelque peu exagérés.

Comme le montre le tableau interactif ci-dessous qui nous indique à qui sont attribuées les aides et pour quel montant, on constate que le Figaro figure en seconde position avec, pour l’année 2011, la bagatelle de 15 990 740 €. L’Humanité n’apparaît que beaucoup plus loin dans la liste avec ses      6 259 222€. Dois-je préciser que ces aides sont versées chaque année, sans que cela semble gêner le moins du monde le journal ni ses journalistes. Alors, même avec ce cadeau de 4 millions, l’Huma nous coûte nettement moins cher que le Figaro et ses pères la vertu.

Voici donc comment une info peut être classée au rang de provocation ou de propagande. L’indignation feinte du Figaro laisse dans l’ombre la réalité de la presse en France et son coût pour les citoyens. Je ne prends pas position ici sur le sujet de la nécessité de subventionner la presse afin d’assurer la pluralité et la liberté d’opinion, c’est un autre débat. Je voulais juste montrer qu’un titre volontairement racoleur n’est en rien de l’information, mais est juste destiné à manipuler l’opinion en lui servant une « petite info » biaisée, bien dans l’air du temps, dont on sait qu’elle va irriter et se diffuser à grande vitesse.

Car enfin, objectivement, même si l’état annule cette dette de l’Huma, ce journal nous coûtera cette année pratiquement deux fois moins cher que celui qui le critique et le pourfend.

A bon entendeur…