Je crois que vient un temps où il faut savoir appeler un chat, un chat ! Observateur attentif de la vie politique de ce pays depuis plusieurs décennies, je crois pourvoir dire aujourd'hui, tournant le dos à tant de commentateurs timorés ou hypocrites, avec des pudeurs de gazelles, que la France est entrée en dictature. Oh je sais, on va m'objecter que dans une dictature, je ne pourrais ni écrire ni publier ce que j'écris. Mais pour combien de temps encore ? Et est-ce suffisant comme marqueur de la démocratie ? De la liberté ?

Quand les plus audacieux osent murmurer « pouvoir autoritaire », à quoi pensent-ils en réalité ? Nous avons maintenant derrière nous plus d'un an de manifestations réprimées avec autant de violence que dans le Chili de Pinochet. Nous avons un pouvoir sourd, inflexible, qui ne négocie plus rien, qui n'écoute personne, qui piétine les libertés les plus élémentaires après avoir fait passer des lois d'exception dans la loi ordinaire. Chaque semaine les révèle plus brutaux, plus seuls dans l'exercice du pouvoir, plus incapables de continuer leur œuvre de démolition sans s'appuyer sur une police violente et une justice obéissante.

Que vous faut-il de plus pour franchir le pas et reconnaître que nous sommes en dictature !

Les dernières heures sont riches d'enseignements à ce propos.

Le nouveau ministre de la santé qui réussit l'exploit d'être plus critiqué que Buzyn après seulement deux jours d'exercice ouvre la voie. En effet, après la rocambolesque vidéo de Griveaux et le déchaînement politico-médiatique contre les réseaux sociaux, il a cru bon d'en rajouter une petite couche imbécile mais oh combien révélatrice de leur vision de la liberté d'expression. L'œil humide d'admiration, il a déclaré à propos du coronavirus : "La Chine a une capacité de réactivité. Elle a pris des mesures de confinement très rapidement. Je ne suis pas sûr qu’il serait possible de réaliser ça dans un pays où les réseaux sociaux seraient ouverts"... Bêtise ou réelle admiration pour ce pays capable d'étouffer les réseaux et l'expression des citoyens.

Poirson, tellement silencieuse lors de l'incendie de Lubrizol, a retrouvé de la voix : « Ce qui s'est passé avec Griveaux est extrêmement inquiétant ! Ce qui sépare la démocratie d'un régime totalitaire, c'est le respect de la vie privée. Cela concerne tous les Français. » On va la croire. Donc, la démocratie, c'est quand on empêche l'expression des citoyens. Il faut oser !

Woerth, lui qui a tellement de choses à faire oublier, y va de son opinion tranchée : « Mais l'anonymat c'est une horreur. On a besoin de beaucoup plus d'autorité sur les réseaux. » Le mot autorité est lâché !

Quant à Barbier, le dandy médiatique à l'écharpe rouge, il en rajoute lui aussi, démontrant s'il en était besoin combien les médias se sont rangés aux côtés et au service du pouvoir : «Les Chinois arrivent bien à bloquer tout ce qui parle de démocratie, pourquoi est-ce qu'on n'arrive pas à bloquer tout ce qui tombe sous le coup de la loi»... Et qui fait la loi déjà ?

Pour illustrer tout ça, le compte Twitter du Syndicat des avocats de France, qui agace tellement le pouvoir car très actif dans le mouvement contre la réforme des retraites, suspendu pendant plusieurs heures. Rétabli à l'évidence en raison des innombrables soutiens !

Voila, justes quelques exemples récoltés en une seule journée. Pas significatif me dites-vous ? Je l'aurai dit, à chacun de prendre conscience de l'imminence de la catastrophe. Mais je reste convaincu que nous avons peu de temps ! Et quand ils auront verrouillé ce pays, il sera trop tard pour se plaindre et pour agir.

Ne cédons pas au désespoir, ne renonçons pas, restons mobilisés, exigeants, gardons en tête cette phrase de Bernanos : « La force et la faiblesse des dictateurs est d'avoir fait un pacte avec le désespoir des peuples. »