Coronavirus: Dix doutes légitimes sur la vaccination, zéro bonne raison de ne pas y aller.
En Suisse, de nombreuses personnes boudent l’inoculation. Pour quelles raisons? Nous vous avons consultés via les réseaux sociaux. Puis nous avons passé les principales explications au crible des connaissances scientifiques.
Des millions de Suisses n’ont pas reçu leur piqûre. Moins de 40% de la population est complètement vaccinée et, plus inquiétant, la vaccination ralentit, alors même qu’il s’agit de la seule issue face au variant Delta, qui gagne du terrain.
Pourquoi refuser ou reporter une telle aide, au risque d’une troisième vague épidémique et des privations de liberté qui vont avec? Nous vous avons posé la question via les réseaux sociaux et soumis les dix explications les plus fréquentes à des scientifiques. Nous y répondons avec leur appui dans cet article, qui montre que les arguments avancés ne tiennent pas face aux faits.
1) «J’attends de voir» J’ai peur des effets à long terme de la vaccination.
C’est l’une des préoccupations qui revient souvent avec les vaccins, d’autant plus avec ceux à ARN messager (ARNm), qui sont plus récents et donc perçus comme difficilement évaluables dans la durée.
Tous les experts sont pourtant formels: si effet secondaire il y a, alors il se manifeste au plus tard dans les trois à quatre mois après l’injection. «Ce recul est maintenant largement dépassé, et on ne va plus apprendre grand-chose sur la sécurité des vaccins à ARNm chez les adultes», confirme Claire-Anne Siegrist, directrice du Centre de vaccinologie des Hôpitaux universitaires de Genève.
Après plus de trois milliards de doses de vaccins anti-covid administrées depuis un an, et une pharmacovigilance mondiale renforcée, d’éventuels effets secondaires à long terme se seraient manifestés depuis longtemps. En leur absence, cette crainte est définitivement infondée.
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2) «Je ne suis pas à risque» Le vaccin est plus dangereux que le virus.
Tout faux. «Les effets secondaires du virus sont bien plus importants et durables que ceux du vaccin – même chez les jeunes!» assure Claire-Anne Siegrist. Les séquelles du covid, voire du covid long, qui touchent tous les malades, sont plus handicapantes que les effets secondaires bénins des vaccins.
Le message n’a pas l’air de passer, puisque «actuellement les personnes hospitalisées sont les adultes entre 20 et 60 ans et non vaccinées», observe Alessandro Diana, pédiatre et spécialiste en maladies infectieuses aux Hôpitaux universitaires de Genève.
Ce sont ainsi dramatiquement ceux qui se croient protégés qui deviennent de facto la population vulnérable. «Une intuition peut s’avérer dangereuse ici. Certaines personnes préfèrent le risque subi (être infecté par le virus) au risque auto-infligé (avoir des effets secondaires du vaccin), cela peut amener à se détourner du vaccin même si on sait que la maladie est plus dangereuse», analyse la bioéthicienne Samia Hurst, vice-présidente de la task force Covid-19.
3) «Ce vaccin est inutile» Il n’empêche pas complètement la transmission de la maladie.
Face au coronavirus, le vaccin n’est pas une barrière infranchissable, c’est vrai. Mais il en diminue très, très nettement le risque. «Avec les vaccins à ARNm, la protection contre l’infection est de l’ordre de 95% pour le variant Alpha et d’environ 88% pour le variant Delta, plus contagieux», souligne Alessandro Diana. [En fait, la protection des vaccins à ARNm contre l'infection par le variant Delta a été évaluée à entre 65 et 69%, d'après de récentes données singapouriennes et israéliennes encore non publiées]
La vaccination réduit aussi la probabilité de souffrir d’une forme grave de la maladie, ainsi que de la transmettre. «Il est maintenant démontré que si on tombe tout de même malade, c’est dans l’immense majorité des cas de manière bénigne, et que la quantité de virus dans le nez est bien plus faible et donc le risque de transmission à son entourage fortement diminué», précise Claire-Anne Siegrist.
L’expérience acquise en Israël et en Grande-Bretagne, deux pays où la population est largement vaccinée, est encourageante: bien que les cas de covid y augmentent avec la levée des restrictions, ils sont en grande majorité bénins.
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4) «Les soignants ont peur du vaccin» C’est la preuve qu’il n’est pas sûr.
En Suisse, la proportion exacte du personnel des hôpitaux et des EMS qui refuse de se faire vacciner contre le Covid-19 n’est pas connue. Divers sondages suggèrent que c’est une posture ni marginale, ni prioritaire. «De manière générale, l’incidence de l’hésitation vaccinale parmi les professionnels de santé est la même que celle observée chez leurs patients, entre 5 et 30% selon les études», indique Alessandro Diana.
«Il ne faut pas croire que tous les professionnels de santé sont des experts du vaccin, relève Samia Hurst. Beaucoup de soignants, parce qu’ils ne sont pas spécialistes en maladies infectieuses, ou parce qu’ils n’ont pas eu le temps de s’informer en raison de la surcharge des hôpitaux, se posent les mêmes questions que le grand public.» Organiser des séances d’information destinées aux professionnels permettrait d’augmenter leur confiance dans la vaccination, font valoir les deux experts.
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5) «Nous sommes des cobayes» Les essais ont été bâclés.
Les vaccins contre le covid ont en effet été développés extraordinairement vite. «C’est la mobilisation inédite des secteurs public et privé face à la pandémie qui a permis cette prouesse, en un an contre dix habituellement», relate Alessandro Diana.
Les Etats ont largement financé les recherches des laboratoires pharmaceutiques et des usines de production ont été construites dès l’obtention de résultats encourageants. «Face à ce virus, les règles du jeu financier ont été bouleversées, mais pas celles du processus scientifique», insiste Samia Hurst.
Toutes les phases de test des vaccins ont été effectuées et les agences chargées de leur homologation (comme Swissmedic) ont évalué les résultats au fur et à mesure de leur publication et non à la fin des essais, pour gagner du temps.
Dans ces conditions, seuls les participants aux essais cliniques peuvent être considérés comme des «cobayes». «Ces 100 000 premiers volontaires ont accepté de prendre des risques encore inconnus, on peut les en remercier», souligne Claire-Anne Siegrist.
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6) «Je n’ai pas confiance» Les scandales sanitaires prouvent que c’est l’argent qui est roi.
Les enjeux financiers sont effectivement importants dans le cas des vaccins, mais ne le sont-ils pas davantage dans le cas du paracétamol? Vendu en Suisse depuis 1959, le plus utilisé des antidouleurs représentait en 2019 un confortable marché de 45 millions de francs, tout en étant à l’origine de près de 1200 intoxications un an plus tôt – dans l’indifférence générale.
Pourquoi? Parce qu’acheter les produits de première nécessité tels que les aliments ou des médicaments repose sur la confiance. Et pour que la confiance règne, des agences de régulation des produits médicamenteux ont été mises en place. «Nous avons des mécanismes de surveillance qui ont déjà montré leur efficacité. [L’agence] Swissmedic travaille de manière indépendante et c’est fondamental qu’il en soit ainsi», rassure Samia Hurst.
7) «Les gestes barrières suffisent» Pas besoin d’un vaccin, j’ai le masque…
Ceux qui croient cela se fourrent l’écouvillon dans l’œil. «Les gestes barrières pourtant connus et appliqués n’ont pas empêché la deuxième vague», rappelle Claire-Anne Siegrist. La faute, notamment, à la transmission aérosolique du virus, qui fait fi des masques chirurgicaux de base. Ce qui n’a pas fonctionné avec les premières versions du coronavirus ne risque pas de réussir avec le variant Delta, 60% plus transmissible. «Tout le monde sera tôt au tard confronté au coronavirus. A nous de choisir si c’est en étant malades ou via la vaccination, résume Alessandro Diana, avant d’ajouter ironiquement: laquelle de ces expositions sera d’après vous la plus dangereuse?»
8) «J’ai déjà eu le covid» Donc, je suis protégé.
C’est en partie vrai. «Le fait que vous ayez attrapé le covid vous rend clairement moins à risque de l’attraper à nouveau et de présenter des complications, par rapport aux personnes qui n’ont été ni infectées, ni vaccinées», confirme Alessandro Diana. Diverses études ont en effet montré que les anticorps anti-covid persistent dans le corps plusieurs mois après l’infection.
Mais attention: cette protection pourrait dans certains cas s’avérer insuffisante pour éviter une nouvelle infection, en particulier par le variant Delta, plus contagieux, et qui est en train de devenir dominant en Suisse. Une étude récente parue dans la revue Nature a montré que six mois après l’infection initiale, la capacité des anticorps à neutraliser le variant Delta était réduite de 4 à 6 fois par rapport au variant Alpha. Il est recommandé aux personnes ayant déjà eu le covid de recevoir une dose de vaccin, afin de renforcer l’immunité acquise après l’infection.
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9) «J’ai peur de faire une réaction allergique»
Des réactions allergiques graves nécessitant une intervention d’urgence, appelées choc anaphylactique, sont en effet possibles avec les vaccins à ARNm. «Il s’agit cependant d’événements rares, qui surviennent dans environ un cas sur un million, surtout chez des personnes ayant des antécédents de réactions anaphylactiques à certains composants spécifiques des vaccins, comme le polyéthylène glycol», détaille Alessandro Diana.
Chaque personne vaccinée fait l’objet d’une surveillance après la première injection. En cas de réaction allergique, un traitement par adrénaline peut rapidement être administré. «Toutes les personnes ayant vécu cette complication ont été traitées et aucun décès n’est à déplorer», souligne le vaccinologue.
A noter que de nombreux médicaments ont le potentiel de déclencher des réactions allergiques graves. «Donc le risque de faire une réaction allergique serait bien plus élevé en attrapant le covid, ce qui nécessiterait des médicaments», met en garde Claire-Anne Siegrist.
10) «Je pars en vacances» Je ferai la piqûre à mon retour.
Attention aux calculs hasardeux. Le processus complet d’immunisation prend un mois et demi, entre la première dose et les deux semaines post-deuxième injection. Entre-temps, le variant Delta ne prend pas de vacances, lui, et infectera un grand nombre de personnes non immunisées. «Le meilleur calcul serait donc de faire une première dose avant de partir, et la deuxième dès le retour, même si celle-ci est légèrement décalée en raison de vacances de plus de deux semaines», conseille Claire-Anne Siegrist.