Covid, un révélateur impitoyable.
Ce virus aura semé un sacré désordre, chacun l'aura remarqué. Mais je trouve qu'il aura été un révélateur impitoyable de l'état de nos sociétés ultralibérales. Alors, au lieu de disserter sur l'avènement d'un nouveau monde post-pandémique, ce qui avouons-le n'a guère de sens pour l'instant, peut-être serait-il plus pertinent et utile de nous arrêter sur ce que cette « petite bestiole » a mis en lumière.
Il est en effet de mon point de vue révélateur de toutes les fractures dont souffrent nos sociétés : dans ce qu'il a exacerbé comme dans ce qu'il a directement induit. Toutes les sociétés ont été frappées, toutes seront plus ou moins impactées, les citoyens devront bien analyser ce qui s'est passé, comment les pouvoirs en place ont géré, ce qu'ils ont appris des autres et d'eux-mêmes, comment ils vont désormais faire face aux différentes fractures qui ont été mises au jour .
Car c'est bien cela qui m'intéresse, toutes ces fractures dont on avait conscience auparavant, mais qui se trouvent ici toutes impactées, sans doute aggravées.
Je vais essayer de les lister et de dire ce que je ressens et comment je vois l'évolution possible.
Fractures disais-je ? Allons-y.
La fracture générationnelle.
Les « vieux », tous les chiffres le confirment, sont les premiers et les plus gravement touchés. On aurait pu s'attendre à ce que le corps social réagisse avec un réflexe protecteur et compatissant. On a vu au contraire des réactions, à minima indifférentes, au pire agressives envers les aînés. On a pu mesurer ce fait dans les ehpad et toutes les structures accueillant des personnes âgées et/ou malades. On a vu l'abandon, la négligence, la maltraitance, le manque de soins, et on a découvert que la France avait abandonné des malades âgés au prétexte qu'il n'y avait pas suffisamment de place dans les services de réanimation. Ce qui aurait dû soulever un tollé général, a vu certains, nombreux, justifier l'injustifiable... Trier ceux que l'on doit sauver et ceux qui doivent mourir avec comme seul critère l'âge ! Certains, très en vue dans les médias, ont expliqué que c'était là une loi naturelle, l'humain est mortel, cette issue pour les plus âgés et fragiles n'était donc pas si dramatique.
La nécessité de sauver les jeunes en abandonnant les vieux était donc sanitairement, moralement, philosophiquement, et techniquement acceptable. C'est ce qui a été fait, et notre société s’honorerait d'enquêter sérieusement sur ce lamentable épisode et d'en tirer toutes les conséquences. La stigmatisation de la personne âgée, qu'on accepte encore tant qu'elle est un minimum utile mais qu'on abandonne uniquement parce qu'un pays développé comme le nôtre n'a pas su, ou plus exactement voulu, bâtir un système de santé digne et efficace capable de faire face au pire imprévu et de sauver tout le monde sans distinction d'âge et de richesse. Je crois que cette première fracture sera difficile à résorber tant les personnes âgées ont souffert de cet abandon et auront sans doute du mal à pardonner et à oublier.
La fracture sociale.
Oh bien sûr, ce n'est nullement une découverte me diront certains. Qui ignore les inégalités sociales qui caractérisent notre société libérale, société dans laquelle ceux qui créent la richesse sont ceux qui en profitent le moins. Mais avec cette épisode de pandémie, ces inégalités ont été mises au grand jour, beaucoup de ceux qui voulaient ignoraient ou refusaient de voir ont pu les mesurer concrètement, et parfois, elles ont réellement pris un tour particulièrement insupportable et scandaleux.
En effet, l'épidémie, et surtout le confinement auquel nous avons été soumis, ont donné la mesure exacte de ce qui sépare les français. On a depuis longtemps rayé le terme « classe sociale» dans le discours des politiques, des syndicats, et malheureusement surtout des travailleurs. Aujourd'hui, le constat est terrible. Un petit inventaire à la Prévert, sans plus de commentaires, je crois que ce n'est pas utile pour mesurer, ce qu'il y a pu avoir d'insupportable et de scandaleux dans cet épisode.
Les très riches … On les a peu vus, peu entendus, beaucoup ont montré que le mot « solidarité » leur était inconnu, car les dividendes ont continué de tomber, certains ont profité ostensiblement de l’événement pour racheter des actions de leur propres boîtes à vil prix. Pendant que la France s'arrêtait, les affaires continuaient pour eux... Apparemment, peu ont été contaminés, allez savoir pourquoi... Sans leur souhaiter de mal bien entendu !
Les classes supérieures, cadres supérieurs, bourgeoisie des grandes villes, ceux qui ont, juste avant que les portes ne se referment, que les hordes de Castaner n'envahissent les routes à la recherche de contraventions à distribuer... mais trop tard, fui les villes et étaient déjà arrivés dans leurs lieux de villégiature. Confinement avec vue sur la mer, c'était plus supportable.
Tout le monde n'a pas sa résidence secondaire pour fuir l'enfer des villes. Nombreux sont ceux qui sont restés, avec des degrés divers de confort, essayant tant bien que mal de ne pas se faire dévorer par l'enfermement.
Et puis, il y a ceux grâce auxquels la machine a continué de tourner, grâce auxquels l'économie ne s'est pas effondrée totalement, grâce auxquels les rayons des magasins n'ont jamais été vides, ceux qui ont transporté, manipulé, livré, celles qui étaient derrière leurs caisses, sans protection au début de la crise, toutes ces personnes qui allaient de leur banlieue invivable au travail et du travail à leur appartement trop petit et tellement bruyant, qui avaient droit aux transports en commun, nids à virus, mais seul moyen pour elles de se déplacer... Tous ces gueux, les riens de Macron qui ont couru le risque de la maladie pour que les autres ne pâtissent pas trop du confinement...
Et puis, et je les garde pour la fin, même si cela n'a rien de bien original, tous ceux qui ont œuvré dans le système de santé, médecins, infirmières et infirmiers, aides-soignantes, mais également personnels de service, ceux qui ont nettoyé sans relâche, permis que l'hécatombe soit évitée. Tous des gens courageux et volontaires, pâtissant de la honteuse mise à mal de l'hôpital depuis plusieurs années, qui ont fait avec ce qu'ils avaient et on brillé par leurs initiatives et leur dévouement... Honte à ceux qui ont mis à mal leur outil de travail, qui les ont mis en danger et nous ont mis en danger.
Voila bien de quoi remettre au goût du jour une lutte des classes, aujourd'hui enfouie dans l'histoire mais redevenue nécessaire. Ce pays doit tout dans cet épisode à ceux qui sont le moins considérés, ceux auxquels on octroie des salaires de misère ne leur permettant que des conditions de vie scandaleuses alors que l'on a constaté que ce sont eux dont la collectivité a le plus besoin !
N'oublions pas, n’oublions jamais, n'en restons pas aux applaudissement le soir à vingt heures. Rétablir la justice sociale, ce sera un long combat, car dès que tout ceci sera derrière nous, et ce le sera un jour, ils oublieront ! Je terminerai ce chapitre par ces seuls mots, « ce n'est qu'un début continuons le combat ».
(à suivre...)
La fracture intellectuelle,
La fracture sécuritaire,
La fracture politique,
La fracture morale,