Burkini: de vraies questions, de très mauvaises réponses.
e ne sais pas pourquoi, mais cette affaire de burkini qui enflamme la société française a quelque chose de rassurant. Voir les français évoquer d’une seule voix l’inadmissible soumission de la femme musulmane, les voir se réclamer de la liberté de choix, du refus de l’emprise de quelque forme d’autorité sur les femmes a quelque chose d’émouvant.
En effet, dans ce beau pays de France, modèle d’émancipation féminine, on ne pouvait espérer autre réaction. Il est vrai que nous pouvons nous prévaloir d’un incontestable savoir faire pour tout ce qui touche à la liberté. Ce pays où 170 femmes meurent chaque année sous les coups de leur conjoint, où les femmes ont les pires difficultés à se faire admettre dans les milieux politiques ou des affaires, où la parité doit être inscrite dans la loi, ce qui ne l’empêche pas d’être sans cesse bafouée, où la femme reçoit à travail égal un salaire inférieur à celui des hommes, où des foules ont manifesté contre le droit à l'avortement, où les représentants du peuple eux-mêmes harcèlent leurs collègues femmes jusques sur les bancs de l’assemblée nationale, où on compte 75 000 viols par an, ce pays peut en effet s’ériger en modèle et invoquer ce qu’il ne s’applique pas à lui-même pour rejeter et stigmatiser les autres.
Je regarde donc avec la plus grande sévérité ce concert de critiques, ce déferlement d’arguments dont certains d’une bassesse immonde, ces commentaires plus odieux les uns que les autres, cette hypocrisie machiste qui veut laisser croire que soudain, la femme va avoir toute sa place dans notre société et y être considérée comme il se devrait. Cette triste affaire aurait une vertu si elle débouchait sur un vaste examen de conscience, une mise à plat des relations homme-femme, sur un combat pour l’égalité réelle, la laïcité, le nécessaire vivre ensemble. Mais nous n’en sommes pas là, nous en restons à la simple stigmatisation et au rejet : Pour faire bref, je dirais : « faux culs ! »
Malgré ce que j’écris, ne croyais pas que je suis dupe et prêt à accepter n’importe quoi. Je suis totalement opposé au port du voile intégral dans l’espace public, je n’ignore pas que ce burkini est sans doute souvent porté comme un « vêtement militant ». Je voudrais juste qu’on ne se retranche pas derrière de faux arguments et qu’on n’oppose pas à ces femmes une interdiction de plus. A force d’interdits, il ne reste plus comme issue que de tenter de les transgresser. J’aimerais que l’on me dise combien ce phénomène touche de femmes. J’imagine déjà nos plages envahies de baigneuses couvertes de la tête aux pieds… Cessons de fantasmer, laissons les délires du remplacement à des Morano ou d’autres édiles du FN. Faut-il que notre société soit fragilisée, peu sûre d’elle, en profonde déliquescence pour s’inquiéter de quelques femmes qui peut-être ne cherchent qu’à éviter les coups de soleil… Allez savoir.
Pour redevenir sérieux, cette focalisation de tous les médias et de la classe politique, dans cette période troublée, ne peut ajouter que du désordre au désordre. Là où il devrait y avoir dialogue, il y aura donc rejet, on compte résoudre le problème de la radicalisation par des arrêtés et des amendes. Petite vision d’un monde politique qui nous a amenés là où nous en sommes aujourd’hui et qui fait mine maintenant de s’en plaindre. Vision étriquée, partielle, orientée, politique du bouc émissaire. Tout ce qu’il faudrait soigneusement éviter. Mais il y a quelque chose d’utile au système quand le petit peuple se réfugie dans la détestation d’une partie de ses congénères.
Peuple moutonnier, nous bêlons quand ils nous disent de bêler, nous réagirons trop tard quand nous serons tondus !